Palais de l'Elysée - Mardi 4 janvier 2005.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs,
A toutes et à tous, qui représentez les forces vives de notre pays, à vos familles, à vos proches, à vos collaborateurs, j'adresse mes vœux les plus chaleureux pour la nouvelle année.
Le 26 décembre dernier, les pays de l'océan indien ont été ravagés par une catastrophe, je crois que l'on peut le dire, d'une ampleur historique sans précédent.
Face à cette tragédie, qui a bouleversé chacune et chacun d'entre-nous, les Français ont fait preuve d'un extraordinaire élan de générosité auquel je tiens à rendre hommage. Et je veux saluer aussi l'engagement, de la première heure, des associations humanitaires, que je salue particulièrement ici, des pouvoirs publics, des collectivités territoriales, mais aussi la mobilisation de nos entreprises, de leurs comités d'entreprises pour répondre à l'urgence et aux besoins immenses des populations frappées par le raz-de-marée.
Le Gouvernement va continuer à tout mettre en œuvre pour venir en aide à nos concitoyens encore sur place, pour porter assistance aux familles et aux proches des personnes disparues et pour assurer la recherche et l'identification des victimes.
Nous allons aussi intensifier nos efforts pour répondre aux besoins sanitaires et humanitaires qui sont désormais au cœur de l'urgence pour les pays de l'océan indien.
Et au-delà de l'urgence, nous allons agir résolument au sein de l'Europe, au sein des Nations Unies pour la reconstruction de ces pays et pour la mise en place de dispositifs permanents d'alerte et de secours afin de renforcer l'efficacité de l'action internationale face à de tels cataclysmes.
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais saisir l'occasion de cette rencontre traditionnelle pour vous parler également de la situation de la France et de son avenir tel que je le vois.
En 2002, je me suis donné trois exigences. Restaurer l'autorité de l'Etat et redonner toute leur place aux valeurs de la République. Conduire les réformes, parfois trop longtemps différées, pour renforcer notre cohésion sociale et permettre le retour de la croissance. Et engager la nation dans un véritable projet pour l'avenir.
En deux ans et demi, grâce aux efforts des Françaises et des Français, à leur engagement, grâce à l'action résolue du Gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN, nous avons franchi des étapes décisives. Cette action, nous allons la poursuivre avec constance et détermination. C'est tout le sens du contrat 2005 qui a été présenté par le Premier ministre.
Les conditions sont maintenant réunies pour déployer le projet de la France à l'horizon des dix ans qui viennent. Dans un monde où de nouveaux géants économiques émergent, où les progrès technologiques sont de plus en plus rapides, où il n'y a pas de situations acquises, la France doit être à l'offensive. Elle doit se donner les moyens de la réussite de l'avenir.
Pour cela, la France peut avoir confiance dans ses atouts et dans son modèle. Confiance dans une économie ouverte et dans des entreprises qui depuis longtemps savent innover et partir à la conquête des marchés. Confiance dans un système de solidarité qui permet à l'ensemble de notre société d'avancer, et qui fait du progrès social le corollaire de la croissance économique. Confiance enfin dans la construction européenne, qui, depuis 50 ans, enracine la paix et la démocratie sur notre continent, fait profiter notre pays du dynamisme d'un grand marché et renforce nos moyens d'action sur la scène internationale.
Ces atouts sont au cœur de notre identité et du modèle français. Bien sûr, ils doivent être en permanence adaptés, modernisés, enrichis. Mais ils sont le socle sur lequel nous devons bâtir, pour porter une grande ambition pour notre pays.
C'est de cela que je veux vous parler aujourd'hui.
Nous avons en nous-mêmes toutes les ressources pour participer pleinement à la compétition mondiale, et même pour y être au premier rang. Il faut agir avec détermination pour une croissance forte et durable. Et il nous faut engager aujourd'hui, comme nous avons su le faire dans les décennies passées, une nouvelle politique industrielle d'investissement.
