Discours du Président de la République à l'occasion de la remise du prix de " l'Audace Créatrice ".

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la remise du prix de " l'Audace Créatrice "

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Palais de l'Elysée - Paris le jeudi 2 mars 2006.


Monsieur le Président, cher Marc de LACHARRIÈRE,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les chefs d'entreprise,
Mesdames et Messieurs,
Mes chers amis,

C'est pour moi, cher Marc, un très grand plaisir de vous retrouver à nouveau ici, à l'Elysée. Je salue les membres du jury, les journaux partenaires, les entreprises finalistes qui auraient pu toutes gagner je le sais, ainsi que tous les entrepreneurs ici présents et l'ensemble de leurs salariés.

J'adresse bien sûr mes plus vives félicitations à l'entreprise SOITEC, à son dirigeant et fondateur M. AUBERTON-HERVÉ, ainsi qu'à tous ses collaborateurs qu'il a cités tout à l'heure. Créée il y a moins de 15 ans, avez-vous dit, spécialisée dans les semi-conducteurs, SOITEC emploie aujourd'hui près de 750 personnes -chaque année un peu plus-. Une fois de plus, cher Marc, ce prix de l'audace créatrice récompense une aventure collective, exemplaire à tous égards. Elle récompense aussi un modèle de croissance fondée sur l'innovation et la recherche.

L'esprit d'entreprise, c'est, bien sûr, le premier facteur de la croissance. C'est un goût pour l'audace, l'innovation, la prise de risque, qui s'exprime si bien dans des entreprises comme les vôtres.

Nous avons besoin de grands groupes puissants dans un pays comme le nôtre et ceci pour servir de locomotives à notre économie. Mais les petites et moyennes entreprises sont absolument essentielles, car elles sont le fer de lance de la croissance et de l'emploi. Et elles doivent devenir des atouts majeurs de notre politique d'innovation et de notre politique d'exportation, comme SOITEC nous en apporte la démonstration.

C'est pourquoi au cœur de toute politique économique, il doit y avoir les PME. Tout doit être fait pour les aider à se développer. Pour que se multiplient des réussites exemplaires, comme celle de SOITEC.


Depuis 2002, nous avons d'abord agi pour relancer la création et la transmission d'entreprises dans notre pays. 2005 nous a permis d'atteindre un nouveau record, avec 225 000 créations d'entreprises. L'objectif, que j'avais évoqué, de création d'un million d'entreprises en cinq ans sera atteint dès la fin de cette année. Nous avons réformé notre fiscalité pour diminuer le coût de la transmission d'entreprise et celui de la détention durable d'actions. Avec ces progrès, avec l'importante réforme de l'impôt sur le revenu adoptée fin 2005, nous avons franchi des étapes décisives pour revaloriser le travail, restaurer l'attractivité fiscale de notre pays et encourager l'esprit d'entreprise.

C'est pour l'emploi dans les petites entreprises que nous avons créé le contrat "nouvelles embauches". C'est un succès : plus de 350 000 contrats ont déjà été signés ; un tiers de ces embauches n'aurait pas existé sans ce nouveau contrat.

Nous avons engagé la bataille pour l'emploi des jeunes. Elle se gagnera d'abord dans les petites et moyennes entreprises. Je compte sur votre mobilisation pour atteindre l'objectif fixé de 500 000 apprentis dans les 5 ans. Je compte aussi sur vous pour utiliser le contrat "première embauche". C'est un instrument capital pour ouvrir les portes des entreprises. C'est la réponse pragmatique à la situation actuelle, où tant de jeunes sont contraints de passer de petits boulots en petits boulots, sans avoir réellement leur chance d'accéder à un vrai emploi dans une entreprise.

Au cœur de notre politique en faveur des PME, il y a aussi la baisse du coût du travail. C'est l'un des principaux obstacles à l'emploi. C'est pour cela que nous avons engagé la maîtrise de l'évolution des dépenses sociales. C'est pour cela que nous avons amplifié les baisses de charges sur les bas salaires.

C'est enfin pour cela que j'ai voulu ouvrir le chantier de la réforme du financement de la protection sociale, qui joue actuellement, sans aucun doute, contre l'emploi, notamment dans vos entreprises. M. Thierry BRETON et M. Xavier BERTRAND ont engagé les études nécessaires pour cette réforme, qui fera l'objet d'une large concertation, et qui prendra naturellement en compte la situation particulière des très petits entrepreneurs.
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Mais il faut aussi créer les conditions de la croissance des petites et moyennes entreprises pour faire émerger de futurs champions économiques et créateurs de richesses et d'emplois, et aussi pour conquérir les marchés extérieurs à l'exportation.

Nous allons doubler en deux ans le nombre de prêts à la création d'entreprises, qui passera à 30.000 par an. J'ai également décidé la création d'un fonds, doté de 2 Mds ¬ et chargé d'investir, aux côtés du secteur privé, dans la création et le développement des petites et moyennes entreprises. Son rôle, c'est de mieux orienter l'épargne, et d'exercer un effet d'entraînement sur tous les acteurs du financement de l'économie. Ce fonds sera opérationnel avant l'été prochain, Monsieur le Ministre.

Mieux orienter l'épargne, c'est aussi l'enjeu du dialogue noué avec les assureurs. Les assureurs se sont engagés à investir 2% des encours de l'assurance-vie dans les PME : 12 milliards d'euros de plus en trois ans. Les premiers chiffres, je dois le dire, sont décevants. J'appelle chacun à respecter ses engagements ; faute de quoi, nous aurons recours à la loi.

Et je souhaite que les banques intègrent, dès l'an prochain, dans leurs rapports annuels, un relevé précis de leurs actions en faveur du financement des entreprises nouvelles, du micro-crédit, et des quartiers défavorisés.

Pour assurer leur développement, les petites et moyennes entreprises doivent être aussi parties prenantes de la politique d'innovation, comme nous le montre SOITEC. Vous le savez, c'est la clé de la conquête des emplois de demain, dans les services comme dans l'industrie.

Les moyens sont là. L'Agence de l'innovation industrielle dispose de 2 Mds ¬ de crédits : elle est ouverte aux projets des PME, si celles-ci s'associent pour former une sorte de consortiums. Le crédit d'impôt recherche a été rendu plus incitatif. Et près d'un milliard et demi d'euros seront consacrés, en trois ans, aux pôles de compétitivité. Vous avez l'esprit d'entreprise. Vous avez les armes pour vous engager résolument dans la nécessaire, la vitale bataille de l'innovation.

Nous agissons également pour rééquilibrer la relation entre nos PME et les grands groupes et ce rééquilibre est bien nécessaire. Bien souvent, ce sont les grandes entreprises qui font la loi et pas forcément de la meilleure façon. En imposant, par exemple, un modèle fondé sur la domination à l'égard des sous-traitants. On arrive à des abus parfois scandaleux : contrats assortis d'une obligation de délocaliser ; exigence de paiement d'un droit d'entrée pour être référencé ; délais de paiement excessifs. Tout cela se voit journellement.

L'État doit jouer, dans ce domaine, son rôle de régulateur. Les ministres de l'économie et de l'industrie ont lancé un groupe de travail sur la sous-traitance. Il faut aboutir à des propositions concrètes avant l'été, par exemple sous la forme d'un code de bonne conduite.

De même que l'Etat agit résolument pour adapter sa politique d'achat aux PME, j'appelle nos grands groupes, industriels ou commerciaux, à s'engager dans cette démarche économiquement responsable qui ne leur est pas forcément naturelle. Ils doivent apprendre à considérer leurs sous-traitants comme des partenaires stables, pas comme des fournisseurs "jetables". Ils doivent apprendre, comme les entreprises allemandes le font si bien, à les soutenir et à les accompagner sur les marchés extérieurs. Je suis frappé, toujours, quand je voyage à l'étranger de voir à quel point les grandes entreprises allemandes et les petites et moyennes entreprises qui les accompagnent sont efficaces et solidaires et le contraste, que l'on voit, évident, avec la situation française.

Je vous appelle enfin à associer pleinement vos salariés à vos succès. Depuis le général de GAULLE, notre pays a eu l'ambition de créer une voie singulière, qui tente de réconcilier le travail et le capital. Les salariés doivent bénéficier de la création de richesses des entreprises : ils y ont contribué par leur travail. C'est la condition d'un vrai dialogue économique et social. C'est la condition d'une croissance forte et durable des entreprises.

Un projet de loi sur la participation et sur l'actionnariat salarié sera déposé dans les prochaines semaines. Il proposera aux petites et moyennes entreprises des dispositifs plus avantageux et surtout plus simples. Il créera aussi de nouveaux instruments, comme le "dividende du travail", la distribution d'actions gratuites aux salariés, ou la possibilité de convertir le compte épargne temps en actions de l'entreprise. Enfin, la représentation des salariés actionnaires dans les conseils d'administration sera rendue obligatoire dès lors qu'ils détiennent plus de 3% du capital.



Monsieur le Président, cher Marc,
Le bénéficiaire du prix que je tiens à nouveau à saluer et à féliciter,
Mesdames et Messieurs.

Nous pouvons avoir confiance dans notre capacité à accélérer notre croissance, à un moment aussi où la conjoncture se redresse chez nos principaux partenaires européens et notamment en Allemagne.

Deux défis importants nous attendent forcément. Maîtriser nos finances publiques et réduire la dette. Accélérer la mise en œuvre de notre nouvelle politique industrielle. Poursuivre la réduction du chômage : les derniers chiffres montrent que nous devons, de ce point de vue, rester en permanence mobilisés et vigilants. Nous avons fait les choix, je crois, qui s'imposaient, des choix justes et résolus pour ne pas dire raisonnables. La voie est ouverte, et nous allons redoubler d'efforts. Toute l'action du gouvernement est tendue vers un seul objectif : faire de cette année une année majeure pour la croissance, pour les réformes dont notre pays a besoin pour faire reculer durablement le chômage.

Je vous remercie.





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