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Palais de l'Élysée, Paris, le lundi 16 octobre 2006
Monsieur le directeur, cher Abraham Foxman,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir ici, avec vos collègues, vos amis et votre famille. J'ai souhaité rendre un hommage particulier à l'engagement de toute une vie au service de la compréhension entre les hommes, sur votre terre.
La force de cet engagement, vous la puisez dans votre histoire personnelle, marquée par la tragédie de la Shoah. Vous êtes né en Pologne, en 1940, dans une famille juive. Pour fuir les persécutions nazies, vos parents se réfugient à Vilnius, en Lituanie, et vous confient à une Polonaise catholique.
Cette femme, sans aucun doute, vous a sauvé la vie. Pendant quatre ans, dans une ville sous occupation allemande, elle vous a élevé comme un enfant chrétien. Mais quatrorze membres de votre famille périront dans cette abominable tourmente. Vos parents survivent miraculeusement et vous les retrouvez à la fin de la guerre. Ils décident alors de fuir un autre totalitarisme, celui de l'Union soviétique. Ils parviennent à gagner les Etats-Unis en 1950, et c'est une nouvelle vie.
Vous fréquentez la Yeshiva de Flatbush à Brooklyn, puis vous entrez à l'université pour étudier les sciences politiques, le droit et l'économie, tout en poursuivant des études au Séminaire théologique juif. Après un brillant cursus, vous rejoignez en 1965 "l'Anti-Defamation League", dont vous deviendrez le Directeur national en 1987 et l'un des principaux porte-parole de la communauté juive américaine.
Tout au long de votre vie, vous avez visé trois objectifs indissociables : le devoir de mémoire, le combat contre l'antisémitisme et le dialogue pour la paix.
Le devoir de mémoire, c'est d'abord de rappeler la souffrance du peuple juif, l'horreur des camps, les complicités criminelles. Vous y avez activement contribué, notamment comme membre du Conseil de l'Holocauste auprès du Président des Etats-Unis. Mais votre engagement fut aussi de perpétuer le souvenir de ces "Justes parmi les Nations" qui ont sauvé des juifs pendant la guerre et ont incarné ainsi la conscience universelle.
Ce devoir de mémoire, la France l'assume. Nous avons reconnu la responsabilité de l'Etat français dans la déportation et la mort de milliers de juifs. Nous continuons à transmettre le souvenir et je veux souligner ici la qualité des coopérations nouées avec les organisations juives, je pense notamment au Musée de l'Holocauste.
Votre engagement, c'est aussi la lutte contre l'antisémitisme. Aujourd'hui, la haine de l'autre se diffuse comme un poison, au sein de nos sociétés et par-dessus les frontières, un poison alimenté par les extrémismes et les images de violence. Aussi devons-nous rester vigilants et combattre sans relâche ces résurgences de la bête immonde. Ce combat, vous le menez avec force et avec passion. Vous êtes sur tous les terrains, en particulier les médias et Internet, où se diffusent tant de pernicieux messages.
Ce combat est aussi le mien. Je sais que vous avez suivi avec une inquiétude justifiée, la montée brutale d'actes antisémites en France. La République y a fait face. Elle ne pouvait pas tolérer que des écoles ou des lieux de culte soient dégradés, ou que des enfants soient menacés en raison de leur confession religieuse. Nous avons renforcé notre arsenal législatif pour que chaque acte soit poursuivi et châtié. Les résultats sont là, mais ils nous invitent à ne pas relâcher la vigilance.
Votre engagement, c'est enfin le dialogue pour la paix. Défenseur passionné de votre cause, vous avez toujours prôné le dialogue, partout et avec tous, pour promouvoir la tolérance et la paix entre les hommes. Vous participez au dialogue inter-religieux, en rencontrant régulièrement le Pape, avant-hier encore, je crois. Vous vous rendez dans les pays arabes. Vous rencontrez les dirigeants européens, tous les dirigeants européens, pour faire progresser, notamment, la lutte contre l'antisémitisme.
A cet égard, je vous suis reconnaissant d'avoir contribué à établir un dialogue confiant et régulier entre la France et la communauté juive américaine. Nous partageons les mêmes objectifs, en particulier sur Israël : que son existence soit acceptée par tous ; que le processus de paix reprenne afin d'assurer l'existence de deux Etats, israélien et palestinien, vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité.
Cher Abraham Foxman, votre parcours personnel et votre contribution à la paix, à la paix entre les hommes, sont exceptionnels. La France vous exprime aujourd'hui son estime et sa reconnaissance. C'est pourquoi, avec beaucoup de plaisir, je vais vous remettre les insignes de Chevalier de la Légion d'Honneur.
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