Favoriser la croissance, tel a été l'objectif de l'action économique du Gouvernement depuis 2002. C'est pour cela que nous avons refusé la voie d'une rigueur excessive dans le domaine budgétaire. C'est pour cela que nous avons redonné du pouvoir d'achat aux Français : par une première baisse de 10% de l'impôt sur le revenu, par une augmentation de même niveau de la prime pour l'emploi, par une hausse du SMIC de plus de 11% en deux ans, la plus importante depuis 20 ans.
Cette politique a été conduite en maîtrisant nos dépenses publiques. Pendant trois années consécutives, les dépenses de l'Etat ont été stabilisées en volume, tout en finançant nos priorités : la justice, la sécurité, la défense, ainsi que le nouvel effort majeur que représente la loi de cohésion sociale. Avec le retour de la croissance, qui se traduit par des recettes fiscales plus importantes, c'est une sorte de cercle vertueux qui s'est enclenché, et qui va permettre, je le pense, à la France de réduire ses déficits et de respecter ses engagements européens.
Enfin, notre politique a visé à libérer les énergies et l'initiative des Français. C'est tout le sens de la politique de soutien à la création d'entreprises, création qui atteint aujourd'hui des niveaux records.
Le résultat de ces actions est que la France retrouve depuis le début 2004, un niveau de croissance parmi les plus forts de la zone euro.
Bien sûr, rien n'est jamais acquis. Les aléas de l'économie mondiale -l'évolution du cours du pétrole, la baisse excessive du dollar- constituent certainement des menaces. La politique économique européenne doit être renforcée. J'y reviendrai tout à l'heure. Mais la croissance dépend beaucoup de notre propre action. Et j'ai confiance dans la dynamique de croissance de notre pays pour les mois et pour les années qui viennent. La vraie priorité, c'est d'agir avec la préoccupation permanente du développement et de l'emploi.
Agir, d'abord, pour continuer à soutenir la consommation et le pouvoir d'achat. Le SMIC augmentera à nouveau de plus de 5% au premier juillet 2005. Je souhaite également que, dès l'année prochaine, soit reprise la baisse de l'impôt sur le revenu.
Soutenir la consommation et l'investissement des ménages, c'est aussi mettre en place une politique de développement du crédit.
Il nous faut agir d'abord pour ouvrir l'accès au crédit aux 40% de nos concitoyens qui en sont largement exclus.
Pour cela, développons le micro-crédit, pour permettre à chacun d'assumer ses besoins immédiats, ou de redémarrer dans la vie en ayant les moyens de conduire un projet professionnel. Il faut mettre en place un service financier à part entière, et jouant un rôle d'insertion et de prévention de tout risque de surendettement. Autour de ce projet, il faut mobiliser toutes les énergies : celle de l'Etat, celle de la Caisse des dépôts et consignation, celle des banques, ainsi que celle de tous les acteurs du secteur social engagés dans la lutte contre l'exclusion.
Engageons aussi une réforme profonde du crédit hypothécaire en réinjectant massivement dans l'économie une partie de la richesse accumulée dans l'immobilier. C'est une des clefs de la forte croissance américaine de ces dernières années.
Pour favoriser la consommation, faisons le choix de la concurrence. Non pas une concurrence sauvage, qui déstabilise des filières entières et mette en péril des secteurs économiques, mais une concurrence régulée, pour donner plus de pouvoir d'achat et de pouvoir économique aux consommateurs.
Faire le choix de la concurrence, c'est par exemple donner aux Français la possibilité, sans être pénalisés, de changer rapidement de banque, d'assureur, d'opérateur de téléphonie, de fournisseur d'accès Internet. La possibilité aussi de renégocier facilement et à moindres frais leurs crédits immobiliers.
