Le Luc en Provence (Var) mardi 19 avril 2005 -
Madame la ministre,
Monsieur le secrétaire d'Etat,
Mon général,
Mesdames et messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, de vous dire le plaisir que j'éprouve à me trouver ici dans cette magnifique école franco-allemande de formation des équipages d'hélicoptère TIGRE.
Je tiens à remercier chaleureusement le Colonel SALENDRE de son accueil chaleureux et toutes celles et tous ceux qui, avec lui, ont œuvré et œuvrent pour assurer le succès de cette journée. Je remercie également le Secrétaire d'Etat Hans-Georg WAGNER et le Général BOLZ, commandant l'aviation légère de l'armée de Terre, auquel je souhaite un excellent anniversaire, qui nous ont fait l'honneur de venir spécialement d'Allemagne pour marquer le prix que nous attachons à l'entente entre l'Allemagne et la France, qui sont les moteurs de la construction de l'Europe de la défense.
Les présentations qui m'ont été faites ce matin témoignent de l'originalité de la structure et du fonctionnement de cette école franco-allemande. En tant que chef des armées, j'ai apprécié la volonté d'excellence qui caractérise le processus de formation, et en particulier le recours aux techniques de simulation les plus élaborées et les plus modernes.
Je mesure l'importance de l'arrivée du nouvel hélicoptère TIGRE dans notre armée de Terre. Cet appareil est l'exemple de ce qu'une armée doit faire pour être parmi les premières du monde. Outil de premier ordre, le Tigre est aussi une illustration de ce que les Européens peuvent accomplir ensemble lorsqu'ils savent joindre leurs efforts, pour atteindre à la perfection mondiale.
Ces jeunes institutions que sont l'école franco-allemande de formation des pilotes d'hélicoptère TIGRE du Luc, votre école, comme le Centre franco-allemand de formation des mécaniciens de Fassberg, illustrent l'ambition commune de l'Allemagne et de la France en matière de défense, et ce qu'ensemble elles peuvent faire pour le bien commun. Elles sont un symbole fort, en même temps qu'une manifestation concrète de la volonté qui nous anime de construire l'Europe dans toutes ses dimensions.
La défense constitue, en effet, l'une des dimensions essentielles de la construction européenne. L'Europe resterait incomplète si elle ne répondait pas à l'aspiration première de ses peuples, aspiration à la paix et aspiration à la sécurité.
Cette ambition s'inscrit dans le droit fil du projet européen tel qu'il s'est déployé depuis plus d'un demi-siècle.
Le projet de l'Europe, ce fut, dès le départ, de garantir notre sécurité commune en rendant la guerre impossible sur notre continent, et d'abord et surtout, entre l'Allemagne et la France.
C'était l'inspiration de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la CECA, qui mettait en commun, dès 1951, la production de ces matières premières qui étaient alors primordiales pour la fabrication des armes de guerre.
C'était l'inspiration des fondateurs de l'Europe, bien décidés à surmonter les fatalités de l'histoire et à reconstruire le continent sur des bases nouvelles et pacifiques.
Avec le temps, au-delà de ses réalisations commerciales, agricoles, industrielles, économiques et monétaires, le projet européen a pris une nouvelle dimension, une dimension stratégique. Le monde a profondément changé. L'ère de la guerre froide a pris fin. Désormais les menaces sont multiples, elles sont multiformes ; les crises régionales sont plus fréquentes ; souvent, elles entrent en résonance et se répercutent en des points éloignés ou imprévus du globe.
L'Europe a une vocation naturelle à être un pôle de puissance pour contribuer à la paix, à la démocratie et à la sécurité du monde. C'est pourquoi elle doit se doter d'une politique étrangère, mais aussi d'une politique de défense.
Depuis bientôt vingt ans, l'Allemagne et la France ont été côte à côte pour porter cette ambition d'une Europe capable de s'exprimer d'une même voix sur la scène internationale, d'une Europe dotée des capacités militaires nécessaires à sa crédibilité politique et à son action au service de la paix en Europe et dans le monde.
Maastricht, Amsterdam, Saint-Malo, Cologne, Helsinki, telles sont quelques-unes des étapes où les Européens ont fait ensemble progresser ce grand dessein, cette idée d'une Europe dotée de la pleine capacité d'assumer ses responsabilités internationales.
Enraciner à jamais la paix et la démocratie sur notre continent, améliorer encore et toujours la sécurité des peuples européens et donner à notre Europe les moyens d'exercer ses responsabilités dans le monde, tel est l'enjeu.
