Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de l'inauguration de l'unité pilote de recherche et développement en nano-électronique (Crolles)

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de l'inauguration de l'unité pilote de recherche et développement en nano-électronique (Crolles 2 )

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Crolles le jeudi 27 février 2003.


Monsieur le Maire, Monsieur le Ministre, Madame la Présidente du Conseil régional, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les Élus, Mesdames et Messieurs,

Je suis bien sûr heureux d'être aujourd'hui parmi vous, à Crolles, pour inaugurer "Crolles 2", cette unité pilote de recherche et développement en nano-électronique.

Cet équipement exceptionnel est, en France, l'investissement industriel le plus important depuis dix ans, depuis "Crolles 1", avec 3,5 milliards d'euros programmés, 1500 emplois directs, 3500 emplois indirects.

Dans la conjoncture mondiale que nous connaissons, cette réussite est aussi une vraie promesse pour l'avenir.

C'est maintenant que se gagnent les emplois de demain. La France entend être prête. Elle agit sans relâche pour que les entreprises choisissent de créer leurs emplois hautement qualifiés sur son territoire. Elle met également tout en oeuvre pour maintenir et développer l'activité industrielle et les services de main-d'oeuvre qui font la diversité, la richesse en emplois et aussi l'équilibre d'une économie développée. Elle s'attache également à mieux répondre aux difficultés des travailleurs éprouvés par la perte de leur emploi et aux inquiétudes de ceux que l'évolution de leur entreprise laisse incertains de l'avenir. C'est en mobilisant aux côtés des entreprises toutes les énergies, pouvoirs publics, collectivités territoriales, et bien sûr partenaires sociaux, que nous réussirons à fabriquer une croissance plus forte et porteuse de plus d'emplois.

L'équipement que nous inaugurons est à tous égards exemplaire, tant par la technologie mise en oeuvre que par l'esprit d'innovation et de coopération des femmes et des hommes qui ont permis sa réalisation.

Depuis 1992, un partenariat existait entre l'entreprise franco-italienne STMicroelectronics et le Hollandais Philips au sein de l'unité "Crolles 1". L'entreprise américaine Motorola a rejoint cette alliance pour "Crolles 2". Cela a été rendu possible grâce à une vision stratégique commune et à un même esprit de compréhension et d'écoute, au-delà des différences de culture et de nationalité. Je voudrais rendre hommage à tous les salariés ici présents, à leur compétence, à leur enthousiasme, à leur engagement. Et j'exprime aux présidents, Pasquale PISTORIO, Gerard KLEISTERLEE et Christopher GALVIN, toute ma reconnaissance pour le choix qu'ils ont fait de notre pays.

Depuis longtemps, Messieurs les Présidents, vous faites confiance à la France. Cette confiance, vous la renouvelez aujourd'hui de manière éclatante. Chacun, je le sais, ici aura à coeur de la justifier et de la mériter.

Votre choix nous honore. Il montre que vous avez pu trouver, à Grenoble, les ressources humaines, les qualifications, l'environnement intellectuel et économique et l'accompagnement des collectivités publiques qui sont les conditions du succès de cet investissement stratégique.

Notre pays est durablement engagé dans une politique de renforcement de sa compétitivité, d'abaissement des charges qui pèsent sur le travail et de modernisation de ses services publics. Mon ambition, l'ambition des Français, c'est que la France soit reconnue partout comme une terre d'accueil favorable à l'investissement, à l'innovation, au lancement d'activités nouvelles et à la création d'emplois. C'est une tâche de longue haleine. Le Gouvernement s'y emploie avec énergie et détermination.

La collaboration et le dialogue entre les hommes sont la clef du succès de toute entreprise humaine qui a pour ambition de relever de grands défis. Une remarquable convergence d'énergies est à l'origine de la réalisation exceptionnelle de "Crolles 2". Mise en commun de leurs efforts de recherche par trois très grands industriels d'un même secteur. Soutien affirmé des élus locaux et régionaux. Appui constant de l'Etat, et en particulier de l'Agence française des Investissements Internationaux. Culture de dialogue entre entreprises privées et chercheurs publics du CNRS, de l'Université et des écoles d'ingénieurs de Grenoble ainsi que du CEA-LETI et du pôle d'innovation MINATEC.

J'ai été impressionné par la visite de "Crolles 1" et de "Crolles 2". Par la dimension et la qualité des installations. Par les conditions de propreté absolue dans lesquelles vous travaillez. Par le souci permanent du respect de l'environnement. Par les technologies de haute précision que vous déployez, en allant toujours plus loin dans l'infiniment petit.

Je voudrais féliciter chacune et chacun de ceux qui ont conçu, construit et maintenant exploitent ces installations.

Les nanotechnologies sont indiscutablement prometteuses. Leurs applications seront très nombreuses, dans bien des domaines : l'électronique grand public, l'environnement, l'industrie, la santé, bien d'autres secteurs encore. Notre vie quotidienne les utilisera de plus en plus. Compte tenu de leur potentiel de développement, elles font l'objet d'une âpre compétition technologique et bénéficient d'un soutien fort de la part de l'Etat et de l'Europe.

Si le pôle de compétences en nanotechnologies de Grenoble a pu acquérir une stature mondiale, c'est parce qu'il regroupe des activités de recherche, publiques et privées, de très haut niveau, une population active hautement qualifiée et des conditions d'accueil incitatives. L'unité pilote de "Crolles 2" en sera désormais l'un des piliers.

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Lorsque la France a la volonté de viser l'excellence dans un domaine de haute technologie, elle sait être attractive pour les investissements internationaux. Que des entreprises européennes et américaines aient choisi la France pour y installer le développement de technologies d'avenir le confirme. La France est également prête à accueillir, dans les meilleures conditions, les investissements de production qui découleront des travaux de développement menés à Crolles.

Toute la gamme des moyens d'action est mise en oeuvre, au plan national, pour améliorer l'environnement des entreprises : la formation tout au long de la vie, que les partenaires sociaux s'attachent à faire progresser rapidement, les baisses d'impôts et de charges, l'assouplissement des 35 heures, la simplification des procédures et des formalités, la réforme de l'État.

La France doit préparer le retour de la croissance en libérant toutes ses énergies.

L'esprit d'entreprendre doit être remis à l'honneur. Les initiatives, des plus petites aux plus grandes, doivent toutes être encouragées. Celles des chercheurs, notamment dans les organismes publics, pour qu'ils puissent créer une activité prolongeant leurs découvertes. Celles des artisans et des PME, avec le projet de loi pour l'initiative économique. Celles des grandes entreprises, avec notamment le soutien aux implantations internationales, comme pour "Crolles 2".

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Améliorer l'attractivité de la France, c'est aussi soutenir le développement de la science et de la technologie.

Les ressources intellectuelles sont désormais les nouvelles richesses où une nation dynamique peut puiser sa vitalité.

La place de la France dans la société de la connaissance doit, sans aucun doute, être renforcée. La recherche et l'innovation seront parmi les premières conditions d'une nouvelle croissance. Le temps ne cesse de se raccourcir entre la mise au point d'une innovation et son entrée sur le marché. Nos avantages concurrentiels résideront, de plus en plus, dans la maîtrise de technologies qui se renouvellent à un rythme accéléré. C'est un élément structurant pour la localisation des grands centres de production mais aussi pour tout un tissu industriel et de services. La sous-traitance qui a prospéré autour de "Crolles 1" le démontre. Elle représente à ce jour près de 300 entreprises et de 3 000 emplois.

D'autres pays ont bien compris la nécessité de se porter sur ces créneaux d'avenir. Pour être au premier rang, la France et l'Europe devront développer les meilleures formations et elles devront aussi savoir attirer et retenir les meilleurs talents.

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La politique de la France en faveur de la recherche et de l'innovation appréhende aujourd'hui la recherche de manière globale pour mettre en cohérence recherche fondamentale, recherche technologique et recherche industrielle.

Ces trois types de recherches sont indissociables. Cela n'aurait pas de sens d'opposer recherche publique et recherche privée, recherche fondamentale et applications. Elles se renforcent mutuellement.

Aucun grand pays ne peut dépendre uniquement et durablement de découvertes faites ailleurs. La France ne peut donc faire l'économie d'un investissement important en recherche fondamentale. Mais la recherche appliquée est essentielle pour la création de richesses et la croissance de notre économie. L'effort national ne doit pas se faire en négligeant cette réalité.

L'Union européenne s'est donnée comme but d'approcher les 3 % de son PIB en recherche et développement. La France, avec 2,2 %, est légèrement au-dessus de la moyenne de l'Union, mais encore loin de l'objectif de 3 %. Nous devons donc accroître notre effort, en encourageant surtout l'engagement des entreprises. Car notre effort public est déjà au niveau de nos principaux partenaires.

Il est également indispensable d'augmenter les forces vives de la recherche.

La matière première de la recherche, c'est la matière grise, ce sont les chercheurs et les développeurs. La désaffection actuelle des jeunes pour les sciences, et notamment les mathématiques, est inquiétante. On la constate dans la plupart des pays occidentaux. Il faut impérativement enrayer cette baisse des vocations scientifiques et inverser la tendance. Cela est d'autant plus nécessaire que, d'ici la fin de la décennie, dans le secteur public de la recherche, 31% des enseignants-chercheurs, 27% des chercheurs et 38% des ingénieurs et techniciens vont partir à la retraite.

Il est vital d'anticiper ce mouvement pour que les savoirs soient transmis et pour procéder aux redéploiements indispensables. Tout doit être mis en oeuvre pour mettre fin à la fuite des cerveaux, offrir à ceux qui sont partis à l'étranger les possibilités de rentrer en France et en Europe et attirer des talents étrangers d'excellence.

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Pour remplir ces objectifs, le Gouvernement a adopté un plan de mobilisation nationale pour l'innovation et a défini une politique de recherche rénovée.

Il s'agit d'abord d'encourager les investissements de recherche. C'est l'objet du statut de la jeune entreprise innovante et du statut de la société de capital-risque individuelle. C'est aussi le sens de la rénovation du crédit d'impôt recherche, de l'exonération de taxe professionnelle pour les investissements de recherche et du renforcement des fonds d'amorçage.

Il s'agit aussi de resserrer les liens entre recherche publique et recherche industrielle. C'est toute une mentalité qu'il faut changer.

Les chercheurs seront incités à déposer des brevets pour la protection des résultats de leur recherche et aidés dans leurs négociations avec les industriels intéressés. Le coût d'acquisition et surtout d'entretien des brevets sera diminué, ce qui est important pour les laboratoires et les PME. Lieux naturels de la coopération entre industrie et recherche, les grands équipements scientifiques devront se coordonner davantage avec la recherche industrielle. Le rôle du Comité des grands équipements sera revalorisé. Il aura notamment pour mission d'intégrer plus précocement les coopérations européennes à nos programmes.

Enfin, il s'agit de libérer les énergies dans la recherche publique, en favorisant la mobilité entre établissements, quels que soient les statuts, et en diversifiant les carrières, entre enseignement, recherche, transferts technologiques, vulgarisation scientifique, relations internationales, création d'entreprise...

Libérer les initiatives dans les organismes publics de recherche, c'est aussi améliorer leur gouvernance, moderniser leur tutelle, donner de la souplesse à leur organisation et développer l'évaluation internationale de leurs stratégies et de leurs résultats.

Pour compléter le soutien de l'État à la recherche et à l'innovation, il doit être fait davantage confiance aux collectivités territoriales. Elles ont montré ici ce dont elles sont capables. La région Rhône-Alpes, il est vrai, a toujours été exemplaire dans ce domaine. De même, la candidature de la France au programme international de recherche sur la fusion nucléaire ITER a été facilitée par l'engagement des collectivités locales. Les régions sont les mieux placées pour favoriser l'innovation dans les PME, pour le soutien aux "incubateurs" et aux centres de transferts technologiques, et d'une manière générale pour développer les interactions entre la recherche publique et le tissu économique régional. La décentralisation est une opportunité pour renforcer ce rôle.

La recherche et l'industrie françaises ont fait le choix de l'Europe. Elles ont vocation à s'intégrer dans un espace européen de la recherche et de l'innovation. Cet espace unifié doit encourager la mobilité des chercheurs et des étudiants. Il doit faciliter la protection des innovations par un brevet communautaire. Il doit développer les coopérations, notamment au travers du sixième programme-cadre de recherche et de développement. La France exercera la présidence de l'initiative Eurêka en juin prochain. Elle compte la relancer, en l'articulant mieux avec le programme-cadre.

Enfin, nous avons proposé que la Convention européenne consacre la recherche comme une compétence partagée entre l'Union européenne et les Etats-membres, et que les décisions dans ce domaine soient beaucoup plus rapides.

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Mesdames, Messieurs,

Les industriels qui participent au projet de "Crolles 2" vont acquérir une formidable avance stratégique dans la course aux nanotechnologies.

Je souhaite qu'ils fassent école, car l'innovation sera notre meilleur atout dans la compétition internationale, le meilleur atout de l'Europe.

Il n'y a pas d'un côté une recherche qui serait noble et de l'autre une recherche qui serait mercantile. D'un côté une recherche qui serait pure spéculation intellectuelle et de l'autre une recherche qui serait utile à la société. Le dialogue que vous avez su cultiver à Grenoble a fait tomber les barrières, au profit de tous. Il doit inspirer d'autres initiatives.

Le foisonnement de la recherche sous toutes ses formes, fondamentale, technologique ou industrielle, est l'une des conditions de son épanouissement. Il faut provoquer et entretenir ce foisonnement en développant les réseaux d'échanges, les lieux de rencontre, les pôles scientifiques et technologiques et les grands programmes.

Les jeunes générations reprendront goût à la science si elles sentent autour d'elles, dans leur région, dans leur ville, cet enthousiasme, ce jaillissement et cette générosité qui appartiennent aux grandes aventures de la pensée et aux grandes réalisations de l'industrie. Et s'ils sentent qu'ils pourront un jour faire partie d'une communauté de chercheurs enrichis par leur diversité, porteurs d'espérance, enracinés dans leur région mais ouverts sur le monde.

Je félicite encore une fois toutes celles et tous ceux qui ont contribué et qui contribuent à ce superbe projet.

Je leur souhaite le plein succès qu'ils méritent.

Je vous remercie.





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