Palais de l'Elysée, jeudi 6 janvier 2005.
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Monsieur le Président de l'Organisation Internationale de la Francophonie,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Monsieur le Nonce,
Merci pour vos paroles qui m'ont touché, des paroles empreintes d'humanité et de sagesse. Je forme également à votre intention des vœux très sincères et je vous prie, Monsieur le Nonce, de transmettre à Sa Sainteté le Pape JEAN-PAUL II mes sentiments respectueux et déférents ainsi que les souhaits très chaleureux du peuple français.
Voici quelques jours, la mort et la dévastation se sont abattues sur les côtes de l'Océan indien, frappant particulièrement l'Indonésie, le Sri Lanka, l'Inde, la Thaïlande, la Malaisie, les Maldives et jusqu'aux rivages d'Afrique et de la péninsule arabique. Je souhaite tout d'abord présenter aux Ambassadeurs des pays frappés par cet effroyable cataclysme mes très sincères condoléances, ainsi que celles du peuple français.
Ce drame, la France, comme beaucoup d'autres pays, notamment en Europe, l'a vécu douloureusement dans sa chair. Je souhaite étendre ces condoléances à Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs de tous les pays dont les ressortissants ont péri ou disparu en ce jour funeste.
Nous mesurons tous la dimension exceptionnelle de cette tragédie qui suscite aujourd'hui, à travers le monde et par-delà les distances, un immense élan de solidarité. Face à cette épreuve, nous sentons combien nous formons une seule et même humanité dont le destin ne se distingue pas de celui de notre planète.
La France, qui s'est mobilisée dès les premières heures pour venir au secours de ses ressortissants et des populations meurtries, continuera à agir aux côtés des pays de la région. J'ai réuni hier les organisations non gouvernementales françaises, si fortement impliquées sur le terrain, afin de mieux soutenir leur action.
A l'issue de la réunion avec le Premier Ministre et les ministres que j'ai présidée ce matin, il a été décidé de concentrer dans l'immédiat notre effort sur l'accès à l'eau potable des populations sinistrées et sur la prévention des épidémies, notamment avec la mise en place d'un hôpital de campagne dans le Nord de Sumatra et l'arrivée sur zone du porte-hélicoptères « JEANNE D'ARC ».
La France plaidera, lors de la réunion du Club de Paris du 12 janvier prochain, pour un moratoire immédiat et sans intérêts sur la dette des pays de la région qui le souhaitent. Elle proposera en outre, pour les pays les plus affectés, des mesures complémentaires d'allègement à la lumière de l'évaluation des besoins de la reconstruction. J'ai saisi la Présidence britannique du G8 pour que celui-ci adopte, sur ces questions, une approche généreuse et concertée et je sais que c'est bien là l'intention de nos amis britanniques.
Au-delà de cette première réponse, la communauté internationale, unie et solidaire, doit inscrire son action dans la durée, et aider les populations à engager sans tarder le processus de reconstruction.
Des mois sûrement, des années sans doute seront nécessaires pour surmonter cette catastrophe. L'enjeu, c'est aujourd'hui le sort de millions de femmes, d'hommes et d'enfants.
La France soutiendra dès demain à Bruxelles un engagement massif de l'Union européenne en faveur de cette région, en demandant que tous les moyens disponibles soient rassemblés pour constituer un Fonds européen de reconstruction.
Au-delà des aides déjà programmées à court terme, à titre bilatéral et multilatéral, la France est prête, comme ses partenaires européens, à mobiliser les moyens financiers nécessaires pour la reconstruction, en fonction des évaluations. Ces efforts seront annoncés dans les conférences des donateurs.
Ces événements mettent également en exergue la nécessité de relever l'aide publique au développement, et de trouver des mécanismes de financement innovants tels qu'une taxation internationale qui est aujourd'hui inéluctable. La France portera ces thèmes tout au long de l'année dans le cadre du G8 et des Nations Unies.
