Palais du Koulouba, Bamako, Mali, le vendredi 24 octobre 2003
Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs,
Mes premiers mots, Monsieur le Président de la République, cher Amadou Toumani TOURE, seront pour vous remercier pour votre accueil, pour celui des Maliens, et pour les paroles que vous avez su trouver pour évoquer, plus que l'amitié, la relation exceptionnelle qui unit le Mali et la France. Dans vos paroles, dans les manifestations de sympathie de votre peuple, c'est toute l'hospitalité de votre généreux pays qui s'exprime, à Tombouctou, comme à Bamako. Tombouctou, mais aussi Gao, Djenné, Mopti, ces noms glorieux, qui évoquent une riche histoire, fascinante, celle des fastes de l'empire du Ghana et des conquêtes de l'empire du Mali, celle du puissant empire Songhaï, du royaume Bamanan de Segou, du royaume Peul du Macina. De tout temps, le Mali a été un carrefour d'échanges, entre le Nord et le Sud, entre l'Est et l'Ouest, entre peuples nomades et peuples sédentaires. Un commerce florissant s'est développé, favorisé par de grands souverains dont la renommée au-delà de l'Afrique et du monde arabo-musulman s'est étendue jusqu'à l'Europe.
Oui, votre pays peut se prévaloir d'un passé aussi ancien que glorieux. L'histoire du Mali tient une place éminente dans celle de l'Afrique de l'Ouest, qu'elle a fécondée pendant plus de dix siècles, en lui donnant certains de ses plus grands noms, qu'ils fussent héros de légende, penseurs, artistes ou poètes. De SOUNDIATA, bâtisseur d'un empire, à Tierno BOKAR, le sage de Bandiagara, d'Amadou Hampâte BÂ, le grand conteur, à Mamby SIDIBE ou Moussa KONATE, des dizaines de vos compatriotes, Monsieur le Président, ont ainsi enrichi la culture universelle, par leurs hauts faits, leur sagesse ou leurs écrits.
L'occasion m'est offerte ce soir de rendre un hommage tout particulier à un Malien, qui a sa place dans cette illustre lignée : il s'agit de vous-même, Monsieur le Président ! A une période cruciale pour le pays, celle de la transition, au moment où, après le rejet d'un régime autoritaire, il fallait répondre à l'aspiration au changement et rétablir l'unité du pays, vous avez assuré la paix civile. Vous avez ouvert la voie de la démocratie, avec une sagesse empruntée à vos grands anciens, et avec le sens du devoir d'un militaire loyal et républicain. Votre comportement et votre action, en ces circonstances, vous ont valu une estime unanime. En témoignent les hautes missions que vous a confiées ces dernières années la communauté internationale au service de la paix et du développement.
Au Mali, à partir des bases solides que vous avez établies, la vie démocratique a pu se développer. Il est significatif que ce soit à Bamako que la francophonie ait défini sa charte pour le respect des droits de l'Homme et de la démocratie.
Le débat politique ouvert, le respect de la constitution et du calendrier électoral qui ont caractérisé le scrutin présidentiel d'avril 2002 sont à mettre au crédit de tous les dirigeants politiques du pays. Permettez-moi de saluer à ce propos votre prédécesseur, le Président KONARE, qui vient d'être élu à de hautes fonctions africaines. En vous appelant pour lui succéder, le peuple malien vous a exprimé sa reconnaissance et sa confiance.
Monsieur le Président, lors de votre prise de fonctions, vous avez fait du développement votre priorité : un développement centré sur l'Homme. Vous répondez là aux aspirations profondes et aux attentes exprimées par les hommes et les femmes du Mali.
Comment ne pas les entendre quand il s'agit de démocratie, de dialogue, de respect des libertés individuelles, de la primauté de l'intérêt général, ou de la répartition équitable des richesses nationales ?
