Johannesburg, Afrique du Sud, le lundi 2 septembre 2002
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Merci de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur cette question qui me tient à coeur et m'avait amené à participer aux conférences de Bruxelles sur les pays les moins avancés et de Monterrey sur le financement du développement : comment créer, dans les pays pauvres, les cercles vertueux du développement durable ?
Pas de développement sans création de richesse. Pas d'enrichissement sans formation, mais aussi sans investissement. L'histoire économique des pays développés confirme que leur décollage a reposé sur la mobilisation d'un capital initial qu'ils ont su faire fructifier. Les pays en développement sont à cet égard dans une situation difficile, surtout ceux qui ne disposent ni de grandes richesses naturelles, ni d'une vieille tradition industrielle et commerciale. Plus que d'autres, ils ont besoin d'aide. Or, l'aide publique au développement a baissé de moitié en dix ans.
Et, après avoir fortement augmenté, mais uniquement au profit de quelques pays émergents, les flux financiers privés en direction du sud se sont effondrés ces dernières années. Si de nombreux pays, notamment en Asie, sont parvenus à rejoindre les pays industrialisés, la crise en Amérique latine nous rappelle la fragilité des progrès accomplis.
Chaque pays est certes responsable au premier chef de son avenir. Mais la mondialisation de l'économie exige la mondialisation de la solidarité : il ne peut en être autrement, que ce soit en termes économiques, politiques ou moraux. La communauté internationale a commencé à prendre conscience de cette double exigence de responsabilité nationale et de solidarité internationale. Les décisions que nous avons prises à Doha marquent un tournant.
Les pays développés se sont engagés à faciliter l'accès des productions des pays en développement aux marchés. L'Union européenne, qui met d'ores et déjà en oeuvre l'initiative "tout sauf les armes", appliquera cet engagement avec détermination. Pour financer les infrastructures de base sans lesquelles cette ouverture commerciale n'aurait pas de sens, il faut aussi plus d'aide et une aide plus efficace. C'est le sens du partenariat de Monterrey ou du plan d'action du G8 en faveur du NEPAD.
D'un côté, des pays s'engagent sur la bonne gouvernance, le respect de l'environnement et l'économie de marché. De l'autre les pays riches s'engagent à assurer aux premiers les ressources indispensables à leur action. La France a décidé, dans le cadre d'un effort européen coordonné, d'augmenter de moitié son aide publique au développement au cours des cinq prochaines années, pour atteindre 0,5 % du PIB, en vue de l'objectif des 0,7 % dans dix ans. Elle est également soucieuse d'améliorer la qualité de cette aide. Je voudrais vous informer aujourd'hui de trois orientations que la France mettra en oeuvre dans cet esprit au cours des prochains mois.
Tout d'abord, dans le cadre de la présidence française du G8 en 2003, au-delà des mesures en cours pour l'annulation de la dette des pays les plus pauvres, la France fera des propositions d'allègement de la dette des pays pauvres non éligibles à ce mécanisme ainsi que des pays à revenus intermédiaires surendettés engagés dans de bonnes politiques : ces allègements viseront à financer des investissements dans les domaines clés du développement durable : éducation, santé, eau, énergie en particulier.
Deuxièmement, avec le Premier ministre britannique, nous avons décidé le lancement conjoint, aujourd'hui, d'une nouvelle initiative financière. Elle stimulera la mobilisation de capitaux privés au service d'investissements de long terme dans les pays pauvres. Là encore, les secteurs de l'énergie et de l'eau seront prioritaires. Le Royaume-Uni et la France mettront au point, ensemble, les modalités précises de cette initiative qu'ils proposeront à leurs partenaires européens et du G8. Enfin, et je l'ai rappelé à Monterrey, la France souhaite que soit lancée une réflexion concrète sur les modalités possibles d'un prélèvement de solidarité sur les ressources qu'engendre la mondialisation, ceci en vue de financer le développement et la maîtrise des fléaux liés à la globalisation.
Je voudrais en conclusion rappeler l'importance particulière des secteurs de l'énergie et de l'eau. Il n'y a pas de développement sans énergie, mais celle-ci est l'une des principales sources de pollution et d'épuisement des ressources naturelles. En même temps, les investissements nécessaires à l'approvisionnement en énergie sont parmi les plus coûteux et ceux qui engagent le plus le long terme. C'est pourquoi la France, avec l'Union européenne, a mis l'accent sur les projets concernant l'approvisionnement en énergie propre et renouvelable.
Aujourd'hui, près de la moitié de l'humanité n'a pas accès à l'eau potable ou à l'assainissement. Elle est ainsi victime de pathologies parfois mortelles, qui freinent le développement. La situation risque de s'aggraver. Les ressources en eau douce, disponibles par habitant, diminuent dramatiquement dans le monde et, au rythme actuel, les deux tiers de l'humanité subiront dans quelques années une situation de pénurie. L'accès à l'eau potable et à l'assainissement est au coeur des problématiques du développement. C'est un enjeu écologique, car la ressource est rare. C'est un enjeu de solidarité, pour permettre l'accès des plus pauvres et des quartiers défavorisés. C'est un enjeu de santé publique. C'est un enjeu social, car bien souvent les femmes et les filles sont les premières victimes de l'insuffisance des infrastructures. C'est un enjeu éducatif, car le temps qu'elles passent à aller puiser l'eau est pris sur le temps consacré aux études.
La France a mis au point des méthodes originales de gestion de l'eau. Gestion respectueuse de la ressource car organisée par bassin versant, ce qui permet une approche globale. Gestion participative, qui associe à la puissance publique et aux entreprises les usagers, sur un pied d'égalité. Gestion déléguée, qui combine l'efficacité de l'entreprise et les exigences d'universalité et de transparence nécessaires à la gestion d'un bien public.
Les initiatives que nous avons présentées, conjointement avec l'Union européenne, constituent une illustration exemplaire des principes du développement durable. Monsieur le Président, Notre table ronde rassemble, de façon assez rare dans les conférences internationales, États du nord et du sud, entreprises et institutions internationales. J'en attends un nouveau progrès dans une approche pragmatique et solidaire du développement.
Je vous remercie d'en avoir pris l'initiative et de m'avoir donné l'occasion de m'y exprimer.
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