Nous devons aussi tirer les leçons à long terme de cette tragédie. Pour la prévention, mettre en place un réseau mondial d'alerte reposant sur des dispositifs régionaux, à l'exemple de celui qui existe déjà dans le Pacifique. La France contribuera au développement de ce réseau.
Pour répondre à de telles catastrophes, nous devons également renforcer les capacités d'urgence de la communauté internationale. C'est pourquoi je propose la création, dans le cadre des Nations Unies, d'une force humanitaire de réaction rapide. J'ai saisi le Secrétaire général des Nations Unies en ce sens. Ce nouveau dispositif devra s'appuyer sur des relais régionaux. C'est pourquoi la France proposera dès demain à Bruxelles d'examiner la mise en place d'une force européenne de sécurité civile, dotée d'une capacité de coordination et de mobilisation sans délai à partir de moyens nationaux pré-identifiés. Cette force devrait notamment comprendre un pôle médical et une dimension médico-sociale.
Ce séisme doit enfin nous engager dans une démarche de prévention plus globale des catastrophes naturelles. D'ici cinquante ans, on prévoit un accroissement de moitié de la population mondiale, pour l'essentiel le long des côtes et des fleuves des pays du Sud. Or, nous savons que ces zones exposées à des phénomènes naturels extrêmes seront également particulièrement affectées par le réchauffement climatique. Pour prévenir et maîtriser les conséquences de ces catastrophes prévisibles, il est urgent de relancer la réflexion internationale, notamment dans le cadre des Nations Unies. La France fera des propositions en ce sens.
Iraq. Proche-Orient. Côte d'Ivoire. Darfour. Attentats, à Madrid, Istanbul, Beslan... L'année qui vient de s'achever fut encore marquée par la violence, le terrorisme et la guerre.
Pourtant, par-delà les crises et les désordres du monde, des perspectives se sont ouvertes.
En Iraq, nous avons mis en place, avec la résolution 1546, les prémices d'un processus politique sous l'égide des Nations Unies.
Au Proche-Orient, la maturité du peuple palestinien, confronté à la succession de Yasser ARAFAT, qui incarnait ses aspirations depuis tant d'années, ainsi que la décision courageuse du gouvernement israélien de se désengager de Gaza, laissent entrevoir, pour la première fois depuis quatre ans, la possibilité de sortir de l'impasse.
En Afghanistan, où se poursuit la lutte de la communauté internationale unie contre le terrorisme, l'engagement de la communauté internationale a contribué aule succès des élections présidentielles ouvre la voie du renouveau.
En Côte d'Ivoire et au Darfour, la communauté internationale et les Africains eux-mêmes se sont mobilisés engagés, notamment à travers l'Union africaine, qui s'affirme de plus en plus et avec le soutien des Nations Unies, pour enrayer des crises qui menaçaient d'échapper à tout contrôle, mettre un terme au déchaînement de la violence et ramener les parties sur le chemin du dialogue, de la compréhension et de la paix.
En Europe, un chapitre nouveau s'est ouvert aAvec l'élargissement et la signature du Traité constitutionnel, 2004 fut également une année historique pour l'Europe. Une Europe mobilisée au service de la paix. L'Union s'est engagée sur les théâtres d'opérations extérieures, avec le lancement en Bosnie de la plus importante opération militaire qu'elle ait jamais conduite. L'Union progresse dans la construction d'une Europe de la défense crédible, qui contribue également au renforcement de l'Alliance Atlantique. Tel sera le message de la France lors du sommet extraordinaire de l'OTAN, le 22 février, à Bruxelles. L'Union a aussi offert sa médiation .dans la crise politique ukrainienne dont le dénouement a marqué un progrès de la démocratie. Je salue, à cet égard, l'action de Javier SOLANA et des Présidents polonais et lituanien. L'Union s'est enfin tenue au premier rang de la lutte contre la prolifération nucléaire, par le dialogue qu'elle a mené avec l'Iran.
L'année écoulée a vu également progresser l'affirmation d'un ordre mondial plus juste et plus solidaire.
La ratification du Protocole de Kyoto par la Russie a permis une avancée historique dans la lutte contre le changement climatique et ses conséquences dramatiques.
Le succès, au-delà de toute attente, de la réunion organisée par le Brésil, le Chili, l'Espagne et la France, le 20 septembre dernier à New York, a donné une impulsion que j'estime et que je souhaite irrésistible au débat sur le financement du développement.
C'est avec confiance et détermination que j'aborde 2005 sera. U l'année d'échéances ne année qui sera décisives pour la paix et pour l'avenir du multilatéralisme. A quelques jours de son investiture pour un second mandat, j'exprime naturellement des vœux amicaux au Président des Etats-Unis que j'aurai l'occasion de rencontrer bientôt. Je souhaite qu'ensemble, avec la communauté internationale, nous abordions l'année nouvelle dans l'unité, avec confiance et détermination, et Des échéances que nous devons préparer avec nos amis et alliés américains. Tel est le vœu que je forme à quelques jours du commencement du second mandat du Président des Etats-Unis. que les défis auxquels nous sommes confrontés soient autant d'occasions d'illustrer la vitalité du lien transatlantique.
Une année marquée aussi par des échéances décisives pour l'Europe. Car, pour relever les défis de notre temps, nous avons besoin d'une Europe forte dans un partenariat transatlantique renouvelé.
Le Proche-Orient et l'Iraq constituent la première urgence. Dans ces deux foyers de crise, le destin hésite.
Dans trois jours, les Palestiniens éliront leur Président, avant de désigner un nouveau Parlement. Ce qui est en jeu, c'est la mise en place d'institutions légitimes et fortes, qui doit aller de pair avec le redémarrage du processus de paix.
Au lendemain de l'élection présidentielle palestinienne, rassemblons-nous pour faire du retrait de Gaza un succès. Cela suppose d'y associer pleinement l'Autorité palestinienne, et de l'aider à faire face à ses responsabilités, comme l'Union européenne s'y est engagée. Mais cela suppose aussi que ce retrait soit articulé avec la feuille de route, qui doit être relancée sans délai.
Nous devons dès à présent inciter les parties à s'y engager avec détermination. Tirant les leçons du passé, n'hésitons pas à aller au plus vite vers un règlement définitif. C'est ainsi que nous aboutirons à la création d'un Etat palestinien viable, pacifique et démocratique, vivant aux côtés d'Israël dans la paix et la sécurité.
Amie d'Israël et amie des pays arabes, la France, avec l'Union européenne, est à leur écoute et les accompagnera dans leur marche vers la paix. Tel est le message que j'ai demandé au ministre des Affaires étrangères de porter très prochainement dans la région.
La recherche de la paix au Proche-Orient ne saurait s'accommoder de la persistance de schémas archaïques. La mise en œuvre de la résolution 1559, affirmation de notre attachement profond à un Liban indépendant, souverain et démocratique, requerra toute notre vigilance, en particulier dans la perspective des élections législatives du printemps prochain.
En Iraq, la France soutient le processus politique défini par la résolution 1546 ainsi que la reconstruction du pays. Le scrutin du 30 janvier, dont nous souhaitons le succès, doit permettre l'établissement d'un gouvernement démocratique et légitime. Il est essentiel que le plus grand nombre d'Iraqiens y participent et manifestent ainsi leur refus de la violence.
D'autres étapes suivront qui devront garantir à toutes les composantes de la société et de la vie politique iraqiennes de trouver leur juste place dans les futures institutions du pays. Le parcours sera long et exigeant. Mais c'est le seul qui puisse permettre à l'Iraq de retrouver la paix civile, la stabilité et la pleine indépendance, dans l'unité et la sécurité. Tout au long du chemin, la France sera aux côtés du peuple iraqien, comme elle l'a été pour trouver une solution exceptionnelle à la question de la dette. C'est l'esprit dans lequel je recevrai la semaine prochaine le Président iraqien.