Il faut enfin donner aux consommateurs les moyens de faire respecter leurs droits : aujourd'hui, ils sont démunis parce que, pris séparément, aucun des préjudices dont ils sont victimes n'est suffisamment important pour couvrir les frais d'une action en justice. C'est pourquoi je demande au Gouvernement de proposer une modification de la législation pour permettre à des groupes de
consommateurs et à leurs associations d'intenter des actions collectives contre les pratiques abusives observées sur certains marchés.
Ma deuxième priorité, c'est l'investissement et la politique industrielle.
Pour encourager l'investissement, il faut d'abord mener à bien la réforme de la taxe professionnelle. Depuis un an déjà, la grande majorité des entreprises ont vu leurs investissements nouveaux intégralement exonérés de taxe professionnelle. Sur la base du rapport FOUQUET, et au terme d'une concertation qui va s'ouvrir avec les collectivités territoriales, la réforme définitive sera soumise au Parlement pour être inscrite au budget 2006. Elle se traduira par un allègement substantiel et permanent pour les entreprises, et d'abord pour les entreprises industrielles, sans obérer les finances des collectivités locales.
Il faut aussi mettre la fiscalité de l'épargne au service de l'investissement et donc de l'emploi. Je demande au Gouvernement d'étudier en particulier une modulation de la fiscalité, pour taxer davantage celui qui achète une action pour la revendre très vite, mais alléger l'impôt pour l'investisseur de long terme. Les plus-values immobilières sont exonérées après 15 ans. Il faut en faire autant pour l'investissement en actions, qui crée de l'activité. Et je souhaite que la prochaine loi de développement des entreprises adapte notre fiscalité pour encourager systématiquement l'investissement dans les petites et moyennes entreprises.
Il faut défendre aussi avec vigueur notre tissu économique.
Il faut d'abord valoriser nos atouts traditionnels. La France est forte de son agriculture et de sa filière agro-alimentaire, qui constitue le deuxième poste de nos exportations avec de nombreuses entreprises réparties sur l'ensemble de notre territoire. C'est pour soutenir leur compétitivité que le Gouvernement prépare un plan d'action.
Il faut ensuite lutter contre les délocalisations. On ne peut pas nier leur réalité. Il est indiscutable que notre industrie, et de plus en plus nos services, vivent dans un monde bien plus concurrentiel qu'auparavant.
L'Etat ne doit pas se contenter de gérer les crises : il doit se donner les moyens de mieux les anticiper. Pour cela, je demande au Gouvernement de concentrer et d'accroître les moyens consacrés à la prévention des effets des mutations économiques, tant au plan national que dans les bassins d'emploi et d'engager le rapprochement des différentes structures qui exercent aujourd'hui des compétences dans ce domaine.
Mais il faut aussi être à l'offensive pour aller à la conquête des emplois de demain. Cela suppose de se redonner les moyens d'une grande ambition industrielle. C'est, à mes yeux, une priorité nationale.
N'oublions pas que ce qui fait la force de notre industrie -l'aéronautique, l'espace, l'énergie...- est largement le résultat des grands projets que nous avons lancés dans les années 70. C'est sur un tel volontarisme que des pays comme le Japon, la Corée du Sud et même les Etats-Unis bâtissent leurs succès industriels.
Notre responsabilité, c'est de lancer, aujourd'hui, les programmes Airbus ou Ariane de demain. Ceux qui nous permettront de conserver et d'accroître notre supériorité technologique. Ceux qui nous permettront de créer de nouveaux emplois, dans des secteurs prioritaires et générateurs d'exportations.