La paix n'est jamais définitivement acquise. Les pays qui sont tentés de baisser inconsidérément leur garde finissent tôt ou tard par en payer le prix. L'Europe ne pourra rester en paix et contribuer à la paix dans le monde que si elle est capable d'organiser sa propre défense de manière crédible et de manière autonome.
C'est une ambition dans laquelle nous sommes résolument engagés. Elle n'a cessé de progresser depuis plusieurs années. Et les réalisations sont d'ores et déjà importantes.
Ainsi, l'année 2003 a vu la première opération de l'Union européenne en Macédoine, en relève d'une opération de l'OTAN.
En République démocratique du Congo, l'opération Artémis a démontré l'aptitude de l'Union européenne à mener, dans l'urgence, des opérations autonomes de maintien de la paix, dans un environnement difficile et à plusieurs milliers de kilomètres de ses frontières.
L'année 2004 a vu l'Union européenne prendre le relais de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine. Aujourd'hui encore, des Balkans occidentaux jusqu'à la Géorgie et au Congo, l'Union mène des missions en faveur de la paix ou de l'Etat de droit.
Parallèlement aux opérations, l'Union européenne poursuit le renforcement de ses structures et de ses outils de défense.
L'Etat-Major de l'Union européenne se renforce et se dote progressivement d'un centre d'opération destiné à conduire, de manière autonome, des actions de gestion de crise du type d'Artémis.
Pour donner à l'Union une capacité propre d'appréciation de situation, condition indispensable à sa crédibilité dans la gestion des crises internationales, nous mettons en œuvre des satellites d'observation de la terre avec nos partenaires espagnols, italiens, belges, grecs et allemands.
Les groupements tactiques européens, les GT-1 500, auxquels vous participez, sont désormais opérationnels. Ils permettent à l'Union européenne de disposer d'une capacité militaire de réaction rapide, pour qu'elle puisse intervenir partout dans le monde, sous mandat des Nations Unies.
Dans le même esprit, à la suite d'une proposition française, l'Europe peut désormais mobiliser une force de gendarmerie dont l'état-major est installé à Vicenza, en Italie. Cette gendarmerie européenne pourra être utilisée dans les situations de sortie de crise, pour prendre le relais des opérations militaires.
Pour optimiser nos dépenses militaires, des ingénieurs, des militaires travaillent à concevoir ensemble, dans le cadre de l'Agence européenne des armements, nos futurs équipements de défense. Ainsi, nos efforts de recherche, nos efforts de développement pourront être progressivement valorisés, parce que mis en commun.
Un Collège européen de sécurité et de défense a vu le jour sous une forme originale. Des officiers de toute nationalité y jettent les bases d'un véritable esprit européen de défense.
Après ces premiers succès, nous devons poursuivre avec constance et détermination la mise en place des outils nécessaires à la politique de défense de l'Union. De nouveaux progrès sont devant nous.
J'ai pu mesurer la motivation de vos camarades de l'armée de l'air à l'occasion de ma visite, l'année dernière, sur la Base aérienne de Cazaux, à l'école de pilotage franco-belge, première étape d'un futur réseau de formation de l'ensemble des pilotes de combat européen.
Je mesure la vôtre aujourd'hui, ici, au Luc, où je constate la symbiose entre militaires allemands et militaires français pour la formation des pilotes de Tigre.
Ouvertes à tous nos partenaires, cela va de soi, ces initiatives favorisent le rapprochement des outils de défense européens, c'est le gage même de l'efficacité. Je souhaite qu'ensemble nous allions encore plus loin dans la mise en commun de la formation de nos soldats. Il y a là une voie prometteuse qui doit être explorée systématiquement. C'est cela aussi l'enracinement de la démocratie et de la paix sur notre continent.
C'est encore cette voie de la coopération que nous devons inlassablement poursuivre pour répondre aux besoins en équipements militaires des armées européennes. Ceci doit nous permettre d'utiliser au mieux les ressources financières que nos nations consacrent à la défense.
L'hélicoptère Tigre, développé par l'Allemagne, l'Espagne et la France, est un bon exemple de ce que nous pouvons et de ce que nous devons faire. Un exemple d'excellence mondiale. De plus en plus, nos forces seront équipées de matériels communs. Ce sera le cas demain, avec les avions de transport militaires Airbus A 400M, avec les hélicoptères de transport NH 90, fabriqués par quatre pays européens, avec les frégates européennes multi-missions, issues d'une coopération franco-italienne. Et c'est aussi pour cela que j'ai fait le choix fondamental d'une collaboration très étroite avec nos amis britanniques pour la construction du deuxième porte-avions français.