C'est conscient de ces grands enjeux, que vous avez demandé à votre Gouvernement -dont je salue le Premier Ministre, M. Ahmed Ag HAMANI- de conduire son action pour mobiliser les ressources du pays, comme les capacités et les talents des Maliens.
C'est ainsi que de vastes chantiers de rénovation s'ouvrent au Mali qui augurent bien de l'avenir : restructurations, scolarisation, décentralisation.
Dans cette entreprise d'envergure, je voudrais évoquer de manière particulière deux domaines déterminants pour le développement du Mali, celui du coton et celui de l'eau.
Le coton du Mali ! Nous savons qu'il fait vivre plus de trois millions de Maliens. Nous savons aussi que les producteurs africains ne touchent pas le juste prix de leur labeur. Les mécanismes établis notamment par les pays développés producteurs de coton déstabilisent les cours. Les producteurs sahéliens en sont les premières victimes. En février, à Paris, j'avais proposé qu'il soit mis fin à cette iniquité. J'ai convaincu mes partenaires européens d'y remédier et nous comptions sur la Conférence de Cancun pour enregistrer des avancées sur ce point. Cela n'a pas été le cas, mais il ne faut pas baisser les bras. Plus que jamais une action volontariste est nécessaire. Je propose donc un plan d'action en faveur du secteur cotonnier en Afrique en quatre volets :
- un programme régional d'amélioration de la compétitivité des filières cotonnières ;
- la définition par l'Union européenne d'une nouvelle approche de sa politique cotonnière qui ne crée pas de distorsion de prix déstabilisatrice ;
- le soutien actif de l'Union européenne aux revendications africaines dans les négociations du cycle de Doha ;
- enfin, la France va demander à ses partenaires européens, mais aussi à l'ensemble de la communauté internationale, de mettre en oeuvre des mécanismes améliorés pour compenser les pertes de revenus des producteurs des PMA, en s'appuyant notamment sur la Convention de Cotonou.
Je peux vous assurer que nous serons vos avocats convaincants et déterminés dans cette juste cause.
Plus généralement, la France pousse à des initiatives pour le monde rural. C'est pourquoi j'ai souhaité la création d'une "Fondation pour l'agriculture et le développement rural dans le monde". Je l'ai annoncé lors du Congrès mondial des jeunes agriculteurs en juin dernier à Paris. Ce sera un nouveau moyen d'action en faveur des pays en voie de développement autour d'un modèle d'agriculture et de ruralité à la fois moderne et humain. Je compte beaucoup sur la sagesse et l'imagination des sahéliens, y compris en matière d'irrigation.
L'eau représente pour le Mali un autre défi majeur. Le climat sahélien crée de dures contraintes : il faut les surmonter par la pleine utilisation des eaux du Niger. Il faudra des années. Il faudra une action patiente et inlassable. Il faudra respecter les voeux des populations riveraines, et respecter l'environnement. Il faudra à la fois bâtir des ouvrages ambitieux -tel que le barrage de MANANTALI déjà achevé-, réaliser des micro-aménagements et introduire des techniques nouvelles d'irrigation. Pour tout cela, au-delà de la prise de conscience collective des Maliens et de leur propre effort, vous pouvez compter sur l'appui de la communauté internationale et d'abord sur celui de la France.
Les conférences internationales sur l'eau, comme celle de Kyoto, ne seraient que des voeux pieux si leurs bonnes résolutions ne se traduisaient pas rapidement par des réalisations sur le terrain. Le Mali, déjà convaincu et mobilisé, s'impose à l'évidence pour être l'un des premiers bénéficiaires de ces projets ambitieux et novateurs. Ils sont la vraie réponse à la fatalité du climat.
Tout en s'engageant dans ces domaines, où se conjuguent heureusement de nouvelles initiatives, la France maintiendra son effort bilatéral d'aide publique au développement. Le Mali en bénéficiera, en particulier sous forme d'une aide budgétaire et de la poursuite de l'annulation de la dette monétaire à l'égard de la France. M. WILTZER, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, qui est ici présent, aura l'occasion d'en préciser les modalités.
