Palais de l'Unesco - Paris, 16 novembre 2005
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Parmi les différentes organisations des Nations unies qui contribuent, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, à la stabilité du monde, l'UNESCO est investie d'une
mission très particulière, peut-être la plus noble de toutes : consolider la paix et l'entente entre les peuples par un meilleur partage du savoir et de la culture.
Cette ambition est considérable. Elle est née sur les décombres d'un monde qui venait de faire l'expérience de la guerre totale et de connaître l'indicible de l'extermination. Les
fondateurs de l'UNESCO s'exprimèrent en connaissance de cause, quand ils inscrivirent, dans le préambule de l'acte constitutif de l'Organisation, cette idée force : "les guerres
prenant naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix".
Construire la paix dans l'esprit des hommes représente à la fois un pacte et un pari : c'est faire le choix de l'éducation et de la culture contre la barbarie. Et c'est
à l'UNESCO qu'il revient d'être le creuset de cette conscience universelle, le lieu où les nations peuvent trouver soutien et coopération pour juguler l'analphabétisme et
contribuer aux échanges scientifiques et culturels, au service d'une mondialisation plus humaine et mieux maîtrisée.
Evoquer six décennies d'action portées par ce noble idéal, c'est forcément parler de succès, mais aussi bien sûr d'épreuves et parfois d'échecs. Il serait trop long de
mentionner les nombreuses réussites de notre Organisation, qui n'ont pas toujours connu la renommée qu'elles méritent. Je citerai pêle-mêle, dans cette œuvre immense : le droit
international de la culture, dont l'UNESCO a forgé tous les instruments ; les multiples programmes scientifiques, souvent pionniers en matière d'interdisciplinarité, qui ont par
exemple permis de dépouiller à jamais le racisme de toute caution pseudo-savante ; le sauvetage de centaines de sites du patrimoine mondial, comme ceux de l'Egypte ancienne ; la
mise en place dans le Pacifique du premier système d'alerte et de prévention des tsunamis...
L'UNESCO a également connu son lot de difficultés. Elle a traversé la crise la plus aiguë de son histoire lorsque plusieurs Etats membres l'ont quittée dans les années 80. Si ce
choc l'a affaiblie, il a aussi permis d'enclencher des réformes salutaires. Le retour des Etats-Unis à l'UNESCO en 2003 a refermé ce chapitre. Nous avons salué ce retour, qui
porte en lui l'espoir de nouvelles avancées pour l'éducation, le dialogue des cultures et le progrès des sciences. Notre Organisation continue depuis d'accueillir de nouveaux membres
et je m'en réjouis profondément. Je veux saluer l'adhésion de Brunei Darussalam au début de cette année, et croire que Singapour, qui s'est récemment rapprochée de notre
Organisation, en sera de nouveau sous peu membre de plein droit.
Monsieur le Directeur général, nul n'a œuvré davantage que vous pour que l'UNESCO renoue avec son universalité. C'est quasiment chose faite à présent : grâce à vos
efforts et ceux des fonctionnaires de cette maison, notre Organisation a retrouvé le rayonnement qui doit être le sien. Je vous félicite de votre réélection et je vous exprime
toute la confiance de la France dans la conduite de l'UNESCO, afin de relever les défis, anciens et nouveaux, qui l'attendent.
Le premier de ces défis est celui de l'éducation pour tous, qui constitue la clé du développement et un rempart essentiel contre toutes les intolérances et les inégalités. Ce
défi est immense, puisque plus de 770 millions d'adultes sont aujourd'hui encore analphabètes. La France accorde, comme vous le savez, la plus grande attention à la mise en
œuvre de cet engagement pris par la communauté internationale lors du Forum de Dakar et du Sommet du Millénaire. Elle attribue à l'éducation, droit fondamental de la personne
humaine et levier essentiel de la démocratie et du développement économique et social, une place prioritaire dans sa politique de coopération. Elle se félicite des progrès
déjà réalisés dans la mise en œuvre du Cadre d'action de Dakar, sous l'égide du Groupe de haut niveau mis en place par l'UNESCO. Le rôle de chef de file de l'UNESCO dans la
conduite de cette noble mission doit être constamment et pleinement reconnu.
Dans le domaine des sciences de la vie, au-delà de son rôle d'encouragement à poursuivre les progrès de la recherche, l'UNESCO a vocation à être un éclaireur
essentiel qui pose les balises éthiques dont notre monde a de plus en plus besoin. Certes, les progrès de la connaissance nous ouvrent des perspectives dont nul n'aurait rêvé il y a
une ou deux générations. Mais face aux dérives de la "science sans conscience" auxquelles nous expose le développement exponentiel des technologies du vivant, l'UNESCO doit veiller
plus que jamais au respect de la dignité humaine.
Je salue à cet égard le travail pionnier du Comité international de bioéthique de notre Organisation. La Déclaration universelle sur le génome humain et les Droits de
l'homme, la Déclaration internationale sur les données génétiques humaines, et enfin la Déclaration universelle sur la bioéthique et les Droits de l'Homme, adoptée lors de la
dernière Conférence générale, sont autant de nouveaux jalons de ce chapitre du droit international. L'UNESCO est ici à l'avant-garde ; elle donne le cap. La France, qui a
activement soutenu ce travail d'élaboration normative, continuera de militer pour l'établissement progressif d'un véritable code éthique universel.
Enfin, nous avons toujours devant nous le défi de la diversité des cultures. La France, vous le savez, a été l'un des initiateurs de la Convention sur la protection et la promotion
de la diversité des expressions culturelles, adoptée le 20 octobre dernier. Beaucoup a déjà été dit et écrit sur cette Convention, dont l'adoption a constitué
l'événement majeur de la 33e Conférence générale. Dans l'histoire de l'UNESCO, aucun texte normatif n'a suscité à ce jour autant d'intérêt et d'enthousiasme. Sur tous les
continents, les professionnels de la culture, les organisations non gouvernementales, la presse, se sont emparées avec passion des termes du débat. Et au moment du vote, la convention
a été adoptée avec un niveau de soutien jamais égalé dans le cadre de cette enceinte.
Cette vague de fond, nous en avons tous conscience, n'est pas le fruit du hasard. Partout dans le monde, des hommes venus d'horizons très différents ont voulu se donner les moyens de
relever collectivement le défi d'un meilleur dialogue des cultures. Face aux déséquilibres profonds des échanges culturels, source de ressentiment et donc d'intolérance, ils ont
marqué leur volonté de promouvoir de meilleures conditions d'existence et d'échange de toutes les cultures. Et ils se sont tournés vers l'UNESCO, où l'universel et le particulier
ont vocation à se rejoindre, pour que la mondialisation, qui unifie le monde, favorise aussi une meilleure connaissance entre les hommes et un plus grand respect de l'autre.
C'est parce qu'elle répond à cette préoccupation exprimée sur tous les continents que la Convention a reçu un soutien quasi-unanime. Je salue toutes les enceintes, à
commencer par la Francophonie, qui ont soutenu l'UNESCO dans cet effort constant.
Prenons garde, à cet égard, de ne pas opposer l'économie et la culture. Que signifie la liberté de choisir, lorsque l'offre culturelle tend vers la standardisation, comme
c'est le cas un peu partout aujourd'hui ? Comment développer les échanges culturels, si nous ne garantissons pas au préalable à chaque peuple les conditions d'expression de
son être au monde ? La Convention, parce qu'elle reconnaît aux forces créatrices et artistiques d'un pays le droit d'exister et de se faire connaître, s'affirme comme une chance
supplémentaire pour les échanges et le commerce qui profitera à tout le monde. Au-delà de ces enjeux économiques, je suis convaincu que la promotion de la diversité
culturelle est l'une des réponses que nous devons apporter aux projets d'enfermement identitaire. Face à l'intolérance et à ses dangers, il est de notre responsabilité
à tous de proposer une alternative au "choc des civilisations", en combattant à la racine l'ignorance et l'incompréhension.
C'est la raison pour laquelle nous devons tous nous engager dès que possible sur la voie de la ratification de cette Convention.
La France, pour sa part, s'appliquera à le faire dans les meilleurs délais. Elle souhaite inscrire sa coopération culturelle dans le cadre défini par la Convention. Elle
apportera toute sa contribution à l'émergence, partout dans le monde, d'industries culturelles viables et compétitives.
Mesdames et Messieurs,
Soyez assurés que l'UNESCO continuera de trouver dans l'accomplissement de sa mission le soutien exigeant, mais résolu, de la France.
La France est fière d'accueillir l'UNESCO sur son sol. Attentive à ses responsabilités en tant qu'Etat hôte, la France entend bien poursuivre l'effort nécessaire pour
permettre à l'Organisation d'achever la rénovation de ses bâtiments.
Au service de la stabilité et de la solidarité du monde, les Nations unies et leurs différentes institutions sont appelées à jouer un rôle sans cesse plus crucial. Je suis
convaincu que l'UNESCO, qui demeure en charge de la mission la plus noble, mais sans doute la plus difficile, saura continuer à s'en montrer pleinement digne.
Je vous remercie.