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Centre de conférences internationales, le vendredi 16 mars 2007
Madame le Directeur général,
Madame la Vice-présidente,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Nous le savons tous, la mondialisation a deux visages. Elle est un formidable moteur de développement et de création de richesses, et elle est porteuse de promesses immenses et d'opportunités inédites. Mais la mondialisation a aussi ses exclus : des centaines de millions de femmes, d'hommes et d'enfants, prisonniers de l'extrême pauvreté, de conditions de travail indignes, de la faim, de l'analphabétisme, et de la maladie.
Dans un monde toujours plus riche et toujours plus ouvert, qui offre l'image d'une opulence parfois insolente, la misère n'en devient que plus révoltante : elle est humainement et moralement inacceptable, économiquement intenable et politiquement dangereuse. Qui serait assez aveugle pour croire viable et sûr un monde où tout se sait immédiatement et où coexistent richesse sans précédent et pauvreté de masse ?
L'un des grands combats de notre temps, c'est un combat à l'échelle de la planète. C'est le combat pour le progrès, pour la dignité humaine, pour l'égalité des chances. C'est le combat pour une mondialisation au bénéfice de tous.
Ce combat, c'est le nôtre. C'est pourquoi je suis heureux de vous rencontrer au terme de cette conférence internationale. Ensemble, nous démontrons que la cause d'une mondialisation humanisée et maîtrisée progresse dans les consciences et dans les faits, dans les cœurs et qu'elle s'exprime par des recommandations concrètes au bénéfice des plus démunis.
Comment progresser vers l'éradication de la pauvreté, qui est la condition même de la stabilité du monde, comme nous nous y sommes d'ailleurs engagés avec les objectifs du Millénaire ? Comment réussir cette mondialisation de la solidarité ? Car elle seule pourra offrir à chacun sa chance, et éviter ainsi que des centaines de millions d'exclus cherchent ailleurs, dans l'émigration ou la révolte, la réponse à leur désespérance.
D'abord, nous devons réussir à l'échelle mondiale l'alliance du dynamisme économique et de la conscience sociale. Favoriser l'esprit d'entreprise, la recherche, l'innovation, les solutions nouvelles. Mais aussi replacer la préoccupation sociale au cœur des politiques de développement.
Agissons pour donner un souffle nouveau au dialogue social mondial, pour promouvoir le travail décent et les droits fondamentaux au travail, pour lutter contre les discriminations, notamment entre les hommes et les femmes, pour renforcer la responsabilité sociale de tous les acteurs. Nous nous y sommes engagés, en particulier à travers les conventions de l'Organisation internationale du travail. C'est l'une des conditions pour que la mondialisation soit acceptée par les travailleurs du Nord, soucieux de concurrence loyale, comme par ceux du Sud, soucieux de recevoir le juste prix de leur travail.
Réfutons une fois pour toutes l'idée selon laquelle la mondialisation ne souffre aucune maîtrise, ni aucune régulation. Au siècle dernier, les pays industrialisés ont édicté des règles pour encadrer l'essor du capitalisme naissant, bien souvent après des décennies de lutte sociale. Il a été amplement prouvé que la justice sociale sert le progrès économique et renforce la cohésion des nations. Sachons équilibrer les progrès de la liberté des échanges économiques dans le monde par des progrès équivalents de la solidarité internationale.
Pour progresser dans cette voie, nous devons nous doter d'instruments et de modes d'action nouveaux.
Il faut d'abord des moyens financiers suffisants pour aider les populations exclues à accéder à ces droits sociaux fondamentaux que constituent l'alimentation, les soins de santé de base, l'accès à l'eau potable, l'éducation pour tous. Nous parlons là des 800 millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui ne mangent pas à leur faim et des deux milliards d'hommes, de femmes et d'enfants qui vivent avec moins de deux dollars par jour.
L'aide publique au développement, que nous nous sommes engagés à porter à 0,7% du PIB, progresse depuis quelques années. Mais elle restera insuffisante pour rassembler les sommes nécessaires. C'est pourquoi il nous faut mettre en place des mécanismes de financement innovants.
D'aucuns prétendent qu'il y aurait là un effort financier insupportable pour la planète. Il n'en est rien. Chaque année, la richesse mondiale croît de deux mille milliards d'euros environ. Les sommes additionnelles nécessaires pour respecter les engagements du Millénaire sont évaluées à 100 milliards d'euros par an. Soit 5% seulement de l'accroissement de la richesse mondiale ! Est-ce vraiment utopique ? Est-ce vraiment dangereux pour la croissance mondiale ? Evidemment, non.