C'est l'ambition des pôles de compétitivité. C'est aussi le sens de la mission que j'ai confiée à Jean-Louis BEFFA. Cette politique industrielle se fondera sur une logique nouvelle : l'Etat contribuera à accélérer l'engagement de nos grandes entreprises dans les secteurs d'avenir, mais ce sont elles qui conduiront leur propre stratégie de développement sur ces nouveaux marchés. Ainsi chaque fois que ces entreprises, en coopération avec les petites et moyennes entreprises, investiront dans des programmes de mobilisation pour l'innovation industrielle, l'Etat mettra la même somme, notamment en avances remboursables. Parmi ces programmes, je pense en particulier à la voiture propre, à la pile à combustible, à l'énergie solaire, aux usines non polluantes en CO², aux réseaux à très haut débit sécurisés, mais aussi aux nouveaux traitements contre les maladies infectieuses ou neurodégénératives. Je pourrai en citer bien d'autres, naturellement.
Pour financer ces projets, je souhaite que soit utilisée une partie des recettes de privatisation des années qui viennent. C'est au moins 2 milliards d'euros qu'il nous faudra engager d'ici 2007. Une agence de l'innovation industrielle sera très rapidement créée sous l'autorité du Premier ministre. Et je propose que cette initiative, qui s'inscrit dans la logique de la stratégie de Lisbonne, puisse très vite faire école, et qu'elle soit ouverte à nos partenaires européens, et en particulier à nos amis allemands.
Replaçons-nous enfin, aux avant-postes de la recherche, avec comme objectif celui d'un rattrapage accéléré, et soyons moteurs de grands projets pour l'avenir, comme le projet mondial ITER à Cadarache pour l'énergie du futur.
Nous allons conclure un nouveau contrat de confiance entre la Nation et ses chercheurs. Dès cette année 1 milliard d'euros supplémentaires sont affectés à la recherche. Cet effort se poursuivra pour atteindre 6 milliards d'euros cumulés sur trois ans. Ces moyens nouveaux seront affectés à des priorités stratégiques et confiés à des équipes de projets qui seront évaluées selon des critères d'excellence internationale.
Mais ce n'est pas seulement une question de moyens. Les comparaisons internationales nous invitent à améliorer la qualité globale de notre recherche, et pour cela à engager une modernisation de ses structures. En ayant à l'esprit que, parmi les missions premières de la recherche publique, figure l'élaboration des connaissances scientifiques. La recherche fondamentale a sa logique propre, qui implique un principe d'autonomie, mais aussi une évaluation rigoureuse. Tels seront les objectifs de la loi d'orientation et de programmation de la recherche qui sera bientôt présentée au Parlement.
Les universités doivent bénéficier de cet engagement de la Nation. Nous avons, dans le domaine de l'enseignement supérieur, une tradition ancienne d'excellence. Mais nous avons pris du retard, un retard qui pèse sur notre croissance en investissant moins dans ce secteur que nos grands voisins. Dans un environnement de plus en plus concurrentiel, nos universités et nos grandes écoles n'ont souvent plus la taille suffisante dans les comparaisons internationales.
C'est pourquoi nous devons aujourd'hui donner une nouvelle ambition à notre enseignement supérieur et j'ai demandé au Gouvernement d'agir dans ce sens. La modernisation de notre enseignement supérieur doit être nourrie par des expérimentations conduites sur la base du volontariat. Beaucoup d'universités y sont prêtes, comme elles l'ont prouvé en se mobilisant résolument, et mieux que dans bien d'autres pays, pour la mise en place du LMD.
Ces priorités, cette ambition, doivent permettre à la France de tenir son rang dans l'économie mondiale. Et elles nous donneront les moyens de faire progresser encore notre modèle social, un modèle fondé sur la solidarité, sur le travail, et qui bénéficie ou doit bénéficier à tous nos concitoyens.
Depuis 1945, ce modèle social est l'une de nos grandes forces. Il est le patrimoine commun des Français. J'en suis constitutionnellement le garant.
J'ai fixé au Gouvernement trois priorités : préserver et renforcer notre cohésion sociale, donner aux salariés de nouvelles libertés et de nouvelles sécurités pour l'emploi, aller à la conquête de nouveaux gisements d'emplois.
