Lettre adressée par M. Jacques CHIRAC Président de la République à M. Romano PRODI Président du Conseil italien et Président de la Commission européenne au sujet du Monténégro

Le President de la republique

Tampere, le 15 octobre 1999

Monsieur le Président,

Cher Romano,

Je vous écris pour vous faire part de ma vive préoccupation devant la gravité de la situation au Monténégro. Le Président Djukanovic a appelé une nouvelle fois mon attention sur l’impasse dans laquelle se trouve cette République.

Il a souligné le blocage politique qui résulte de l’absence de réponse de Belgrade aux propositions contenues dans la plate-forme présentée le 5 août sur les fondements de relations nouvelles entre le Monténégro et la Serbie, de l’impossibilité d ‘établir un dialogue avec le Président de la RFY et des tentatives de déstabilisation orchestrée par le Premier Ministre fédéral dans le nord du Monténégro.

Le Président Djukanovic a également relevé la grave situation économique dans laquelle se trouve le Monténégro, en raison du blocus imposé par Belgrade sur les produits de base, du boycott par la RFY du port de Bar, de l’inflation provoquée par l’utilisation de la planche à billets par les autorités fédérales, enfin de l’absence d’accès aux financements multilatéraux. Tout ceci a aggravé la dépendance quasi totale de la République monténégrine à l’égard des trafics illicites.

Le Président de la Mission interministérielle française sur les Balkans, M. Roger Fauroux, qui a effectué fin septembre une visite à Podgorica, m’a confirmé la gravité de la crise et l’urgence qu’il y avait à intensifier notre appui politique, économique et financier.

Sur le plan politique, l’Union Européenne et ses Etats membres ont apporté leur soutien déterminé au Président Djukanovic tout en évitant d’encourager les partisans de l’indépendance du Monténégro.

Il faut aider le Monténégro à s’engager sur la voie du développement et des réformes économiques sans attendre que se produisent des évolutions politiques positives en Serbie. Pour cela, nous devons l’aider à assainir son économie et à la libérer de l’emprise de la criminalité organisée.

L’Union Européenne a déjà apporté en 1999 une aide budgétaire et alimentaire substantielle au Monténégro. Cette aide devrait désormais monter en puissance et faire l’objet d’une programmation cohérente, notamment dans le cadre du règlement OBNOVA. Je souhaite également que les modalités d’une extension au Monténégro du champ d’intervention de l’Agence Européenne de Reconstruction soient étudiées dans les meilleurs délais. En définitive, quelle que soit la méthode choisie, notre objectif devrait de répondre au souhait légitime du Monténégro de ne pas être moins bien traité que les pays de la région auxquels l’Union Européenne apporte son aide.

Nos venons de procéder à une révision de notre régime de sanctions, notamment par la mise en place d’exemptions aux embargos aérien et pétrolier en faveur du Monténégro. Il faut étudier les moyens d’établir de nouvelles discriminations en faveur du Monténégro sans remettre en question l’appartenance de cette République à la RFY. Or, la façon dont est appliqué le règlement du 15 juin 1999 portant gel des avoirs yougoslaves se traduit par un gel de toutes les transactions financières entre l’Union Européenne et la RFY et, donc, par un embargo commercial de facto à l’égard du Monténégro. La France souhaiterait que soient apportées au dispositif des sanctions financières, les modifications de nature à ne pas entraver le commerce des marchandises non prohibées et à autoriser les transferts de fonds entre le Monténégro et l’Union Européenne, sans naturellement modifier le gel des avoirs financiers du régime serbe.

Au-delà de ces mesures ponctuelles, il convient d’étudier, dans le cadre du Pacte de stabilité, toute l’aide spécifique que l’on peut apporter au Monténégro pour éviter sa déstabilisation.

J’adresse copie de cette lettre au Président de la Commission Européenne ainsi qu’aux autres chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Européenne.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.

Bien amicalement,

Jacques CHIRAC

Monsieur Romano PRODI

Président de la Commission européenne




.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2004-07-27 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité