Château de Bellevue - Berlin (Allemagne) le jeudi 23 janvier 2003.
Monsieur le Président Fédéral, Monsieur le Chancelier, Mesdames, Messieurs,
Merci de vos paroles, Monsieur le Président, qui témoignent, une nouvelle fois, de votre engagement personnel dans le combat sans fin de la démocratie, des valeurs et de la première d'entre elles, la paix.
Une fois encore, vous avez laissé s'exprimer la conscience européenne, avec une certaine idée de la vocation et des enjeux de l'Europe, et de la part que doivent y prendre et l'Allemagne et la France.
Je n'ai pas oublié, Monsieur le Président, ma visite à Berlin il y a bientôt trois ans, et les mots que vous aviez eus pour évoquer la réconciliation et l'entente de nos deux peuples. Déjà, nous avions relancé le débat européen. Nous avions commencé d'explorer l'avenir de notre Union. Nous avions repris cette confrontation d'idées qui, depuis un demi-siècle, a fait franchir à la construction européenne ses étapes les plus décisives.
Depuis deux jours, hier à Paris et Versailles, et aujourd'hui à Berlin, nous nous souvenons de l'extraordinaire volonté qui a présidé au rapprochement de nos deux pays. Nous nous souvenons de ces hommes d'exception, le Chancelier Konrad Adenauer et le Général de Gaulle, qui ont forgé la relation franco-allemande, conjuré la malédiction de l'affrontement, surmonté le ressentiment et la méfiance, pour ouvrir, avec ce Traité de l'Elysée dont nous célébrons le 40ème Anniversaire, le chemin inouï de la paix et de la coopération entre nos deux pays. Un chemin qu'ont pris à leur tour les peuples de toute l'Europe. Un chemin suivi sans faille par tous les hommes d'Etat qui, ici et en France, ont repris le flambeau.
Il est bon que nous prenions le temps de réfléchir au chemin parcouru, à ces quatre décennies où Allemands et Français ont bâti une communauté de destin. Au fait que cette entente, qui nous réunit aujourd'hui, n'est pas venue d'elle-même mais a été le choix courageux d'hommes qui ont bouleversé le cours de l'Histoire. Qui ont osé le rapprochement si peu de temps après l'affrontement, balayé les préjugés, bousculé les pesanteurs du passé. Saluons, une fois encore, la mémoire de ces deux grands Européens, leur puissante vision de l'avenir qui a continué d'inspirer celles et ceux qui les ont suivis et qui nous invite, nous, leurs successeurs, à accomplir les gestes forts, dignes de la relation franco-allemande, les gestes à la mesure de la vocation et des enjeux de l'Europe.
Hier, nos deux Gouvernements ont tenu un Conseil des ministres commun. Ce n'était pas le face-à-face de deux délégations. Notre union acquérait une nouvelle dimension. Assis côte-à-côte, nous avons adopté, dans chaque domaine d'action, un programmes de travail que nous mettrons en oeuvre ensemble.
Au même moment, et pour la première fois, les députés du Bundestag et de l'Assemblée nationale siégeaient ensemble et débattaient du rôle et de la contribution de nos deux parlements dans cette nouvelle étape de la coopération franco-allemande.
Nous avons, le Chancelier et moi-même, devant les deux Assemblées, voulu solennellement marquer la portée historique de cet instant, l'inestimable valeur de notre pacte fondateur réaffirmé et le rôle essentiel que doit y jouer la représentation nationale. L'association et l'entente, chaque jour plus étroites, entre nos deux pays ne sauraient être le résultat de la seule concertation entre gouvernements. Elles impliquent l'engagement du législateur.
Notre rapprochement, nous devons en effet l'ancrer davantage dans la réalité quotidienne, le rendre effectif et perceptible pour nos peuples, le faire entrer de plain-pied dans la vie de nos concitoyens. C'est ça le message que les jeunes adressaient ce matin au Chancelier et à moi-même.
Entre Allemands et Français, nous avons su, avant tous les autres Européens, lever les barrières et libérer la circulation des hommes. Il demeure encore d'ultimes obstacles à notre volonté de créer, de part et d'autre du Rhin, une même communauté de vie, de droits et de liberté. Trop de drames individuels ou familiaux viennent encore brouiller notre vision d'un grand espace de citoyenneté réunissant nos deux pays, modèles pour l'Europe tout entière.
Nos citoyens n'attendent pas seulement de nous que nous nous attachions à améliorer les conditions de leur vie et de leurs échanges. Ils espèrent que l'union de l'Allemagne et de la France nous permettra de défendre ensemble, avec plus de force et d'autorité que nous n'en aurions chacun séparément, les valeurs fondamentales auxquelles ils sont attachés, les droits de l'homme et la paix.
Nous devons garantir à nos citoyens leur droit de vivre en paix et en sécurité, à l'intérieur et à l'extérieur, et donc donner à nos sociétés la capacité de se défendre contre les agressions et les menaces. Mais nous devons aussi pousser ensemble l'Europe à s'investir davantage dans la résolution des problèmes, des tensions et des confrontations qui surgissent dans le monde.
Au nom de l'Europe, chaque fois que celle-ci peine à parler ou à agir en tant que telle, c'est la voix des Allemands et des Français, s'exprimant ensemble, qui fait entendre une certaine conscience européenne. Pour faire prévaloir la raison et le droit. Pour rechercher, jusqu'au bout, une solution pacifique et négociée aux conflits, toujours préférable à l'emploi de la force et à ses conséquences désastreuses. Pour faire prévaloir notre idée de la personne et de la dignité humaine, une certaine idée aussi du progrès au service de l'homme.
A l'heure de la mondialisation, au moment où des hommes et des régions entières de la planète courent des risques croissants d'exclusion, à l'heure où des apprentis sorciers mènent leurs expériences dévoyées, nous devons garantir un développement durable, attentif aux équilibres de la nature, assurant un égal droit des peuples au respect de leur environnement et soucieux de transmettre aux générations futures un patrimoine préservé.
Tels sont, au-delà de nos propositions actuelles et de nos initiatives pour renforcer l'Union, les objectifs qui doivent désormais nous mobiliser, Allemands et Français.
Ensemble, Allemands et Français doivent travailler à conférer un surcroît de vocation et d'âme à l'Europe. Je sais combien, dans ce combat pour la défense des valeurs, vous-même, Monsieur le Président, êtes personnellement engagé. Plusieurs de vos appels ont eu, ici, mais également en France, un grand retentissement. Les paroles exigeantes que vous venez d'avoir confortent ma conviction que l'entente franco-allemande doit investir résolument ce nouveau champ des ambitions européennes.
Une nouvelle fois, Monsieur le Président, je tenais à vous remercier de votre hospitalité et de la haute ambition que vous conférez à l'union franco-allemande, au service de l'Europe et de ses idéaux les plus nobles.
Je vous remercie.
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