Il fallait d'abord préserver notre sécurité sociale. Avec la réforme des retraites, qui a sauvé, j'ose le dire, nos régimes par répartition et reconnu de nouveaux droits à ceux qui avaient commencé à travailler très jeunes. Avec la réforme de l'assurance maladie, qui a choisi la voie de la responsabilisation de tous et de la qualité des soins et a refusé les logiques comptables, qui ont toujours montré qu'elles étaient injustes et inefficaces.
Mais la France a aussi fait progresser le modèle social issu de la Libération. Elle a beaucoup amélioré les prestations familiales destinées aux parents de jeunes enfants et elle les a adaptées pour prendre pleinement en compte la réalité du travail des femmes. C'est un progrès majeur pour les familles. C'est aussi un investissement essentiel pour l'avenir, car au premier rang des défis que la France et l'Europe doivent relever, il y a bien sûr le déficit démographique.
Et surtout, pour la première fois depuis 1945, nous avons créé une nouvelle branche de la protection sociale. Car nous avions beaucoup de retard dans l'aide aux personnes âgées dépendantes et dans l'aide aux personnes handicapées. Nous avons créé une prestation moderne, personnalisée, gérée au plus près des personnes et de leurs besoins. Nous l'avons financée par l'institution d'une journée nationale de solidarité, c'est-à-dire par le travail. Et la loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées va augmenter les ressources de celles qui ne peuvent pas travailler et rendre, enfin, notre société plus accessible aux personnes handicapées. Je pense à la scolarité, mais aussi au logement, aux transports, à l'emploi, à la culture, aux loisirs.
Mais la cohésion sociale, ce n'est pas seulement la sécurité sociale. C'est aussi donner à chacun de nos concitoyens les moyens de trouver ou de retrouver du travail. Face au chômage des jeunes, face à l'exclusion, face aux difficultés grandissantes de retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, il faut agir en urgence. Avec audace et volontarisme, en ayant pour seules préoccupations l'insertion et l'emploi. C'est l'ambition du plan de cohésion sociale qui mobilisera un effort sans précédent, un effort de 13 Mds d'euros sur 5 ans.
Avec ce plan, ce sont 800 000 jeunes qui seront accompagnés d'une manière personnalisée vers l'emploi. Nous avons fait notamment le choix de développer l'apprentissage, car c'est un chemin sûr vers un bon métier, vers une embauche durable ou vers la création ou la reprise d'une entreprise.
C'est aussi un million de contrats d'avenir qui seront proposés à celles et à ceux qui sont trop souvent enfermés dans les mécanismes d'assistance, et cela en associant pour la première fois une allocation, un travail et une formation. C'est un enjeu républicain et de solidarité. C'est un impératif économique, parce que, dans les dix ans qui viennent, l'économie française va avoir besoin de près d'un million d'emplois pour remplacer la génération partant à la retraite.
Agir pour l'emploi, c'est agir pour plus d'égalité et plus de liberté. C'est moderniser notre droit du travail et sécuriser le parcours professionnel des salariés.
Il faut plus d'égalité.
L'an passé, j'avais appelé les partenaires sociaux à négocier sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'entreprise. Un accord interprofessionnel a été conclu. Il pose des principes et des objectifs intéressants. Nous devons, ensemble, aller plus loin. C'est pourquoi je demande au Gouvernement de présenter sans tarder un projet de loi pour que les accords d'entreprise fixent des objectifs chiffrés, en vue de parvenir à l'égalité salariale dans un délai maximum de cinq ans.
Plus d'égalité, c'est également sortir du déni que constituent les discriminations au travail et à l'embauche, qui sont une atteinte intolérable à nos principes républicains comme à notre dynamisme économique. C'est l'une des missions essentielles de la Haute autorité de lutte contre les discriminations qui vient d'être créée. De leur côté, des entreprises pionnières ont déjà conclu des accords destinés à favoriser la diversité en leur sein. J'invite les partenaires sociaux à poursuivre leur exemple. La fonction publique et les entreprises publiques doivent être exemplaires pour reconnaître toute la diversité de notre société.