En Afrique aussi, certaines crises mettent en cause la stabilité même du continent.
C'est le cas en Côte d'Ivoire. Les conditions de l'apaisement ont été tracées et acceptées par les dirigeants politiques ivoiriens eux-mêmes. La résolution 1572 du Conseil de sécurité a enjoint les parties ivoiriennes de respecter des engagements qui commandent le retour à la paix et à l'unité du pays. Mandaté par l'Union africaine, sous la présidence du Nigeria, le Président M'BEKI a établi la feuille de route d'une nouvelle tentative pour ramener les uns et les autres à la raison.
La France n'a pas d'autres objectifs que de soutenir le processus de réconciliation. En remplissant la mission que lui ont confiée les Nations Unies, en appui de la CEDEAO, elle veut permettre aux Ivoiriens de retrouver les voies de la paix et de la sagesse qui furent longtemps les leurs et ceci à la faveur d'élections libres et transparentes.
Au Soudan, la signature d'un accord de paix longtemps attendu entre le Nord et le Sud du pays vient de nous rappeler, très heureusement, que l'esprit de réconciliation et de responsabilité peut surmonter les pires obstacles, dès lors qu'il est soutenu par une véritable volonté politique.
Il est urgent que, comme le demande le Conseil de sécurité de l'ONU, un tel esprit de paix et une même volonté d'aboutir prévalent aussi au Darfour, où les populations civiles continuent à être victimes d'exactions, et de souffrir des calculs et des tergiversations des diverses parties au conflit.
Au-delà des crises régionales, d'autres périls menacent la sécurité et la stabilité du monde.
Contre la prolifération des armes de destruction massive, le cas de l'Iran montre la voie à suivre. Les pays qui respectent leurs obligations internationales en matière de non-prolifération, et qui apportent la preuve de la nature pacifique de leurs activités, doivent pouvoir bénéficier des technologies auxquelles les règles internationales leur donnent légitimement accès. Mais il faut être sans faiblesse envers ceux qui trahissent leurs engagements. Ces principes continueront à guider la démarche des trois Européens dans le cadre de la négociation d'un accord à long terme avec l'Iran, en liaison avec nos autres partenaires de l'Union européenne, avec la Russie, avec les Etats-Unis, avec la Chine. Ils inspireront notre approche dans ce domaine lors de la prochaine conférence d'examen du TNP en mai, qui sera aussi l'occasion de poursuivre sur la voie du désarmement.
Face à une extension du terrorisme que rien, qu'aucune cause, ne saurait justifier, nous devons définir une réponse toujours plus efficace. Prenons en compte les formes nouvelles de la menace que sont, notamment, le bioterrorisme ou le cyberterrorisme. Lutter contre les avantages dont tirent profit les organisations terroristes, en particulier dans les paradis fiscaux. La France souhaite que l'Union européenne soit encore plus en pointe dans ce combat qui doit être livré dans le respect, naturellement, de nos valeurs. Il doit prendre en compte les racines du terrorisme au premier rang desquelles les conflits non résolus, avec leur cortège d'injustices, de misères et de désespoirs.
Lutte contre le terrorisme et non-prolifération. Conférence d'examen du TNP.
2005 doit être l'année de la réforme des Nations Unies. Je tiens à rendre hommage aujourd'hui, à l'action déterminée et inlassable du Secrétaire général, M. Kofi ANNAN, homme de paix, de conviction, de courage et d'intégrité. En le recevant à l'occasion du Conseil européen de décembre, l'Europe lui a renouvelé son estime, son soutien et son amitié.