Pour chacun de ces équipements, nous devons réfléchir d'ores et déjà à la possibilité de mutualiser la formation des équipages, la maintenance et la logistique. C'est la voie de l'avenir.
Nombre de chantiers sont ouverts. Il faut désormais les mener à leur terme. L'Europe de la défense doit être consolidée et approfondie.
Le Traité constitutionnel affirme l'ambition d'un projet commun pour la paix et la sécurité. Il consacre les vues que la France et l'Allemagne, rejoints par le Royaume-Uni et ensuite les autres, n'ont cessé de porter depuis plusieurs années. Ce traité constitutionnel sera le socle de l'Europe de la Défense et permettra de lui donner de nouvelles impulsions.
La Constitution comporte en effet des avancées déterminantes pour la défense.
Parce que l'Europe est désormais une communauté de destin, elle affirme pour la première fois le principe de solidarité et d'assistance mutuelle entre les Etats-membres de l'Union européenne. Ce qui veut dire qu'en cas d'agression, après la ratification de la Constitution, les Etats de l'Union se devront assistance. Ces engagements sont bien entendu parfaitement compatibles avec ceux qui sont pris dans l'Alliance atlantique depuis cinquante ans, Alliance qui reste le fondement de notre défense collective.
Pour faire face aux conséquences d'une attaque terroriste, hélas toujours possible, ou d'une catastrophe naturelle ou industrielle, la clause de solidarité prévue par la Constitution permettra la mobilisation de tous les moyens appropriés, qu'ils soient civils ou militaires. Cette clause permettra d'améliorer la sécurité de nos populations et constituera un instrument très efficace de prévention de la menace terroriste.
Le Traité constitutionnel ouvre également la possibilité à des Etats particulièrement motivés, comme l'Allemagne, la France, leurs partenaires du Corps européen, de se regrouper, dans le cadre de l'Union européenne, pour aller plus loin et plus vite dans la construction d'une Europe de la défense.
C'est tout le sens des "coopérations structurées" ouvertes aux Etats qui s'engageront à participer aux principaux programmes européens d'équipements militaires et à fournir des forces immédiatement disponibles pour l'Union.
Enfin, la Constitution fait du renforcement de la base industrielle et technologique de l'industrie de défense de l'Europe et de la définition d'une véritable politique européenne de l'armement, c'est-à-dire de notre autonomie stratégique et de notre indépendance, l'objectif majeur de la toute nouvelle Agence européenne de défense.
C'est un enjeu capital à bien des égards : non seulement pour utiliser au mieux les moyens que nous mobilisons pour l'équipement de nos armées, mais aussi pour rester à la pointe des progrès technologiques dans le domaine militaire.
C'est également un facteur de dynamisme pour nos économies dans leur ensemble, tant l'effet d'entraînement des industries de défense est, chacun le sait, très important : elles stimulent la recherche et le développement technologique, et permettent de créer sur notre sol des emplois à haute valeur ajoutée, qui sont par conséquent des emplois beaucoup moins exposés à la concurrence internationale des pays à bas salaires.
En faisant progresser l'Europe de la défense, nous améliorons la sécurité de tous les Français, de tous les Européens, et nous sommes fidèles à la vocation de la France au service de la paix, de la démocratie et de la stabilité du monde. C'est en unissant nos forces avec celles de nos partenaires européens que nous pouvons peser davantage sur la scène internationale, pour le bénéfice de notre pays, de la sécurité de notre continent, et de l'équilibre du monde tout entier, au service de ces valeurs universelles qui nous rassemblent et qui sont notre idéal.
Pour vous, ce sont de nouveaux défis, mais aussi la promesse de nouvelles ambitions, de nouvelles réalisations. C'est dans ce cadre que vous exercez déjà et que vous exercerez demain plus encore votre grand et beau métier de soldat.
Dans cette perspective, j'attends de chacune et de chacun d'entre vous l'initiative et l'imagination, mais aussi la générosité et l'enthousiasme qui, seuls, pourront nous permettre d'aller encore plus loin.
Avec ma confiance, je vous exprime ma reconnaissance, mon estime et mon amitié.
Je vous remercie.
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