Il faut aussi plus de liberté. C'est le sens des nouveaux assouplissements négociés des 35 heures et des mesures pour les petites entreprises qu'a annoncées le Premier ministre. La durée légale du travail n'est pas et ne sera pas remise en cause, mais les 35 heures ne doivent pas être une entrave au développement des entreprises ni aux aspirations des salariés. C'est le sens de la priorité donnée aux accords de branche et d'entreprise, de la modernisation du compte épargne-temps, de l'instauration des heures choisies, de l'augmentation du contingent des heures supplémentaires.
Plus de liberté, c'est favoriser la mobilité géographique, notamment pour les familles nombreuses et les jeunes couples. C'est faire progresser l'allocation de parent isolé pour répondre aux besoins des femmes qui en bénéficient, notamment pour la garde d'enfants, afin qu'elles puissent effectivement reprendre un travail.
Dans une économie en mouvement, où la vivacité du progrès économique et de la concurrence exige des entreprises un effort constant d'adaptation, il nous faut poursuive la simplification du droit du travail engagée l'an passé. Je pense tout particulièrement à la nécessité de limiter les conséquences parfois trop déstabilisantes de la rétroactivité des décisions de jurisprudence.
Nous devons aussi sécuriser le parcours professionnel des salariés, en leur permettant de disposer des compétences et de l'accompagnement nécessaires pour occuper ou retrouver un bon emploi.
Des premières pierres ont déjà été apportées à cet édifice. Je pense à l'instauration du droit individuel à la formation tout au long de la vie professionnelle. Je pense aussi aux règles de prévention des licenciements et d'organisation des reclassements, qui viennent d'être revues. Elles permettent d'agir, dans le dialogue, dès l'apparition des premières difficultés. Et elles confortent la responsabilité sociale des entreprises. Je pense enfin à la création de la convention de reclassement personnalisé au profit des salariés des petites et moyennes entreprises, pour qu'ils bénéficient, face au licenciement, de protections qui soient comparables à celles des grandes entreprises.
Je souhaite que le Gouvernement et les partenaires sociaux réfléchissent aussi à des expérimentations permettant à des entreprises volontaires, confrontées à des problèmes conjoncturels dans un bassin en difficulté, de mutualiser et de renforcer, par exemple par de nouveaux instruments juridiques, leurs efforts de reclassement. De telles expérimentations pourraient prévoir, par exemple, des priorités de réembauche dans les entreprises concernées.
Sécuriser les parcours professionnels, c'est enfin, pour le Gouvernement et les partenaires sociaux, moderniser notre service public de l'emploi pour l'adapter à l'évolution du monde du travail et des besoins des demandeurs d'emplois. C'est progresser dans la mise en place d'un service public de l'emploi aux moyens d'action coordonnés et renforcés.
Les demandeurs d'emplois doivent bénéficier d'un point d'entrée unique dans ce service public. Pour les formalités d'inscription et d'indemnisation, bien sûr. Mais aussi et surtout pour bénéficier d'un accompagnement personnalisé, fondé sur une logique de droits et de devoirs, incluant l'exigence d'une recherche d'emploi active.
Des étapes importantes ont été franchies avec la création du PARE et la mise en place des maisons de l'emploi.
Ce mouvement de modernisation doit encore s'accélérer en partant de la réalité et des besoins des demandeurs d'emploi. Je souhaite que la future convention entre l'Etat, l'ANPE et l'UNEDIC permette de mettre en place, pour chacun d'eux, une prise en charge unifiée et personnalisée. Cette convention devra aussi conduire à clarifier l'exercice des missions d'indemnisation, de contrôle et d'aide à la recherche d'emploi. Cet effort de coordination et de mobilisation est essentiel, car c'est la condition pour réduire la durée du chômage et améliorer la sécurité des parcours professionnels.
