Paris, le vendredi 15 octobre 2004.
Messieurs les ministres,
Messieurs les présidents,
Chère Anne,
Mesdames et messieurs,
Je voudrais d'abord vous dire ma joie de visiter aujourd'hui le chantier du musée du quai Branly. Et je veux vous remercier d'être venus partager ce moment particulier qu'est la découverte de la forme, presque achevée, de ce qui, longtemps, n'a été, pour beaucoup d'entre nous, qu'un rêve et qui devient une réalité. Déjà, les lignes se tracent, les volumes se dessinent et les espaces prennent place. Toute une organisation et toute une vie s'esquissent. Le geste architectural de Jean NOUVEL prend tout son élan, toute son ampleur, toute sa force. Et pour dire la vérité, je suis très impressionné.
Le musée du quai Branly, vous le savez, me tient particulièrement à coeur. Il exprime cette conviction profonde que l'humanité ne peut progresser que dans le respect et le dialogue ; qu'elle ne peut s'épanouir que dans la rencontre, pacifique, enrichissante, avec l'Autre, avec ses expériences, avec ses traditions, avec ses valeurs. Le musée sera l'un de ces lieux de passage, entre les cultures, entre les civilisations, entre les hommes. Il viendra rompre une certaine vision, tronquée et injuste, de l'histoire de l'humanité et rendre toute leur place, une place immense et essentielle, aux Arts Premiers. Ici, leurs expressions les plus abouties s'offriront à la découverte et à l'admiration.
Pour traduire cette ambition, il fallait un projet architectural d'exception. Ce que nous devinons déjà du musée témoigne pleinement du talent de ce très grand architecte qu'est Jean NOUVEL. Je veux le saluer et le remercier chaleureusement. A l'évidence, cette oeuvre portera pleinement sa marque, tant il affirme, avec force et originalité, des concepts qui lui sont chers. Refusant une organisation spatiale traditionnelle, elle suscitera, j'en suis sûr, curiosité et étonnement. Elle invitera à d'autres formes de pensée et de perception. Elle incarnera parfaitement les ambitions qui sont au coeur du projet muséologique.
Cette architecture novatrice, au service de la tolérance, du respect et de la reconnaissance des différences, se devait aussi de rendre ce lieu d'ouverture accessible à tous les publics. Je pense aux personnes handicapées auxquelles, c'est pour moi une vraie priorité, nous devons garantir le plein accès à tous les lieux et domaines de la vie. Le musée du quai Branly prendra pleinement en compte cet impératif. Une attention particulière sera portée aux abords et aux accès du bâtiment, à l'aménagement des circulations et des zones de repos, à l'éclairage, à l'acoustique, aux équipements d'aide à l'audition, à la signalétique ou encore à la sécurité.
Exemplaire, le projet le sera aussi au regard des préoccupations qui sont les nôtres en matière de développement durable. Grâce à la recherche de nouvelles solutions technologiques qui minimisent, à long terme, les risques de dégradation de l'environnement naturel, grâce à une grande attention portée à la nature des matériaux employés, le musée bénéficie de la norme Haute Qualité Environnementale. Le vaste jardin du musée contribuera, lui aussi, à créer un exceptionnel environnement écologique.
L'inauguration du musée du quai Branly en 2006 sera l'aboutissement d'un long et patient travail de réhabilitation, de reconnaissance et de consécration de la place et du rôle éminent des arts premiers.
La première étape décisive fut, vous le savez, l'ouverture spectaculaire, au musée du Louvre, il y a quatre ans maintenant, des salles d'arts d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques. Ce fut l'aboutissement de la passion savante, inspirée, généreuse, de mon ami Jacques KERCHACHE, dont je salue affectueusement l'épouse, Anne et les filles, dont l'une n'est pas avec nous et à qui sa soeur lui donnera toute mon affection. L'idée magnifique, portée avec un très grand talent par Jean-Michel WILMOTTE, qui en a imaginé la muséographie. Et je suis heureux, Chère Anne, d'être dans cette salle, qui sera la salle Jacques KERCHACHE.
Depuis leur ouverture, les salles du Louvre connaissent un très, très, grand succès. Plus de trois millions et demi de visiteurs sont venus y confronter leur goût au génie d'autres peuples, leur sensibilité aux expressions d'autres arts. Témoignage émouvant de la valeur et de la richesse de ces arts et de ces cultures, les salles du pavillon des Sessions resteront bien entendu ouvertes, au Louvre, après l'inauguration du musée du quai Branly. Elles en compléteront la mission et continueront de souligner son indispensable message au coeur de l'un des plus prestigieux musées du monde.
Mais l'étape majeure sera franchie en 2006 avec l'ouverture de ce musée qui est en train de naître sous nos yeux.
Entièrement dédié aux histoires et aux arts des peuples extra-européens, il rompra avec toute tentation d'ethnocentrisme. Réunissant les collections conservées au musée de l'Homme, conservées plus ou moins bien au musée de l' Homme, et celles du musée des arts d'Afrique et d'Océanie, il leur donnera un nouvel avenir.
Gardienne vigilante de ces oeuvres, de ces chefs-d'oeuvre, qui appartiennent au patrimoine de l'Humanité tout entière, la France est pleinement consciente de son immense responsabilité envers ce précieux héritage.