Il paraissait impossible de distribuer aux malades des pays pauvres des traitements modernes et coûteux : nous sommes en train de démontrer qu'il n'en est rien. A travers UNITAID, la France, avec déjà plus de 20 pays partenaires, a décidé de consacrer le produit d'une contribution de solidarité sur les billets d'avion à l'achat de médicaments aux plus faibles prix. Grâce à cette décision, grâce aussi aux efforts accomplis à travers le Fonds mondial et l'action sur le prix des médicaments, nous sommes en train de remporter une victoire modeste, mais capitale contre les maladies infectieuses. C'est un exemple qui doit être suivi.
Cette expérience pilote, il faut en effet en étendre la logique aux autres chantiers fondamentaux de l'accès aux besoins essentiels.
C'est dans cet esprit que nous devons aborder la question de l'absence de protection sociale dont souffre aujourd'hui la moitié de la population mondiale. Mettre en place des mécanismes d'assurance et de couverture maladie, c'est rompre l'engrenage fatal qui fait chaque année basculer cent millions de personnes, confrontées à une maladie grave, dans un total dénuement. C'est évidemment inacceptable sur le plan moral, comme sur le plan de la conscience du monde.
Notre histoire montre clairement l'immense bénéfice collectif, le dynamisme et le progrès qu'apporte la prise en charge solidaire du risque individuel. C'est en protégeant les travailleurs du risque de la maladie que les sociétés industrielles naissantes ont consolidé leur croissance : aujourd'hui, il est urgent de généraliser à l'échelle de la planète les systèmes de péréquation et de mutualisation des risques que nous avons bâtis dans les pays développés.
Cela pourrait paraître hors de portée dans des pays pauvres où les salaires sont très bas et les structures de l'économie formelle encore trop fragiles.
De multiples expériences réussies, notamment en Afrique, montrent que c'est possible, quel que soit le niveau de richesse des pays concernés. Elles prouvent que l'on peut éviter que les plus pauvres ne soient exclus des soins faute de moyens financiers. Et cela en mutualisant les efforts, en recourant à des techniques financières appropriées, comme la micro assurance.
Je propose, pour progresser sur les voies que vous avez ouvertes, trois priorités. Trois priorités qui pourraient inspirer dès ce printemps le Sommet du G8, que l'Allemagne a opportunément décidé de consacrer à l'Afrique et à la dimension sociale de la mondialisation.
Première priorité : créons une plateforme internationale sur le financement des système de santé dans les pays pauvres. Cette plateforme prendrait appui sur le consortium entre l'OMS, le BIT et la coopération allemande, que la France va d'ailleurs rejoindre. Elle rassemblerait les bailleurs de fonds multilatéraux, les grandes agences spécialisées et les agences de coopération des Etats. Elle aurait pour responsabilité de dégager les principes fondamentaux en la matière.
Deuxième priorité : entendons-nous pour que les recommandations des grands bailleurs de fonds, internationaux et bilatéraux, sur la lutte contre la pauvreté appuient systématiquement le développement de systèmes d'assurance maladie dans les pays qu'ils aident. Si demain le FMI et la Banque mondiale s'engageaient ainsi, ce serait un signal d'une très grande force et d'une grande efficacité.
Troisième priorité : décidons que nous accompagnerons les pays qui s'engagent à construire des systèmes d'assurance maladie en leur apportant un complément financier nécessaire à leur viabilité. Nous pourrions réfléchir au financement d'un tel système par des financements innovants.
Mesdames, Messieurs,
Votre présence témoigne de votre volonté de ne plus laisser des centaines de millions de femmes, d'hommes et d'enfants se débattre seuls pour assurer les conditions de leur survie.
Elle traduit votre engagement au service de la dignité de l'homme.
Faire progresser la couverture du risque maladie, c'est une contribution décisive à cette dimension sociale de la mondialisation, socle d'un développement plus juste, plus durable, plus respectueux des générations futures. C'est un pas déterminant pour assurer l'accès de tous à la santé, droit fondamental de l'homme. C'est une condition de l'éradication de la pauvreté, qui est lui-même un facteur de paix et de croissance équilibrée. C'est l'expression de notre foi et de notre engagement communs au service de l'homme, de sa dignité et du respect de ses droits fondamentaux.
Je vous remercie.
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