Face à cet enjeu déterminant pour l'emploi, j'attends de chacun des acteurs qu'il agisse dans un esprit de responsabilité et sans se laisser enfermer dans les conservatismes. Et j'ai confiance dans leur esprit d'engagement au service de l'emploi. A défaut de cette mobilisation de tous, sans doute faudra-t-il envisager de passer d'une démarche de coordination des moyens à une démarche de rapprochement des structures qui participent au service de l'emploi, à l'image de ce qu'ont fait la plupart de nos voisins européens.
Enfin, il faut aller à la conquête des gisements d'emplois, d'activité, de croissance qui sont insuffisamment exploités. Gisements d'emplois salariés, certes, mais aussi gisements d'emplois de travailleurs indépendants.
Il faut agir en particulier pour les secteurs du commerce et de l'artisanat ainsi que les métiers de la restauration et de l'alimentation, qui connaissent de très graves difficultés de recrutement. Des centaines de milliers d'offres d'emploi n'y sont pas pourvues. Il faut mettre fin à ce paradoxe du faible attrait pour les jeunes de ces beaux métiers. Cela passe par une meilleure rémunération. Une première étape a été franchie avec la réforme du SMIC dans l'hôtellerie et la restauration. Pourquoi ne pas augmenter la prime pour l'emploi offerte à celles et à ceux qui sortent du chômage ou de l'assistance pour prendre un travail dans l'un des ces secteurs ? Mais les incitations financières ne résoudront pas tout, et nous devons tout faire pour mieux adapter nos systèmes de formation, et pour donner aux jeunes une meilleure connaissance de ces métiers et des perspectives qu'ils offrent.
Il faut aussi développer et mieux reconnaître les emplois de services et d'aide aux personnes. Si nous avions le même taux d'emploi dans ces secteurs que l'Allemagne, c'est un million sept cent mille emplois supplémentaires que nous aurions. Nous devons donc agir prioritairement dans cette voie. C'est l'ambition du plan de développement des services d'aide à la personne, prévu par la loi de cohésion sociale, et qui sera présenté dans les jours qui viennent par le Gouvernement.
Mais pour exploiter ces gisements d'emplois, il faut que le coût du travail reste compétitif. Pour cela, nous poursuivrons la baisse des charges. D'ici trois ans, il ne devrait plus y avoir de charges sociales, pour les entreprises, au niveau du SMIC.
Cette nécessaire ambition pour notre économie et pour notre protection sociale, ce lien indissociable entre l'économique et le social, nous les retrouvons, posés dans des termes très proches, au plan européen.
Nous sommes aujourd'hui à un moment crucial de la construction européenne, de ce grand dessein qui nous a apporté la paix et la stabilité, qui a enraciné la démocratie, qui a permis une modernisation économique sans précédent.
La Constitution européenne va considérablement améliorer le fonctionnement des institutions. C'est un texte de liberté et de progrès économique et social, qui inscrit dans notre loi commune la charte des droits fondamentaux, et qui reconnaît le rôle essentiel des services publics et des partenaires sociaux.
J'ai voulu que le Peuple français se prononce directement sur la Constitution européenne. C'est le cadre dans lequel la France, qui a toujours été à la pointe de l'idée européenne, pourra prendre de nouvelles initiatives.
Initiatives, d'abord, pour l'Europe de la jeunesse. Nous avons beaucoup fait, ces dernières années, c'était essentiel, pour adapter nos pays aux conséquences du vieillissement de la population. C'était nécessaire, mais il faut aussi regarder vers l'avenir. J'ai donc proposé, avec le Chancelier Fédéral allemand et les premiers ministres espagnol et suédois, que l'Union européenne se dote d'un "Pacte européen pour la jeunesse". Un pacte porteur de mesures fortes et concrètes pour améliorer l'insertion des jeunes sur le marché du travail, pour encourager la formation, la mobilité, l'esprit d'entreprise, et enfin pour soutenir la démographie européenne. Je souhaite que ces mesures soient adoptées lors du prochain Conseil européen au printemps 2005.