Dans un monde en ébullition, à la recherche de nouveaux équilibres entre les pôles anciens et émergents et de solutions aux défis globaux de la pauvreté et de l'environnement, les Nations Unies, seule enceinte universelle de régulation des rapports internationaux, doivent continuer à évoluer, dans la fidélité aux principes et aux objectifs de la Charte.
Saisissons l'occasion du sommet de septembre prochain à New York pour accomplir les réformes nécessaires, comme nous y invitent les conclusions du panel. Vous connaissez les positions de la France : élargissement du Conseil de Sécurité dans les deux catégories de membres, permanents et non permanents ; création d'une enceinte politique de gouvernance économique et sociale et d'une Organisation des Nations Unies pour l'Environnement ; renforcement des moyens de gestion des sorties de conflits ; nouveaux progrès dans la protection des droits de l'Homme.
Prenons aussi nos responsabilités sur le financement du développement. Pour la France, le sommet de septembre doit, dans l'esprit des engagements du Millénaire et de Monterrey, déboucher sur la décision de principe de doubler les financements concessionnels. Pour y parvenir, nous poursuivrons inlassablement avec le Brésil, le Chili et l'Espagne, avec ceux qui veulent nous rejoindre, les travaux engagés sur l'ensemble des mécanismes innovants, et en particulier sur les taxes internationales.
Dès à présent, attaquons-nous aux problèmes les plus urgents.
La vaccination pour tous, en lançant, comme le propose le Royaume-Uni, une facilité financière expérimentale.
La lutte contre le sida, en y affectant le produit d'une première taxe internationale parmi celles envisagées dans le rapport LANDAU.
Au-delà, contre cette pandémie, la France souligne l'urgence de réunir, dès la conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial en mars prochain, un montant annuel de trois milliards de dollars, répartis par tiers entre l'Union européenne, les Etats-Unis et les autres donateurs.
Les propositions de ressources nouvelles pour le développement ne visent pas à pérenniser une logique d'assistance mais au contraire, dans une démarche de partenariat, à lever les obstacles qui empêchent les plus pauvres d'exprimer leurs énergies et leurs talents et de trouver leur place dans la mondialisation.
Elles sont ainsi complémentaires d'autres démarches fondées sur les mécanismes de marché, comme la microfinance - dont soixante millions de personnes, en majorité des femmes, ont déjà bénéficié de par le monde - et le commerce.
Tirons aussi partie de l'année internationale du microcrédit pour multiplier par dix, de soixante à six cent millions environ, le nombre de bénéficiaires de la microfinance. La conférence internationale que la France accueillera en juin prochain devrait y contribuer. Dans le processus de reconstruction des pays dévastés par le tsunami, chacun voit l'intérêt d'un tel instrument pour aider les populations affectées à restaurer très vite leur activité économique.
La France sera aux côtés du Premier ministre britannique, qui a choisi de consacrer le prochain sommet du G8 à l'Afrique et à la lutte contre le changement climatique.
La communauté internationale doit réaffirmer son soutien aux efforts déployés par l'Afrique, avec l'Union africaine et le NEPAD, pour consolider la paix, construire des Etats efficaces, faire sauter les verrous au développement que sont l'insuffisance des infrastructures et les carences des systèmes éducatif et de santé. Le prochain G8 devra se concentrer sur ces objectifs.
C'est dans cet esprit également qu'après une visite au Sénégal, je me rendrai en février à Brazzaville pour la conférence sur le bassin du Congo, en mars à Madagascar pour la Commission de l'Océan indien et en fin d'année à Bamako pour le sommet Afrique-France.
Avec l'entrée en vigueur, le 16 février prochain, du Protocole de Kyoto, nous entamerons les discussions sur l'avenir du régime international de lutte contre le changement climatique au-delà de 2012. Je souhaite que le sommet du G8 de Gleneagles, sous présidence britannique, permette de réengager les Etats-Unis sur ce sujet qui est vital pour l'avenir de notre planète. Je souhaite aussi que nous sachions faire preuve d'imagination pour convaincre, notamment par des transferts de technologie, les pays émergents de faire des choix énergétiques durables qui permettront de lutter contre le réchauffement sans entraver la croissance économique.