Je suis très heureux aussi de voir se développer l'intérêt d'investisseurs français pour votre pays, comme en témoignent les chefs d'entreprise qui m'accompagnent. Mieux que d'autres, ils connaissent le potentiel économique et les atouts du Mali. Je sais que le Mali, bien conscient qu'il détient lui-même la clé de l'investissement national et étranger, a déjà travaillé pour améliorer l'environnement institutionnel de l'entreprise privée. Il ne tardera pas à en récolter les fruits.
Monsieur le Président, la stabilité et la paix sont les clés indispensables du développement et du progrès. Les Maliens le savent et votre pays, après des épreuves douloureuses, offre désormais une image de cohésion et de démocratie apaisée.
Vous avez en vous, Monsieur le Président, cette culture de paix, vous en connaissez le prix et les bienfaits. Je salue les efforts précieux que le Mali et son Président, avec son savoir-faire et la considération qui l'entoure, déploient au service de la paix.
De son côté, la France a démontré sa volonté d'aider à la pacification dans les pays où la violence s'est installée. Elle l'a fait en Ituri, mais tout particulièrement dans votre région, en Côte d'Ivoire, sur la base de principes très clairs, en appuyant, par un dispositif militaire d'envergure, les forces régionales de stabilisation et en invitant la communauté internationale à se porter garante du respect des engagements de réconciliation pris par les parties en présence.
Cette crise ivoirienne frappe de plein fouet votre économie, en accentuant votre enclavement ; elle concerne près d'un million de vos compatriotes qui vivent et travaillent sur le sol ivoirien. Cela illustre la nécessité de prévenir ou de traiter les crises dans toute leur dimension régionale. Voilà encore un domaine, celui de la sécurité et de la paix, où le Mali et la France se retrouvent et, partageant une même vision, doivent conjuguer leurs efforts.
Nos deux pays ont une riche histoire en commun. En partie celle de la colonisation, avec ses heures sombres, avec aussi ce qu'elle a permis de rencontres et d'échanges. Celle de la fraternité d'armes aux moments fatidiques où s'est trempée notre amitié. Les Français, Monsieur le Président, n'oublient pas que des milliers de vos compatriotes ont versé leur sang pour la liberté de notre pays. A ceux qui ont combattu à nos côtés, à leurs familles, j'adresse un salut fraternel et reconnaissant.
Parce que nous avons su les faire évoluer, nos relations ont pu rester amicales, denses et confiantes. Il n'appartient pas seulement aux dirigeants de les renforcer. C'est aussi à nos citoyens de les enrichir.
Les Français qui vivent au Mali sont là pour en témoigner, tout comme les nombreux Maliens qui séjournent en France, au sort desquels vous êtes si justement attentif, Monsieur le Président. Ces «Maliens de l'extérieur» lorsqu'ils demeurent en France dans le respect des règles acceptées de part et d'autre, y sont toujours les bienvenus et ils y sont appréciés. Ils sont le lien vivant entre nos deux pays et contribuent à notre enrichissement mutuel.
C'est pourquoi, afin de favoriser le plein épanouissement de tous les Maliens qui vivent en France dans un cadre légal, je souhaite que nos deux gouvernements continuent à travailler ensemble pour renforcer la lutte contre l'immigration illégale et aussi mettre fin aux agissements d'intermédiaires sans scrupules qui exploitent de manière indigne de vains espoirs. D'autant plus que le Mali a besoin de toutes ses forces, celles d'abord de sa jeunesse et de ses diplômés, pour assurer l'avenir.
Cet avenir, Monsieur le Président, au premier jour de ma visite, je le vois plus que jamais étroitement lié au nôtre. Nous savons pouvoir compter sur le Mali. Vous êtes assurés du soutien de la France. Nos visions et nos projets sont proches. Par l'histoire, comme par le présent, nos destins sont liés.
Vive l'amitié franco malienne, Vive la France, Vive le Mali.
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