Initiatives, également, pour l'Europe sociale. La France va tout faire, avec la Commission, pour que l'Europe se dote dans les mois qui viennent d'un nouvel Agenda social ambitieux, pour favoriser l'emploi et renforcer nos politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Initiatives, enfin, pour que l'Europe se dote d'une véritable politique économique, au service de la croissance et de l'emploi. En faisant le choix de la monnaie unique, nous avons donné à l'Europe un outil essentiel de la puissance économique. Mais pour permettre la naissance de l'euro, il nous a fallu mettre en place un cadre très contraignant.
L'Europe est aujourd'hui un grand marché et une zone monétaire puissante. Il faut qu'en matière de politique économique, elle puisse agir d'égal à égal avec les autres puissances. Il faut qu'elle utilise pleinement, et de manière plus efficace, les instruments de la politique économique : c'est-à-dire tout à la fois la politique monétaire, la politique budgétaire, la politique de change, la politique de la concurrence.
Partout dans le monde et notamment aux Etats-Unis, les gouvernements font appel aux instruments conjoncturels pour dynamiser la croissance et pour mieux gérer les cycles économiques.
Il ne tient qu'à nous d'en faire autant. Cela suppose une meilleure coordination des politiques économiques, qui associe et engage tous les acteurs -les Etats, le Conseil européen, la Commission, la Banque centrale- dans le respect naturellement du rôle de chacun. L'enjeu, c'est de pouvoir adopter chaque année, mais aussi très rapidement en cas de crise, des objectifs de politique économique concernant la croissance, l'emploi, l'inflation, le taux de change qui est, à mes yeux, un sujet essentiel. Je parle du taux de change de l'euro. Le débat va se poursuivre, sur ce point, avec l'ensemble de nos partenaires.
Nous allons aussi, sous la présidence de M. Jean-Claude JUNCKER, faire évoluer le pacte de stabilité. Il faut que l'application du pacte ne vienne pas aggraver la situation d'un pays entré en récession ou dans une phase de très faible croissance. Il faut aussi prendre en compte la nature de la dépense publique. Les dépenses courantes de l'État ne sont pas de même nature que l'effort de défense ou les dépenses d'investissement, par exemple dans le domaine des grandes infrastructures, de la recherche, de l'enseignement supérieur ou de l'innovation. Le Pacte de stabilité devra réserver à ces dépenses un traitement particulier. Et c'est comme cela que nous donnerons tout leur sens aux objectifs de Lisbonne.
Mesdames et Messieurs,
La France incarne un modèle fondé sur le progrès et la solidarité. La France est ambitieuse, elle est ouverte sur l'avenir.
Elle fait entendre sa voix singulière dans le monde, au service de la paix, du droit et du respect des peuples, pour le dialogue des cultures, pour le développement durable.
Avec la réforme des retraites, de l'assurance maladie, du service public de l'énergie, elle a montré qu'elle sait se réformer dans la fidélité à son modèle. Et nous allons poursuivre ce mouvement avec l'école et la recherche.
Notre pays a tous les atouts face à la concurrence économique mondiale. Par tradition et par vocation, il sait puiser en lui-même l'inspiration et les ressources de grands projets d'avenir. Mais ce n'est ni en transposant des modèles économiques qui ne sont pas les nôtres, ni en faisant le choix du repli sur soi, alors que l'Europe et le monde bougent, que nous relèverons les défis d'aujourd'hui et de demain. C'est en faisant le choix du progrès et de l'ouverture au monde. En portant haut et fort une fierté et une ambition pour notre modèle économique et social. Le modèle d'une France ouverte et confiante en elle-même, d'une France moderne et surtout fidèle à ses valeurs.
Je vous remercie.
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