Avec l'accord de juillet à l'OMC, l'Europe a démontré sa volonté d'avancer. Mais le chemin est encore long avant de pouvoir conclure le cycle de Doha. Mobilisons-nous d'ici la conférence de Hongkong en décembre pour répondre aux véritables besoins des pays en développement les plus pauvres, conformément à la vocation de ce cycle, et parvenir à un résultat équilibré sur tous les volets de la négociation.
Mesdames et Messieurs,
2005 sera enfin une année décisive pour l'avenir de l'Europe.
Lorsqu'ils se prononceront par référendum, avant l'été, sur la Constitution européenne, les Françaises et les Français regarderont le chemin parcouru depuis un demi siècle. Cette Europe que nous construisons, ce projet de paix et de prospérité partagée, s'ancre dans une histoire douloureuse. C'est parce que nous ne devons jamais oublier les souffrances indicibles qui ont marqué l'histoire de l'Europe au siècle passé que je me rendrai en Pologne, le 27 janvier prochain, pour le soixantième anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz. Puis à Moscou, le 9 mai, pour la commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale.
Je souhaite que les Françaises et les Français aient la fierté de l'Europe, ce grand projet que la France a porté avec ses partenaires depuis les origines et dont elle se veut toujours à l'avant-garde.
Cette Constitution, que la France a voulue et largement inspirée, consolidera encore les fondations de la paix et de la démocratie sur notre continent. Une paix et une démocratie que nous devons léguer à nos enfants. Elle est un texte de progrès économique et social. Elle garantit les libertés, elle protège les citoyens. Elle confortera l'Europe dans son rôle d'acteur mondial.
Avec la Charte des droits fondamentaux, avec l'affirmation d'une société solidaire et la reconnaissance du rôle des services publics et des partenaires sociaux, cette Constitution donnera une force nouvelle au modèle économique et social européen face aux grands vents de la mondialisation.
Elle donnera à l'Europe un cadre solide pour développer des politiques ambitieuses. D'ores et déjà, une Europe unie, forte de tous ses talents, a vocation à tenir les premiers rangs dans la compétition mondiale. L'exemple d'Airbus nous montre le chemin. Je me rendrai à Toulouse, le 18 janvier, pour assister avec le Chancelier fédéral et les Premiers ministres britannique et espagnol au lancement de l'A380.
La décision d'implanter ITER à Cadarache, dans un partenariat international aussi ouvert que possible, permettra à l'Europe d'être en première ligne sur les énergies du futur.
Pour mieux affronter la compétition internationale, la France veut que l'Europe se dote, au Conseil européen de mars prochain, d'une stratégie plus dynamique et ambitieuse en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l'emploi. Une Europe qui devra faire évoluer le Pacte de stabilité afin que les dépenses d'avenir comme la recherche ou les grandes infrastructures et les dépenses militaires bénéficient d'un traitement particulier. Une Europe qui devra nouer avec sa jeunesse un nouveau pacte, comme je l'ai proposé avec le Chancelier fédéral allemand et les Premiers ministres espagnol et suédois.
Notre Europe est bien plus qu'un simple espace économique et financier. Riche de son histoire et de sa culture, elle incarne les valeurs humanistes que nous avons en partage. Elle est un modèle de cette diversité culturelle que nous cherchons à promouvoir sur la scène internationale par l'adoption en 2005 de la convention actuellement en négociation à l'UNESCO. C'est pourquoi j'ai demandé au gouvernement d'organiser, au printemps, une rencontre à Paris des grands responsables culturels européens.
Espace de paix, l'Europe se veut ouverte aux Etats européens qui en respectent les valeurs politiques et démocratiques et qui s'engagent à les promouvoir en commun.
