Message de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, paru dans "La revue de l'OTAN" (édition commémorative du 50e anniversaire)

Message de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, paru dans "La revue de l'OTAN" (édition commémorative du 50e anniversaire)

Née de la volonté des alliés de défendre leurs valeurs communes, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, face à la menace soviétique, l'Alliance atlantique a pleinement rempli sa mission. Elle a permis d'éviter que n'éclate un conflit majeur entre deux blocs antagonistes. Elle a incarné et consolidé le lien de solidarité indéfectible qui existe entre les deux rives de l'Atlantique.

Membre fondateur de l'Alliance, la France ne s'est jamais dérobée à ses engagements. Fidèle aux enseignements du général de Gaulle, elle s'est toujours placée dans une perspective résolument dynamique, dans sa conviction que notre Alliance, pour survivre, doit s'adapter, aujourd'hui plus que jamais.

La chute du mur de Berlin a conduit l'Alliance à évoluer, même si sa mission essentielle, qui est le fondement du Traité de Washington, demeure inchangée. Mais l'Alliance doit aujourd'hui tenir compte de la profonde modification stratégique du continent européen. Parmi ces tendances, deux sont essentielles : d'une part, l'affermissement de l'Union européenne, qui permettra aux Européens d'assumer un rôle grandissant, tout en renforçant l'Alliance dans son ensemble ; d'autre part, la mise en place d'une identité européenne de défense dans le cadre de l'Alliance. C'est là l'une des conditions de la revitalisation du lien transatlantique, qui doit reposer sur un dialogue équilibré entre les Etats-Unis et l'Union européenne.

L'Alliance doit développer des relations de coopération étroite avec les autres organisations européennes de sécurité (OSCE, l'UEO et le Conseil de l'Europe), sous l'autorité du Conseil de sécurité. Il s'agit de parvenir à une véritable charte de la sécurité européenne où nos institutions poursuivront ensemble le même objectif : la paix et la stabilité sur notre continent.

L'Alliance exerce aujourd'hui un pouvoir d'attraction sur de nombreux pays, qu'il serait injuste, et d'ailleurs peu clairvoyant, de décevoir. Nous ne devons pas créer de nouvelles fractures en Europe. L'élargissement de l'Alliance, qui fait partie de son histoire, doit se poursuivre dans le cadre d'un processus global et progressif ouvert à tous les candidats européens capables et désireux d'assumer les obligations du Traité de Washington.

Dans le même esprit, nous devons surmonter les méfiances héritées du passé. Il nous faut ainsi donner toute sa signification à l'Acte fondateur que nous avons signé, le 27 mai 1997, avec la Russie, afin de développer avec ce grand pays une coopération entre égaux.

L'avenir de l'Alliance repose sur la force du lien transatlantique, dont la pérennité est assurée par un partage équitable des risques et des responsabilités. Pour sa part, la France s'engage à assumer toutes ses responsabilités, que ce soit en Bosnie-Herzégovine, où, aux côtés de beaucoup d'autres Alliés, elle a payé un lourd tribut humain, ou dans la crise du Kosovo. A ce partage des risques, effectif puisque la grande majorité des soldats de l'OTAN présents en ex-Yougoslavie sont fournis par les Alliés européens, doit correspondre celui des responsabilités.

Au moment où l'Alliance atlantique célèbre son cinquantième anniversaire, il faut que les Alliés, ensemble, lui donnent un nouvel élan pour aborder avec dynamisme et confiance le nouveau millénaire.

Le traité de l'Atlantique Nord constitue plus qu'une simple alliance militaire. Ce n'est pas par hasard que son préambule se réfère à une conception de l'organisation des Etats et de la vie internationale fondée sur la démocratie, les libertés individuelles, le règne du droit et la fidélité aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.

Nos peuples nous ont confié la tâche de défense et de faire vivre ces principes, qui sont l'essence même de la communauté de nations libres qui constitue notre Alliance.