Pour y répondre, le musée du quai Branly a engagé, depuis octobre 2001, une vaste campagne, à la fois méticuleuse et généreuse, de conservation préventive et de restauration des 300 000 pièces qui composent ses collections. Chacune de ces oeuvres, prestigieuse ou plus modeste, a été répertoriée, identifiée, nettoyée, documentée, photographiée. Chacune sera accessible sur Internet. Ces pièces seront aussi rendues disponibles à toutes celles et à tous ceux qui, à travers le monde, les étudient et les aiment.
Alors que se poursuit trop souvent la dispersion ou la dégradation des patrimoines des peuples premiers, c'est grâce à de telles campagnes, avec de tels outils de référence, que peut s'exercer notre vigilance. Elle est la marque tangible de la contribution du musée du quai Branly à la sauvegarde et au rayonnement des cultures du monde.
Lieu de préservation et de valorisation, le musée du quai Branly sera aussi, à Paris, au pied de la Tour Eiffel, un espace de vie et de mouvement, un lieu de création mais aussi un lieu de recherche et d'enseignement. Expositions, conférences, colloques, spectacles y trouveront toute leur place. Arts premiers et créations contemporaines pourront ici dialoguer.
C'est dans cet esprit qu'est née la belle idée de faire peindre les plafonds intérieurs de l'un des bâtiments du musée par les plus grands artistes aborigènes australiens contemporains. Le Premier ministre australien, M. John HOWARD, m'a écrit pour exprimer son plein soutien à ce projet. Ces plafonds peints, visibles depuis la rue de l'Université, témoigneront de la vitalité des arts premiers australiens. Véritable prouesse technique, ils seront d'une puissante portée symbolique.
Je suis heureux de constater que, depuis 1995, les ministères de la Culture, de l'Education et de la Recherche marchent, main dans la main, au service de cette belle ambition. Je tiens à en remercier les ministres ici présents, François FILLON et François d'AUBERT, ainsi que le ministre de la Culture et de la Communication, Renaud DONNEDIEU DE VABRES, qui défend, aujourd'hui même, en Chine, l'attachement de la France à la diversité culturelle.
Je veux également remercier toutes celles et tous ceux qui ont accompagné et soutenu la réalisation de ce grand projet. Je pense aux partenaires du musée : entreprises mécènes, et vous me permettrez de citer en particulier Axa, Saint-Gobain, Pernod-Ricard, Sony, les donateurs privés, nombreux, et je les vois ici et je leur exprime ma reconnaissance, qui se sont engagés généreusement aux côtés du musée. Je suis extrêmement sensible à leur enthousiasme, à leur soutien et à leur confiance. Grâce à cette complémentarité, cette initiative publique et privée, grâce à eux, ce sont des pans entiers du projet qui auront pu être menés à bien, qu'il s'agisse du mécénat accordé en faveur de certains aspects architecturaux ou de l'acquisition d'oeuvres exceptionnelles.
A cet égard, le rôle de la Société des Amis du musée du quai Branly, créée en juin 2002 et présidée par Monsieur Louis SCHWEITZER, Président de Renault, à qui je dis toute ma reconnaissance et toute mon estime, s'est avéré essentiel. Et je sais le soutien efficace que lui apportent Martine et Bruno ROGER ainsi que l'ensemble des membres du Conseil d'administration du musée.
Ma reconnaissance va aussi à toutes celles et à tous ceux qui, chaque jour, donnent forme et vie, ici, et dans les locaux de l'Hôtel Berlier, au futur musée. Grâce à eux, grâce aux 400 personnes et à toutes les entreprises qui consacrent leur talent, leur foi, leur énergie à réaliser ce magnifique projet, celui-ci progresse dans le respect du programme et du calendrier initial.
Je tiens enfin à remercier tout particulièrement mon ami Jacques FRIEDMANN, Président de la mission de préfiguration puis du Conseil d'orientation du musée du quai Branly, qui veille avec tant de soin sur ce projet. Et bien entendu, bien entendu Stéphane MARTIN, Président de l'Etablissement, et qui conduit ce projet avec une exceptionnelle passion, intelligence, efficacité et engagement. Merci Cher Stéphane MARTIN.
A peine plus d'un an nous sépare désormais de l'ouverture du musée du quai Branly. En 2006, ce musée jettera de nouveaux ponts entre traditions et civilisations du monde. Il sera un forum ouvert et attentif, un magnifique écrin pour de nouvelles relations, un haut lieu de culture, de recherche et d'éducation.
Je souhaite que ce musée soit aussi l'instrument d'une citoyenneté renouvelée. Un témoignage emblématique de notre tradition d'accueil, d'ouverture, de tolérance. Une source d'inspiration et de confiance dans l'avenir pour les jeunes générations qui découvriront, ici, certaines des facettes les plus admirables de la création humaine.
Mais je souhaite surtout qu'il soit un instrument de paix qui témoigne pleinement de l'égale dignité des cultures et des hommes, thème si cher à Jacques KERCHACHE. Face aux risques du fanatisme et de l'obscurantisme, de l'intolérance et du repli identitaire, contre ceux qui prônent l'affrontement, la violence, la haine, je forme le voeu que le musée du quai Branly porte loin le message humaniste du respect de la diversité et du dialogue des cultures. Ce message universel de paix, de confiance et d'espoir d'une France résolument ouverte sur l'avenir.
Je vous remercie.
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