Message du président de la République au 24e congrès de l'Institut international des Sciences Administratives

MESSAGE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

A l'OCCASION DU 24ème CONGRES

DE L'INSTITUT INTERNATIONAL

DES SCIENCES ADMINISTRATIVES

Paris - Lundi 7 septembre 1998

Je me réjouis que la France accueille cette année le 24ème Congrès International des Sciences Administratives.

Notre pays s'honore d'une très ancienne tradition d'Administration, qui justifie la tenue à Paris de votre assemblée.

Des rencontres comme celle-ci, par la mise en commun d'expériences qu'elles permettent, sont aussi enrichissantes pour les praticiens et les universitaires que fructueuses pour les responsables politiques.

Par-delà les différences que l'histoire, la culture ou le développement a imprimé au mode de gestion administrative de chaque pays, des défis identiques s'imposent à eux pour adapter l'administration aux exigences démocratiques des sociétés modernes, plus transparentes, plus contractuelles et plus participatives.

Le sujet retenu pour ce Congrès, "Le citoyen et l'Administration", conduit au coeur des préoccupations de nos Etats.

Qu'il me soit permis de féliciter de ce choix les organisateurs, l'Institut International des Sciences Administratives et sa section nationale, l'Institut Français des Sciences Administratives.

L'homme doit être la première et la constante préoccupation d'un système administratif. En s'intéressant au "citoyen", terme évocateur d'engagement, plutôt qu'à l'"administré", vocable qui renvoie plutôt à la passivité, votre thème de réflexion exprime clairement le partenariat qui doit, dans les démocraties modernes, inspirer l'évolution des relations entre l'Administration et les individus.

Le débat qu'ouvre ce thème se situe à un double niveau : celui du rapport quotidien entre le service public et ses usagers ; mais aussi celui des missions qui doivent être celle de l'Administration au sens large, donc de l'état, et dont ses dirigeants sont comptables devant les citoyens. A l'heure de la mondialisation, c'est une problématique à laquelle sont confrontés tous nos Etats.

A mesure que se développe notre société, que le niveau d'éducation progresse, les attentes du public vis à vis de l'Administration "au quotidien" sont celles d'un traitement plus attentif, moins anonyme, plus personnalisé.

Sans doute inspiré par les pratiques du secteur privé, le citoyen d'aujourd'hui est aussi plus exigeant en termes de qualité de service, d'efficacité et de rapidité. Enfin, le citoyen attend de son interlocuteur public qu'il soit moralement irréprochable, par sa probité bien sûr, mais aussi par le respect d'autrui et l'équité dont il témoignera dans le traitement des affaires qui lui sont confiées.

Par l'évolution de leur comportement, par un effort permanent d'écoute, de réactivité et d'excellence, les fonctionnaires doivent constamment répondre à ces attentes. Cette exigence ne va pas sans servitude ; la fonction publique n'est pas un métier comme les autres : elle demande un professionnalisme, un engagement et un dévouement au service du public et de la collectivité qui constituent la marque d'une véritable vocation. Le statut dont elle bénéficie est fait de droits et de devoirs. Il n'a de sens que s'il concourt à la bonne exécution des missions de l'Etat, dans une adaptation constante aux besoins des citoyens. Il n'a pas été institué pour l'avantage particulier des agents publics, mais dans l'intérêt général.

Dans notre pays, beaucoup a été fait pour améliorer le fonctionnement de l'administration, tant sur le plan des procédures que de l'accueil au guichet.

Les technologies de l'information nous fournissent désormais de nouveaux outils pour accroître la transparence de l'action administrative et simplifier les démarches des usagers.

Sur son territoire, un Etat moderne saura utiliser les nouveaux réseaux de communication pour renforcer la proximité entre l'administration et les administrés en établissant un contact, sinon direct, du moins électronique, entre eux.

Mais l'amélioration du fonctionnement de l'administration suppose avant tout qu'un esprit de service, au sens premier du terme, irrigue en permanence l'ensemble de notre fonction publique.

Si l'on considère de façon plus globale le rapport de l'Administration avec les citoyens, une réflexion d'une autre nature doit être engagée. Celle qui porte sur la définition même des compétences de l'état et sur ses modalités d'intervention.

Longtemps providence incontestée, l'état est aujourd'hui, dans beaucoup de nos pays, la cible de nombreuses critiques. Les maux dont il souffre sont bien connus : excessive centralisation, omniprésence, lourdeur, comportements archaïques...

Intervenant sur tous sujets, avec une pertinence très inégale, l'état manque d'autorité dans nombre des fonctions essentielles, par exemple de sécurité ou de régulation, qu'il a pourtant pleine vocation à assurer.

C'est aussi la charge des dépenses publiques qui est à juste titre dénoncée. Le poids des dépenses publiques reste souvent beaucoup trop lourd par rapport au P.I.B. : il est en France de 54 % contre 38 % en moyenne dans les sept pays les plus industrialisés du monde. L'emploi public représente chez nous le quart de l'emploi total, contre seulement 15 % en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis.

Nous avons entrepris il y a plusieurs années de remédier à cette situation et de refonder la légitimité de l'intervention étatique, celle de l'Administration vis à vis du citoyen. Nos pays doivent se redonner des marges de manoeuvre et des capacités d'initiative pour être mieux armés face à la mondialisation de l'économie. La réforme de l'état est une des clés de la modernisation et l'un des leviers de la compétitivité internationale.

De quel État un pays a-t-il besoin pour aborder, dans les meilleures conditions possibles le siècle prochain ?

Conservant une forte légitimité comme régulateur de la société et comme garant des différentes sécurités auxquelles aspirent les citoyens, l'état n'est plus et sera de moins en moins un opérateur public : il doit à l'évidence se retirer de la production des biens et services dans les secteurs concurrentiels.

Plus encore, il devra déléguer jusqu'à la gestion de nombre de services publics, se réservant pour ce qui doit rester le coeur de sa vocation : prévoir, évaluer, inciter, coordonner et garantir, sans pour autant se charger lui-même de toutes les tâches.

Cela suppose que, rompant avec les conservatismes de toutes sortes, l'état et les structures publiques s'allègent, deviennent plus mobiles, rapprochent la prise de décision de ceux qu'elles concernent.

C'est du reste ainsi qu'évolue actuellement la puissance publique dans tous les grands pays développés.

Rien d'étonnant à cela. Nous partageons un certain nombre de défis à relever, comme le développement des nouveaux systèmes d'information et de télécommunication, l'ouverture à la concurrence de grands monopoles publics ou la mise en oeuvre de la monnaie unique européenne.

Sous-estimer ces grandes mutations, ou les prendre en compte tardivement, c'est courir le risque de l'enlisement.

Il est grand temps d'inventer des solutions nouvelles, d'innover dans les méthodes de gestion publique, de moderniser administration et institutions.

Mais j'ai confiance. Aiguillonnée par les attentes exprimées par les citoyens de nos différents pays, nourrie du fruit de travaux tels que ceux que vous conduisez au sein de l'Institut International des Sciences Administratives, la prise de conscience progresse et le bon sens l'emportera.

Aussi, en vous redisant mon intérêt très présent pour le thème ambitieux que vous avez choisi de traiter, je forme des voeux chaleureux pour le plein succès de votre Congrès.

Jacques CHIRAC




.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2005-02-09 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité