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Palais de l'Élysée, Paris, le 6 novembre 2006
Maître,
C'est un honneur et un plaisir pour mon épouse et pour moi de vous recevoir aujourd'hui, ici, à l'occasion de votre entrée dans l'ordre national de la Légion d'honneur. La France entend ainsi rendre hommage à votre action, tout entière consacrée à la défense du droit, de la justice, de la dignité et de la liberté. Elle veut aussi honorer votre courage.
Vous venez d'un pays de très vieille civilisation auquel l'histoire du monde doit beaucoup. Vous avez été en Iran la première femme juge, et aussi la première femme présidente de chambre. Devenue avocate, vous avez œuvré sans relâche pour la défense des libertés fondamentales, celles de la femme et de l'enfant en particulier. En 2002, vous avez fondé le centre des défenseurs des droits de l'Homme, qui protège notamment les prisonniers politiques.
Dans vos combats, vous avez toujours été du côté des victimes et des faibles, en particulier des "plus démunis face à la justice" pour reprendre vos propres mots. Vous y avez déployé ténacité et courage. Ce combat est un choix personnel dont vous assumez toutes les conséquences. Vous avez décidé de le mener en Iran, pays que vous aimez par dessus tout, consciente que votre place est là et nulle part ailleurs.
Maître, votre action honore votre pays mais revêt aussi une dimension internationale. Elle tient à l'universalité des messages et des valeurs qui vous guident. Aussi êtes-vous devenue un modèle pour les défenseurs des droits de l'Homme partout dans le monde.
2003 marqua la consécration de vos combats. Vous avez reçu le prix Nobel de la paix, première femme musulmane et première personnalité iranienne ainsi distinguée. Vous étiez
à Paris lorsque vous l'avez appris, avec un certain nombre de vos amis, dont certains sont ici aujourd'hui -et je suis heureux de les saluer ce soir. Par cette distinction, votre
pays était également honoré. Vous représentez l'Iran aux yeux du monde, et vous le faites avec la fierté caractéristique de votre peuple.
L'Iran est attaché à sa souveraineté. Il entend jouer tout son rôle au Moyen-Orient et dans le monde. Comment ne pas comprendre cette aspiration légitime ? Mais comment ne pas voir également qu'elle lui crée une grande responsabilité, celle de dissiper les appréhensions qu'il a pu faire naître et d'accepter la main que lui tend la communauté internationale pour travailler ensemble à la paix, à la stabilité et au progrès du monde ?
Vous êtes hostile à toute prétention étrangère à dicter à l'Iran son évolution intérieure. Car la démocratie, dites-vous, n'est pas un article d'importation, et vous faites confiance à la nation iranienne pour se développer en toute indépendance, dans le respect de son identité.
Cette indépendance ne s'oppose pas aux échanges extérieurs, elle en est même la condition. Vous vous êtes ainsi associée à d'autres femmes lauréates du prix Nobel pour promouvoir le dialogue entre notamment l'Iran et les Etats-Unis. Vous avez exprimé les attentes de la société iranienne vis-à-vis des Européens pour qu'ils fassent entendre leur voix sur la démocratie et les droits de l'Homme.
Vous avez déclaré que la démocratie est "comme une fleur que l'on doit arroser tous les jours". Votre action quotidienne en faveur de la culture des droits de l'Homme porte d'ores et déjà ses fruits. La confiance que vous manifestez dans la capacité de la société iranienne à promouvoir cette culture porte en elle un espoir pour un dialogue des civilisations dont nous avons tous le plus grand besoin.
Maître, par votre courage et votre fierté, vous défendez une vision proprement iranienne qui affirme la compatibilité des valeurs de l'islam avec celles de la démocratie et des droits de l'Homme. La France est à votre écoute et se reconnaît dans votre combat. C'est aussi en 2003, au moment même où le Comité Nobel portait sur vous son choix, que la République française vous a décerné son Prix des droits de l'Homme. Chère Maître, soyez assurée que vous nous trouverez toujours à vos côtés pour défendre la dignité humaine, le droit et la liberté.
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