LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Paris, le 13 décembre 2000
Monsieur le Président, Cher Léonid, Cher Ami,
Je vous remercie de votre invitation à participer avec vous aux cérémonies qui marquent la fermeture définitive de la centrale de Tchernobyl. À mon grand regret pourtant, je ne pourrai être des vôtres en ce jour historique où Ukrainiens et amis de l'Ukraine tourneront ensemble une page terrible. Voici quatorze ans, le 26 avril 1986, la dramatique explosion de Tchernobyl allait marquer à jamais les consciences. Je pense aux victimes du nuage radioactif qui s'abattit aux premières heures du drame, Ukrainiens, Russes et Biélorusses morts dans d'atroces souffrances. Je pense aux techniciens intervenus au péril de leur vie pour maîtriser l'accident et sécuriser je site. Je pense aux milliers de femmes et d'hommes qui luttent encore contre la maladie et contre la mort, aux enfants nés handicapés. Je pense à tous ceux que la tragédie a touchés et endeuillés. Au nom de la France, au nom de l'Union européenne, je leur adresse par votre intermédiaire un message de sympathie, de solidarité. C'est à eux d'abord que nous devons de tout mettre en oeuvre pour prévenir à jamais la répétition de semblables tragédies. Non, nous n'avons pas fini de mesurer toute l'ampleur du désastre, inscrit dans ces vie ravagées, ces terres contaminées pour des années encore. Nous n'avons pas fini d'identifier toutes les conséquences du processus d'irradiation, dont les effets sournois se manifestent dans le long terme. Pour la communauté internationale, ce fut un coup de semonce. Une prise de conscience. Pour la première fois, ignorant les frontières des États, l'ombre portée d'un accident technologique majeur s'étendait à un vaste territoire et touchait bien des peuples. En cette année 1986, se faisait brutalement jour la nécessité d'une véritable solidarité internationale, pour la sûreté de installations nucléaires. Au nom de cette indispensable solidarité, l'Union européenne s'est mobilisée, en 1994, lors du Sommet de Corfou, ainsi que le G7, un an plus tard à Ottawa. Pour couvrir le réacteur n°4 d'un sarcophage hermétique : le Sommet d'Okinawa l'a confirmé cet été. Pour aider l'Ukraine, entrée dans une intense transition économique, à satisfaire ses besoins en énergie malgré l'arrêt programmé de la centrale en l'an 2000. Nous avions comme ligne d'horizon la fermeture définitive du site de Tchernobyl. Ce sera chose faite ce 15 décembre. Je tiens à vous exprimer ma gratitude pour une décision courageuse qui honore l'Ukraine et à vous porter l'assurance que les amis de votre pays l'aideront à réussir ses réformes. La décision de la BERD, qui vient de donner son accord au projet d'achèvement de deux nouvelles centrales, conformes aux normes internationales, en témoigne. Au-delà, comment restaurer la confiance de nos concitoyens dans l'énergie nucléaire, profondément et durablement affectée par le drame de Tchernobyl ? J'ai la conviction que l'énergie nucléaire fait partie des réponses possibles aux défis énergétiques de demain et à la lutte contre le réchauffement climatique. À condition toutefois que nous progressions résolument dans la sûreté des installations, dans l'élimination des déchets, dans la maîtrise du risque de prolifération. Tel est aussi l'enjeu de notre mobilisation au service de l'Ukraine. Monsieur le Président, cher Leonid, à l'aube d'un nouveau siècle, la France demeure à vos côtés. Elle continuera, dans l'avenir, à vous apporter tout le soutien de son expertise. Elle continuera à militer auprès de ses partenaires, au sein de l'Union européenne et du G7, pour qu'ils appuient vos efforts. Ce 15 décembre, je serai à Kiev par l'esprit et par le coeur, en cette journée symbolique pour l'Ukraine et pour l'Europe.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, cher Leonid, l'expression de ma sincère amitié et de ma très haute considération.
Bien amicalement,
Jacques CHIRAC
Son Excellence Monsieur Leonid KOUTCHMA Président de la République d'Ukraine
(mentions manuscrites) |