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Centre des Conférences internationales, Paris le lundi 26 avril 2004.
Monsieur le Président, Cher Mamadou TANDJA Messieurs les Présidents et Chefs de délégations, Monsieur le Président de la Commission Européenne, Cher Romano PRODI, Mesdames et Messieurs,
En septembre 2003, les neuf pays africains appartenant au Bassin du Niger s'accordaient sur la nécessité d'une " vision partagée " sur l'utilisation des ressources en eau de la vaste zone qu'irriguent ce grand et superbe fleuve et ses nombreux affluents. Lors de mon dernier déplacement à Niamey, en octobre dernier, un déplacement dont je garde un très très chaleureux souvenir dans mon coeur et dans mon esprit; le Président Mamadou TANDJA, Président en exercice de l'Autorité du Bassin du Niger, a exprimé le souhait qu'une conférence internationale vienne soutenir l'initiative prise à Niamey et je lui ai donné naturellement immédiatement mon accord pour que cette conférence, comme il le souhaitait, puisse se tenir à Paris, sous sa Présidence.
Moins de six mois après, j'ai le plaisir de vous accueillir au Centre des Conférences Internationales, le plaisir de saluer les chefs d'Etat du Bassin du Niger, ainsi que les hauts représentants des institutions internationales et des pays qui ont répondu à l'invitation du Président TANDJA. Permettez-moi de saluer, en particulier, notre ami Romano PRODI, Président de la Commission européenne, qui a bien voulu faire le déplacement, pour s'associer à notre réunion. Qu'il en soit chaleureusement remercié.
Placée sous le signe du partenariat, notre rencontre doit permettre de faire franchir un nouveau pas au vaste programme de bien-être, de paix et de développement que laisse espérer la gestion durable et donc responsable des eaux du Bassin du Niger, une gestion pour laquelle vous vous êtes engagés.
L'eau, nous le savons tous, est la première nécessité. Elle l'est plus encore dans une région aux confins du désert. Antoine de SAINT-EXUPERY, qui éprouva les affres de la soif après un atterrissage en catastrophe dans le Ténéré, exprima dans " Terre des Hommes " ce que l'eau représente d'essentiel. Il disait ou il écrivait : " L'eau ! Tu n'es pas nécessaire à la vie, tu es la vie !··· Tu es la plus grande richesse qui soit au monde et tu es aussi la plus délicate ".
Pourtant, l'accès à l'eau reste encore, pour de très nombreuses populations de l'Afrique subsaharienne, un défi journalier. Accès à une eau en quantité suffisante pour l'agriculture, à une eau de qualité, nécessaire pour la santé, à une eau aisément disponible, évitant aux enfants des corvées qui les privent d'école. Ce n'est que trop récemment qu'on a pris conscience d'un dramatique constat : dans le monde, près d'un milliard et demi de personnes sont privées d'eau potable, et, si rien n'est fait, leur nombre sera multiplié par deux dans les vingt ans à venir. C'est le constat, inacceptable, bien entendu.
Fort heureusement, la mobilisation a commencé : aux Nations Unies, avec la Déclaration du Millénaire ; au Sommet de Johannesburg, avec comme objectif une réduction de moitié d'ici à 2015 du nombre des femmes, des hommes et des enfants qui n'ont pas accès à l'eau potable et à l'assainissement ; au Sommet de Syrte, sous l'égide de l'Union africaine ; au sein même de l'Union européenne, sous l'impulsion notamment de la Commission.
A l'initiative de la France, un plan d'action pour l'eau a été adopté lors du Sommet du G8 à Evian. Il appelle les organisations internationales et les bailleurs de fonds à accroître leurs efforts. Il invite aussi les pays en développement à définir des politiques de gestion de l'eau. Les pays du Bassin du Niger ont bien perçu cette nécessité en décidant d'intégrer leurs politiques dans une démarche régionale visant à rationaliser et aussi à pacifier la gestion de l'eau.
C'est que l'eau, inégalement répartie et toujours convoitée, génère des conflits et des antagonismes. Les risques de guerre pour l'eau paraissent avoir été surmontés, au moins en Afrique, grâce précisément à des instances de concertation telles que l'Autorité du Bassin du Niger ou l'Organisation de mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). L'eau, son utilisation, sa répartition, sa préservation, provoquent néanmoins bien des tensions et des contradictions, que des préoccupations nouvelles ne font qu'aviver : il y a les inégalités d'accès à l'eau, par catégories sociales, entre zones urbaines et rurales ; il y a les prélèvements ou les retenues, toujours suspectés de se faire au détriment d'autres utilisateurs ; il y a les demandes d'infrastructures et les atteintes à l'environnement imputées aux grands équipements hydrauliques. Il y a toutes les importantes questions concernant l'écologie, les rejets polluants de l'agriculture ou de l'industrie, l'assainissement, le recyclage des eaux usées, la lutte contre le gaspillage, l'ensablement des cours d'eau et leur envahissement par des plantes parasites, la déforestation et notamment la déforestation des rives et toutes sortes d'autres causes qui font que l'eau n'apporte pas aux hommes tout ce qu'ils pourraient en attendre.
Par son étendue, par les ressources en eau qu'il draine, le Bassin du Niger offre un potentiel considérable pour le développement d'activités agricoles et pastorales dont il est déjà le principal support. Alors que les aménagements actuels portent sur 300 000 hectares, les superficies utiles pourraient être doublées avec de nouvelles infrastructures hydrauliques, voire portées à deux millions et demi d'hectares en utilisant les plaines inondables, en reboisant les berges et en pratiquant des cultures en terrasses le long du fleuve et de ses affluents. Ces estimations laissent entrevoir les marges d'action qui s'offrent aux pays riverains et le rôle que l'Autorité du Bassin du Niger aura à jouer pour les coordonner et pour les inscrire dans un cadre de partage équitable et de développement durable.
Par ses enjeux, en termes économiques, sociaux et environnementaux, la gestion de l'eau relève à l'évidence des grandes politiques publiques. Elle est donc de la responsabilité des Gouvernements qui en déterminent les orientations et qui s'assurent de leur mise en oeuvre, sous le contrôle de la représentation nationale.
Par le NEPAD, les chefs d'Etats africains recherchent une gouvernance guidée par l'intérêt général, favorisant la croissance économique, attentive aux plus démunis, et respectueuse de l'environnement. Le cadre est tracé et l'ambition est affichée. La France, comme les autres partenaires de l'Afrique, se félicite de cette appropriation responsable de principes qui ont acquis une valeur universelle. Leur application concertée dans le domaine de l'eau, par les pays de l'Autorité du Bassin du Niger, constituera une mise en oeuvre exemplaire, et à grande échelle, des ambitions du NEPAD.
L'objet de la Conférence qui commence aujourd'hui est de tracer le cadre de concertation et de partenariat dans lequel s'inscriront les multiples projets que les potentialités du Bassin du Niger permettent d'envisager. La France, vous le savez, possède une longue expérience dans ce domaine. Elle est prête à vous donner tout son appui.
En vous renouvelant mes souhaits de bienvenue, je forme des voeux pour que cette réunion soit reçue par les populations, de Tombouctou à Port-Harcourt, de Kankan à Bongor comme le signal d'un effort commun en faveur de leur bien-être et en faveur du développement.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
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