(DOCUMENT DE TRAVAIL)
- PREPARATION DU G8 DE GLENEAGLES -
Palais de l'Elysée -Paris le 29 juin 2005 à 16 H 30
Bienvenue à tous.
Je salue l'engagement de la société civile pour ce G8. Je sais que beaucoup d'organisations syndicales se sont associées à la campagne " 2005, plus d'excuses " qui est dynamique et positive.
Je suis heureux d'avoir avec vous cet échange avant le G8. Le Sommet n'est pas encore bouclé : les sherpas ont été invités vendredi et samedi pour travailler en particulier sur les problèmes relatifs au climat.
Le G8 a un rôle d'impulsion. Ce n'est pas un directoire du monde. Il n'a pas vocation à se substituer aux institutions multilatérales, à commencer par les Nations Unies. Sa légitimité découle du poids économique de ses membres, qui leur confère une responsabilité particulière pour promouvoir la croissance et l'emploi et rechercher des réponses aux grands défis de notre temps :
- le défi de la solidarité, notamment vis-à -vis de l'Afrique, qui va être un des points forts de ce G8 ;
- le défi de la responsabilité, pour humaniser et maîtriser la mondialisation.
C'est dans cet esprit que je vais à Gleneagles avec deux objectifs essentiels :
- l'Afrique, et le financement du développement ;
- le changement climatique.
1 - Questions économiques
La vocation du G8 est d'abord économique. Comme chaque année, nous discuterons à Gleneagles de la situation économique mondiale.
Vous le savez, la priorité du gouvernement, c'est la croissance et l'emploi. Cela passe par des politiques nationales vigoureuses. Cela suppose aussi de favoriser un environnement international propice à la croissance. De ce point de vue, la situation actuelle est marquée par la poursuite de la croissance, mais une croissance fragilisée par de profonds déséquilibres : mouvements erratiques des taux de changes ; accélération des délocalisations ; tensions sur les cours des matières premières, en particulier du pétrole qui a dépassé 60 dollars le baril désormais.
La solution à ces déséquilibres passe par des réformes dans chacun de nos pays -comme la France les a engagées déjà notamment pour les retraites et l'assurance maladie, pour garantir l'avenir de notre protection sociale.
Mais elle nécessite aussi un renouveau de la coopération internationale au sein du G8 en permettant -j'aurai l'occasion de le souligner- un dialogue avec les nouvelles puissances économiques. Profitant de la présence de cinq d'entre elles à Gleneagles, je proposerai de relancer cette coopération dans trois domaines :
Premier domaine, les changes afin de mieux piloter la relation euro/dollar et d'engager une coopération avec les grandes économies du monde, notamment celles des pays émergents ;
Deuxième domaine, le pétrole afin de :
- améliorer la transparence des marchés ;
- répondre, par des politiques d'économie et de diversification des sources d'énergie, à la contradiction croissante entre la hausse de la demande mondiale et l'épuisement des réserves. Cette question est évidemment liée à la lutte contre le changement climatique ;
Troisième domaine, le commerce. Car l'ouverture doit s'accompagner de règles, afin de bénéficier au plus grand nombre, et notamment aux plus pauvres, et de prévenir la concurrence déloyale et les délocalisations abusives.
Dans la perspective de la conférence de l'OMC de Hong Kong en décembre prochain, à Gleneagles :
- je rappellerai qu'à Genève, en juillet dernier, l'Europe s'est engagée à éliminer ses subventions agricoles à l'exportation, sous réserve que les autres pays développés, en particulier les Etats-Unis, en fassent autant ;
- je défendrai également les intérêts de l'Afrique pour une solution rapide, de la part des Etats-Unis, au dossier du coton. Chacun sait qu'il y a là un vrai problème ; l'Europe a pour sa part fait ce qu'elle devait faire ;
- je défendrai la nécessité de préserver les débouchés des exportations africaines en améliorant, harmonisant et simplifiant les régimes de préférences que leur accordent les pays développés.
A cet égard, il est temps de reconnaître que l'Afrique n'est pas prête pour le libre-échange avec les pays développés. Celle-ci doit pouvoir exporter davantage mais également pouvoir protéger son marché intérieur. Or, c'est cette logique de libre-échange, même assortie de périodes transitoires, qui inspire les futurs accords de partenariat économique appelés à succéder à l'accord de Cotonou. Il est temps pour l'Europe de réexaminer en profondeur le concept de ces accords de partenariat et de revenir à l'esprit de Cotonou.
Les Européens, et en particulier les jeunes, attendent une action résolue pour que la mondialisation économique s'accompagne de progrès dans la mondialisation de la solidarité. Nous ne pouvons pas accepter que la mondialisation s'accompagne du démantèlement de nos systèmes sociaux. Il faut que la compétition entre les grands pôles économiques du monde se fasse dans le respect des valeurs universelles. C'est dans cet esprit que j'ai accueilli à Paris, le 14 juin, la conférence du Pacte mondial.
Je proposerai enfin le lancement d'un dialogue entre le G8 et les pays émergents sur la responsabilité sociale et environnementale. Nous devons aborder cette question avec eux dans un esprit de dialogue et non de confrontation en soulignant q'un avantage comparatif acquis au prix de la violation des normes fondamentales du travail ou de certaines atteintes irrémédiables à l'environnement est illégitime. Nous devons donc encourager les pays concernés à lutter plus activement contre ces pratiques inacceptables.
Je relancerai par ailleurs l'idée d'une convention internationale sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, en complément des mécanismes d'engagement volontaire déjà existants (Principes directeurs de l'OCDE, Pacte Mondial).
Enfin, nous adopterons à Gleneagles, sur une proposition franco-américaine, une initiative visant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.
2 - L'Afrique et le financement du développement
J'ai immédiatement soutenu le choix fait par le Premier ministre britannique de faire de l'Afrique l'une des deux priorités de sa présidence.
Mon représentant personnel, Michel CAMDESSUS, a siégé à la Commission pour l'Afrique et a participé activement à la rédaction du rapport qui reprend très largement les idées françaises.
Nous continuons dans la logique de partenariat avec le NEPAD engagée à Kananaskis et à Evian. Nous aurons d'ailleurs un échange avec des dirigeants africains conviés le deuxième jour du Sommet par la présidence britannique.
Et nous nous fixons pour objectif le sommet des Nations Unies de septembre : C'est au G8, sur la question du financement du développement, que se jouera en grande partie le succès ou l'échec du sommet de New York sur les objectifs du Millénaire.
L'accord du 11 juin dernier sur l'annulation de la dette multilatérale des pays pauvres très endettés a constitué une étape très importante. La France a dû se battre fortement et a obtenu ce qui n'était pas acquis, compte tenu des positions de départ américaines des garanties sur la compensation de ces annulations pour le FMI, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement. C'était indispensable pour préserver la capacité d'engagement de ces institutions dans les pays pauvres.
Cet accord ne règle pas le problème de la dette des pays à revenu intermédiaire. Nous avons commencé à nous y attaquer sous présidence française avec l'approche d'Evian. Il faut la mettre en œuvre. Nous devrions déjà trouver à Gleneagles une solution pour la dette du Nigeria.
L'accord du 11 juin n'amènera qu'un apport supplémentaire modeste : 1,5 milliard de dollars par an, en annulation de flux de remboursement. Ce chiffre est à comparer à l'augmentation de l'APD nécessaire pour atteindre les objectifs du millénaire : 50 milliards de dollars supplémentaires par an dès 2006, dont 25 milliards pour l'Afrique. Il n'y a pas d'autres moyens que de prévoir à la fois une augmentation de l'APD et des financements innovants.
Nous n'y sommes pas encore. L'Europe a donné l'exemple en s'engageant au dernier Conseil européen, à l'initiative notamment de la France, à porter son effort collectif d'APD à 0,56% de son PNB en 2010. Cela représentera une augmentation de 32 milliards d'euros par an en 2010 par rapport au niveau de 2004. Cette décision représentera plus de vingt fois l'équivalent de l'accord sur la dette.
Après l'accord sur la dette et l'engagement de l'Europe, il faudra mesurer deux autres critères :
- les nouveaux engagements d'APD des autres membres du G8, et notamment des Etats-Unis ;
- Nous n'arriverons à atteindre les 50 milliards que si nous trouvons d'autres ressources, ce que j'ai appelé les financements innovants sur lesquels M. LANDAU a beaucoup travaillé. Il a notamment dans un rapport proposé une taxation internationale sur les billets d'avion pour financer notamment l'achat de médicaments contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Elle permettrait de récolter pour l'Europe 3 milliards d'euros par an. C'est un premier pas modeste mais je lui accorde une grande importance car cela permettra d'expérimenter le système qui est simple et sur une base volontaire.
La deuxième initiative est l'IFF britannique. Il s'agit d'expérimenter un système d'emprunts sur le marché. La proposition porte sur un emprunt de 4 milliards pour financer une campagne de vaccination dans les pays pauvres.
En dehors du financement, il existe sur l'Afrique un très large accord au sein du G8. Nous avons élaboré un plan d'action qui prévoit des engagements nouveaux dans les domaines de la paix et de la sécurité, de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, de la santé et de l'éducation, du soutien à l'initiative privée. Ce plan d'action ne pose pas de problème particulier.
Je mettrai l'accent sur le renforcement des secteurs sociaux. Je vais insister sur la reconstitution du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. La France vient de décider un doublement en deux ans de sa contribution d'ici 2007, de 150 à 300 M¬. Ce qui fait de la France le deuxième contributeur après les Etats-Unis pour la lutte contre le sida.
3 - Le changement climatique
LÃ , il y a urgence :
- les preuves scientifiques s'accumulent et vous avez vu que les académies des sciences de tous les membres du G8, y compris celle des Etats-Unis, viennent d'insister sur l'urgence de la situation. Même la NASA a fait un rapport publié le 28 avril dernier indiquant que le phénomène s'accélère de façon dangereuse ;
- Comme toujours, ce sont les plus pauvres et démunis qui seront les premiers touchés, l'Afrique et les petits États insulaires ;
- le décollage des grands pays émergents, et notamment de la Chine et de l'Inde, vont encore aggraver le phénomène. C'est maintenant, au moment où ces pays prennent actuellement les décisions sur le plan énergétique qui les engagent pour cinquante ans, qu'il est encore possible d'agir.
La conclusion de tout cela, c'est qu'il faut appliquer Kyoto et préparer déjà l'après 2012, terme de sa période de mise en œuvre. Car seul un cadre multilatéral juridiquement contraignant avec des engagements précis permettra de lutter efficacement contre le changement climatique.
L'ambition du Premier ministre britannique est une bonne ambition, c'est de ramener les Etats-Unis dans le jeu et d'impliquer davantage les pays émergents. Je le soutiens évidemment. Cela a pour l'instant eu des effets modestes mais les décisions du G8 se prennent par consensus et je n'accepterai pas une déclaration qui ne comporterait pas les éléments suivants :
- une référence claire et explicite à la science dans la déclaration. Les scientifiques sont unanimes ;
- une reconnaissance de l'urgence et de la priorité de la lutte contre le changement climatique ;
- une mention claire du Protocole de Kyoto, pour lequel l'Europe s'est battue, qui n'est toujours pas ratifié par les Etats-Unis mais que nous sommes sept autour de la table à avoir ratifié ;
- l'ouverture d'une perspective sur l'avenir du régime international climat au-delà de 2012. C'est une nécessité car, pour être efficace, l'action contre le changement climatique nécessite un engagement à long terme dans un cadre multilatéral juridiquement contraignant ;
- un engagement sérieux à travailler sur les mécanismes de marché, et notamment sur les passerelles entre les marchés de permis d'émission fonctionnant sous le régime Kyoto et ceux qui se développent en dehors de Kyoto, notamment aux Etats-Unis au niveau de certains Etats fédérés et de certaines entreprises ;
- des engagements plus forts sur la coopération avec les pays émergents, notamment en matière de transferts de technologie et de financement de leur développement propre.
4 - Quelques mots enfin sur les autres sujets du sommet.
A la suite de la catastrophe de l'Océan indien, nous adopterons une déclaration sur la prévention des catastrophes et le renforcement du système humanitaire international. Nous ferons également le point sur la reconstruction des zones dévastées. Vous savez que nous avons défendu l'idée d'une force internationale de prévention des catastrophes.
Nous adopterons enfin :
- une déclaration sur la lutte contre le terrorisme ;
- une déclaration sur la lutte contre la prolifération qui est un des grands soucis du monde actuel.
Nous ferons par ailleurs le point sur la mise en œuvre de l'initiative de Sea Island sur le Moyen Orient élargi et l'Afrique du Nord.
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