La France se réjouit à la perspective de voir la Bulgarie et la Roumanie rejoindre l'Union en 2007 et de l'ouverture prochaine des négociations avec la Croatie.
Quant à la Turquie, il est dans l'intérêt de l'Union d'intégrer à terme ce pays, pour donner à l'Europe davantage de poids et d'influence dans le monde et pour consolider la paix et la démocratie. Mais le processus engagé lors du dernier Conseil européen sera long et difficile et personne ne peut aujourd'hui en préjuger le résultat. Notre objectif est bien de préparer l'adhésion de la Turquie. Mais on ne peut écarter la possibilité d'une autre issue si ce grand pays n'était pas en mesure de mener ce processus jusqu'à son terme, ou s'il ne le souhaitait plus. En ce cas, l'Union européenne et la Turquie devraient préserver et approfondir des relations fortes et solidaires.
L'Union européenne doit également poursuivre la construction de liens plus denses avec ses voisins immédiats du Maghreb. La France, forte de ses partenariats étroits et dynamiques avec le Maroc et la Tunisie, veut être pionnière dans ce domaine. Elle se réjouit tout particulièrement de signer en 2005 un traité d'amitié avec son grand voisin l'Algérie. Elle poursuivra aussi la relance de ses relations avec la Libye.
Au-delà, la France s'engagera aux côtés de l'Espagne dans la préparation de la conférence de Barcelone qui, en novembre prochain, doit être l'occasion de donner un nouvel élan au partenariat euro-méditerranéen pour son dixième anniversaire.
Dans les Balkans occidentaux, l'ouverture prochaine des négociations sur l'avenir institutionnel du Kosovo est désormais notre principal défi. La France et la communauté internationale aideront les parties à s'y préparer avec réalisme et je l'espère avec esprit de responsabilité.
Enfin, alors que s'affirme chaque jour davantage la réalité multipolaire de notre monde, l'Europe et la France continueront à œuvrer au dialogue nécessaire et au développement de relations harmonieuses entre les grands pôles du monde.
Nos relations avec l'Asie sont en pleine expansion. Après mon voyage au Vietnam, auquel tant de liens nous attachent, et en Chine, une très grande puissance mondiale et partenaire majeur des décennies à venir, je me rendrai au Japon, pour notamment y renforcer notre coopération dans le domaine des hautes technologies.
A Guadalajara, en mai dernier, l'Amérique latine et l'Union européenne ont affirmé, une nouvelle fois, la même vision du monde et le même objectif d'un système multilatéral efficace. L'action que nous avons engagée ensemble dans le domaine de la lutte contre la faim, ou notre coopération étroite dans le traitement de la crise haïtienne, nous montre la voie à suivre. La conclusion, que j'espère prochaine, de l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur renforcera encore le partenariat entre nos deux continents.
Après le lancement prochain du programme d'installation de Soyouz à Kourou, la France, avec l'Allemagne, mettra tout en œuvre pour que l'Union européenne finalise dès que possible en 2005 les quatre espaces communs avec la Russie. C'est un objectif, pour nous, essentiel. Plus que jamais, l'Europe et la Russie ont besoin l'une de l'autre.
Monsieur le Nonce,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Faisons ensemble de 2005 l'année de l'unité retrouvée de la communauté internationale pour relever les défis de la paix et de la solidarité. Sachez que la France y est prête, dans la fidélité aux principes de notre République, à son engagement européen et aux valeurs universelles de la Charte des Nations Unies.
Tel est le message que je vous demande de transmettre, avec mes vœux personnels les plus chaleureux, à tous vos chefs d'Etat et de gouvernement et à tous les peuples que vous représentez ici. A chacune et chacun de vous, à vos familles, à vos proches, à vos collaborateurs, j'adresse également mes souhaits les plus sincères de bonheur et de bonne année.
Je vous remercie.
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