Palais de l'Elysée - Paris le mardi 8 mars 2005.
Monsieur le Ministre,
Cher Président Marc de LACHARRIERE,
Mesdames et Messieurs les membres du Jury de l'Audace créatrice,
Mesdames et Messieurs les chefs d'entreprise,
Mes premiers mots seront, bien entendu, pour vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues et pour adresser mes félicitations les plus chaleureuses, les plus sincères à l'entreprise SMOBY, à Madame Dany BREUIL, à qui je présente mes respectueux hommages, qui préside le conseil de surveillance, et à son fils qui vient de s'exprimer, Jean-Christophe BREUIL, président du directoire et qui incarne un vrai succès, une vraie réussite pour la France. Je veux aussi rendre hommage à la mémoire de M. Jean-Pierre BREUIL qui fut le grand artisan du développement de l'entreprise. Et je tiens tout particulièrement à saluer l'ensemble de vos salariés, notamment celles et ceux qui travaillent dans ce magnifique pays de Saint-Claude, le berceau jurassien du groupe. Ce prix est aussi le leur, et c'est leur travail, leur intelligence, leur dévouement qui trouve ici une reconnaissance bien méritée. Vous me permettrez de leur rendre un hommage particulier aujourd'hui.
Je voudrais également dire toute mon estime aux entreprises finalistes, parmi lesquelles se trouve cette année, pour la première fois, une entreprise dirigée par une femme, ce qui est à souligner.
L'aventure de SMOBY de la famille BREUIL et des salariés de ce groupe, est riche d'enseignements.
Votre entreprise est d'abord exemplaire, vous l'avez souligné avec modestie, mais cela doit l'être clairement, par son dynamisme. Créée en 1924 par un artisan, elle est entrée sur le marché du jouet à la fin des années 1960. En quarante ans, elle a conquis la place de numéro deux du secteur en Europe.
Cette réussite est d'autant plus remarquable qu'il s'agit d'un marché très difficile, soumis de plein fouet à la concurrence des pays à faibles coûts de production. Pour vous imposer en France et à l'international, il a fallu faire le pari de la qualité, d'une marque sûre et reconnue, le pari de la recherche et de l'innovation - le pari de "l'audace créatrice".
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais saisir l'occasion de cette rencontre pour évoquer devant vous les priorités qui doivent être, me semble-t-il, les nôtres en matière économique.
La première étape, le préalable indispensable, c'est d'agir pour ramener la croissance et la renforcer : par la baisse des prélèvements et des charges, par une forte hausse du SMIC et de la prime pour l'emploi, par l'encouragement direct à l'innovation et à la création ou à la transmission d'entreprises.
La France a connu en 2004 une croissance de 2,5%, supérieure à la moyenne de la zone euro. Mais s'il subsiste des incertitudes, liées notamment à l'évolution du dollar ou du prix des matières premières, toutes les conditions sont réunies pour que la France bénéficie d'une croissance soutenue qui reste naturellement à être confirmée.
Tout l'enjeu d'aujourd'hui est que cette croissance se traduise par un recul durable du chômage. C'est tout le sens de la politique qui est engagée. Une politique résolue et qui s'inscrit dans la durée, car elle s'attache à agir en profondeur sur tous les leviers de la croissance et de l'emploi.
Quel est le cap fixé pour cela au Gouvernement ?
- D'abord faire le choix de l'activité pour tous en mobilisant l'ensemble des moyens nécessaires pour permettre à chacun, et tout particulièrement aux jeunes, d'être en mesure d'occuper un bon emploi. C'est l'objet même du plan de cohésion sociale qui est en train de se mettre en œuvre.
- Ensuite, faire repartir l'investissement, qui est un des moteurs essentiels de la croissance et de l'emploi, ceci par la réforme de la taxe professionnelle et par la mise en place d'une nouvelle politique industrielle innovatrice.
- Lever un à un les obstacles au développement et de l'esprit d'entreprise dans notre pays, qu'évoquait tout à l'heure M. de LACHARRIERE, car dans le monde où nous vivons c'est évidemment la créativité, l'innovation, l'envie d'agir qui sont les moteurs de la réussite économique.
- Et, bien sûr, inscrire résolument notre ambition dans le cadre de l'Europe, qui doit pour cela se doter d'une politique économique ambitieuse, à l'image de celle des autres grands blocs dans le monde contemporain.
Premier pilier de cette politique, le plan de cohésion sociale. Il a pour ambition d'accompagner vers l'emploi toutes celles et tous ceux qui en ont besoin. C'est une exigence républicaine et sociale autant qu'une exigence économique. Car dans les dix ans qui viennent, la France va avoir besoin de près d'un million d'emplois pour remplacer la génération qui va partir à la retraite.
Pour répondre à ce défi, nous nous donnons d'abord les moyens de développer l'emploi des jeunes - et cela en faisant prioritairement le choix de l'apprentissage. Car c'est le meilleur chemin vers un bon métier, vers une embauche durable ou vers la création d'une entreprise. 500 000 postes d'apprentis pourront ainsi être mis en place dans les cinq ans qui viennent, notamment grâce au nouveau crédit d'impôt.
Donnons-nous aussi les moyens de favoriser le retour à l'emploi. Un million de contrats d'avenir seront proposés à celles et à ceux qui sont encore trop souvent enfermés dans des mécanismes d'assistance ; ces contrats associeront, pour la première fois, une allocation, un travail, une formation.
Enfin, nous allons exploiter pleinement les gisements d'emplois dans le secteur des services à la personne. C'est un domaine dans lequel nous avons un retard important à rattraper.
Le plan de cohésion sociale va maintenant se déployer sur le terrain. J'attends de l'ensemble des pouvoirs publics et des acteurs économiques et sociaux qu'ils s'y investissent résolument. Car l'enjeu, c'est de s'appuyer sur le retour de la croissance pour la transformer en emplois durables.
Le complément indispensable du plan de cohésion sociale, c'est une action résolue en faveur de l'investissement, de l'industrie, de l'innovation.
Pour encourager l'investissement, il fallait d'abord réformer en profondeur la taxe professionnelle. C'est la réponse la plus directe aux délocalisations : faire en sorte que les moyens de production installés en France ne soient pas pénalisés par la fiscalité.
Cette réforme, qui sera soumise au Parlement lors du prochain budget, se traduira non seulement par un changement d'assiette, plus favorable à l'investissement et à l'emploi, mais aussi par un allégement substantiel et permanent de la charge totale de l'impôt.
C'est un engagement important de l'Etat pour encourager la croissance et l'emploi, et pour garder en France nos entreprises et nos usines.
Pour favoriser l'investissement, il faut aussi être à l'offensive, aller à la conquête des secteurs qui feront la croissance de demain.
C'est le rôle de l'Agence de l'innovation industrielle qui sera mise en place avant la fin du premier semestre de cette année. Ses interventions seront concentrées sur les secteurs d'avenir et sur les technologies fortement innovantes. Les projets co-financés par cette Agence ne seront pas la chasse gardée des grands groupes : ils seront largement ouverts aux petites et moyennes entreprises qui s'y associeront, afin de diffuser au mieux l'innovation industrielle dans l'ensemble de notre tissu productif.
Cette initiative pour l'innovation et pour l'emploi sera rapidement ouverte à nos partenaires européens. C'est l'Europe, car l'Europe a tous les moyens d'être au premier rang lorsqu'elle fait bloc autour d'un grand projet industriel, comme le montrent déjà les exemples d'Airbus, d'Ariane, de Galileo et demain d'Iter, pour l'énergie du futur.
Notre ambition économique doit aussi se démultiplier dans le cadre européen : c'est le troisième axe de cette politique.
Avec l'achèvement du grand marché européen, avec la création de l'euro, nous avons franchi des étapes décisives pour permettre à l'Europe d'être fidèle à sa vocation de grande puissance économique.
Nous devons continuer sur cette voie, en dotant l'Europe d'une véritable politique économique au service de la croissance et de l'emploi. Il nous faut définir avec nos partenaires une politique budgétaire, une politique de change, une politique de concurrence qui permettent de renforcer la croissance en Europe et de défendre nos intérêts européens face aux autres grands blocs économiques du monde.
C'est le sens des initiatives que la France porte aujourd'hui au sein des institutions européennes et auprès de ses partenaires, en particulier pour faire évoluer le pacte de stabilité dont il ne faut pas oublier qu'il était conçu comme un pacte de stabilité et de croissance.
Enfin, il nous faut conduire une action déterminée en faveur de l'esprit d'entreprise, de l'investissement, de l'innovation, de ce que vous appelez si justement "l'audace créatrice". Ce sont les instruments que nous mettons au service de cette volonté d'entreprendre que je voudrais également évoquer avec vous aujourd'hui.
La France est un grand pays d'entrepreneurs. Toute son histoire le montre. Notre pays a donné naissance à nombre d'industries -comme l'aéronautique ou l'automobile- mais aussi à de nouvelles formes de commerce, comme les grands magasins, inventés en France au XIXe siècle.
Derrière chaque réussite, derrière chaque champion français, il y a des initiatives, des aventures individuelles. Il y a des entrepreneurs qui ont fait le pari de l'avenir et de la croissance, des artisans, des ouvriers qualifiés, des commerçants, des inventeurs qui, par leur esprit d'innovation et de conquête, font la force et la diversité de notre économie.
Ce rôle essentiel des entrepreneurs, nos concitoyens le reconnaissent, je pense, pleinement. C'est pour cela qu'un nombre croissant d'entre eux, en particulier les jeunes, sont prêts à franchir le pas, et à fonder eux-mêmes leur entreprise.
Permettre la création d'un million d'entreprises en cinq ans : tel était, vous le savez, l'un des objectifs que j'avais fixé pour la législature.
L'action du Gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN a permis à quantité d'initiatives de se concrétiser. La France vient d'atteindre un record absolu, pour ce qui la concerne, en matière de création d'entreprises : en 2004, ce sont 225 000 entreprises nouvelles qui ont vu le jour, auxquelles il faut ajouter près de 100 000 reprises d'entreprises.
Il faut poursuivre ce mouvement qui a été un succès. Mais la priorité doit être aussi, désormais, d'aider les jeunes entreprises à se développer.
Nous le savons : l'un de nos handicaps, c'est que nos petites entreprises ne grandissent pas assez vite. De ce fait, nous n'avons pas suffisamment d'entreprises de taille moyenne, bien positionnées sur leurs marchés et fortement ancrées dans leurs territoires. Or -aux côtés des très petites entreprises et des grands groupes-, ces entreprises moyennes sont au coeur de l'innovation, de la création d'emplois, de l'exportation, et tout simplement de la croissance.
Tout faire pour permettre à nos jeunes entreprises de croître, et à nos entreprises moyennes de se renforcer : c'est l'objectif du projet de loi pour les PME, la participation et le financement de l'économie qui sera très bientôt présenté au Parlement par Christian JACOB, et je le remercie du travail qui a été fait en grande concertation avec toutes les parties intéressées, et par le ministre des Finances, M. Thierry BRETON.
Il faut d'abord un meilleur accompagnement du créateur et du repreneur d'entreprises. Toutes les enquêtes le montrent : c'est souvent la qualité de l'accompagnement qui fait la différence. Le Gouvernement prépare un plan d'action qui associera formation, crédit d'impôt, et mobilisation de tous les réseaux aux côtés de l'entrepreneur.
Accompagner l'entreprise dans sa croissance, c'est aussi l'accompagner sur les marchés internationaux. Nous progressons dans ce domaine. La France a atteint en 2004 son record historique en matière d'exportations. Mais la comparaison avec d'autres pays, comme l'Allemagne, montre que nos performances ne sont pas encore à la hauteur de notre potentiel.
C'est pourquoi le Gouvernement vient d'adopter des mesures qui vont permettre à nos petites et moyennes entreprises de passer, je l'espère, à la vitesse supérieure : je citerai notamment le crédit d'impôt pour l'exportation, le contrat de travail export, les mesures en faveur de la prospection à l'étranger. Les entreprises doivent se saisir de ces outils nouveaux, élaborés en concertation avec elles, pour aller chercher la croissance là où elle est la plus forte.
En second lieu, il faut alléger la fiscalité qui pèse sur l'entreprise en croissance.
Bien des étapes ont déjà été franchies en ce sens. Indépendamment de la réforme de la taxe professionnelle, je pense au régime de la "jeune entreprise innovante", destiné aux entreprises de croissance qui ont vocation à devenir les champions de demain ; je pense aussi à l'allégement de la fiscalité sur les brevets.
Nous devons également faire en sorte que l'entreprise survive à son créateur et pour cela revoir notre fiscalité. Car une entreprise, c'est le patrimoine de celui ou celle qui a travaillé dur pour la construire. Et ce sont aussi des emplois, c'est parfois la vie de tout un territoire. C'est une richesse qui doit pouvoir se transmettre et perdurer. La surcharge fiscale qui pèse encore sur les cessions ou les donations est à l'origine de nombreux rachats d'entreprises, notamment par des investisseurs et des fonds étrangers, avec toutes les incertitudes que cela représente sur l'avenir de l'emploi dans notre pays.
C'est pourquoi j'ai demandé au Gouvernement d'étudier la mise en œuvre, dès le prochain budget, d'une mesure d'exonération totale des plus-values sur les actions détenues à long terme.
Dans le même esprit, la loi sur les PME, qui sera prochainement soumise au Parlement, va accroître et généraliser les abattements sur les donations, pour faciliter la transmission de l'entreprise au sein du groupe familial.
Enfin, je veux saisir l'occasion qui m'est donné aujourd'hui pour vous dire un mot sur deux sujets qui sont, à mes yeux, essentiels : l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et la participation.
L'égalité professionnelle est une exigence démocratique et de justice. C'est aussi un enjeu essentiel pour l'emploi et pour l'efficacité des entreprises. C'est pourquoi j'ai voulu m'engager personnellement.
Certes nous disposons d'un arsenal législatif impressionnant. Le principe "à travail égal, salaire égal" est garanti en droit depuis 1972. Plus récemment, en 2001, la loi Génisson est venue consacrer le principe de la négociation obligatoire sur l'égalité professionnelle au sein des branches et des entreprises. Le problème, c'est que cette loi n'est pas appliquée.
Trop peu d'entreprises ont négocié, probablement moins d'une centaine sur tout le territoire. Et les écarts salariaux entre les femmes et les hommes persistent dans les entreprises. Face à cette réalité, nous avons le devoir d'agir.
Aucun accord salarial ne doit pouvoir être légalement conclu, si la négociation n'a pas également porté sur les moyens d'atteindre l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, au plus tard en cinq ans. Le Gouvernement présentera dans les jours qui viennent un projet de loi en ce sens.
Nous faisons donc le choix d'accélérer et de généraliser par la loi le dialogue social.
Sans même attendre le vote de la loi, j'engage, dès à présent, les chefs d'entreprises et les syndicats à s'emparer de cette question à tous les niveaux de négociation, dans les branches comme dans les entreprises.
La communauté humaine qui forme l'entreprise trouve aussi sa traduction la plus concrète dans la participation. Par la distribution aux salariés d'une partie des profits, la participation met en évidence la convergence des intérêts de tous les acteurs de l'entreprise. Elle conforte aussi son ancrage dans la durée et dans un territoire.
Le Premier Ministre, dans son "contrat France 2005", a annoncé des mesures importantes, pour diffuser dans les petites et moyennes entreprises les outils de la participation. Elles vont permettre une puissante relance de l'actionnariat salarié, avec le mécanisme d'attribution d'actions gratuites à toutes celles et à tous ceux qui travaillent dans l'entreprise.
Je vous engage à tirer le meilleur parti de ces nouvelles mesures, dans l'intérêt de tous, des salariés comme des entreprises.
Mesdames et Messieurs,
C'est ensemble, en ayant pleinement conscience de nos atouts, en nous inscrivant résolument dans une ambition européenne, que nous conforterons la croissance, et cette croissance avec laquelle la France a renoué en 2004, mais qui reste fragile. C'est ensemble, en assumant chacun à sa place ses responsabilités, que les entreprises, les partenaires sociaux, l'Etat permettront à la croissance de s'accélérer et de porter tous ses fruits pour l'emploi et pour le pouvoir d'achat.
Mesdames et Messieurs,
En notre nom à tous, je renouvelle mes plus chaleureuses félicitations à l'entreprise modèle SMOBY.
Je vous remercie.
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