MESSAGE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
AUX PARTICIPANTS DU CONGRES MONDIAL DE LA NET-ECONOMIE - NET 2001
MERCREDI 28 MARS 2001
C'est avec grand plaisir que j'adresse aujourd'hui un message aux participants du congrès mondial de la net économie, qui doit au dynamisme et à la persévérance de Pierre Faure de rassembler ici, à la Cité des Sciences et de l'Industrie, pour la deuxième année consécutive, des personnalités venues du monde entier pour réfléchir, analyser, anticiper les transformations que la diffusion des technologies de l'information produit sur l'économie mondiale.
L'an 2000 a vu doubler le nombre des utilisateurs de l'internet en France. La barre symbolique des 10 millions d'internautes est aujourd'hui à notre portée. Ce sont là des évolutions prometteuses. Les Français se mettent à l'heure de l'internet avec curiosité, vitalité et créativité.
Je souhaite que ce mouvement se poursuivre et s'amplifie, que l'usage de l'internet dans la société française continue de s'étendre et de se démocratiser.
Le dynamisme culturel, la prospérité, les équilibres géographiques et sociaux de notre pays en dépendent.
Même si "l'euphorie internet" est un peu retombée, nous vivons une époque profondément marquée par l'innovation technologique, dans le traitement de l'information comme d'ailleurs dans les sciences du vivant. Les progrès seront source de croissance, d'emploi, de bien-être, pourvu que nous sachions les acclimater, les maîtriser, encourager ceux qui cherchent et ceux qui créent.
Les pays qui ont le plus massivement investi dans la recherche et dans la modernisation de leur économie en ont retiré une vague de prospérité sans précédent, qui a permis la création de millions d'emplois et aussi une forte élévation de leur niveau de vie. La France a toutes les cartes en main pour les rejoindre.
Elle doit continuer à se moderniser, à s'approprier les technologies de l'information, à créer des entreprises, à construire de nouvelles infrastructures, à mobiliser ses chercheurs. Il s'agit d'un mouvement de longue haleine. Ni les reflux boursiers, ni les "trous d'air" économiques, ne doivent nous détourner de cette ambition.
Dans les années à venir quatre champs d'action prioritaires s'ouvrent à nous : étendre l'accès aux technologies de l'information, développer la formation, encourager la création de contenus, mettre en place une régulation adaptée.
Etendre l'accès, c'est la responsabilité première de l'Etat, c'est une exigence du service public. Il s'agit de développer les infrastructures de télécommunications à haut débit sur l'ensemble du territoire national, de diffuser largement l'usage de l'ordinateur notamment auprès des familles défavorisées, de faire baisser les coûts des télécommunications en développant les effets vertueux d'une concurrence régulée.
Dans une économie de la connaissance, renforcer l'effort d'éducation et de formation est également crucial. Il est nécessaire, comme le prévoit le programme de l’Union Européenne « e-Europe », de renforcer l'enseignement des nouvelles technologies à l'école. Nos systèmes de formation tout au long de la vie doivent également adapter leurs méthodes pédagogiques et leur enseignement.
Mais plus fondamentalement, c'est la lutte contre l'illettrisme que nous devons mettre au premier rang. Car à l'heure de l'internet, l'illettrisme devient un véritable handicap social.
Dans cet effort d'éducation, l'université occupe une place à part. Elle doit devenir le creuset où se mêleront étudiants, chercheurs et entrepreneurs, dans une synergie féconde. Elle doit devenir la pépinière où écloront les projets innovants et se formeront les équipes chargées de les porter.
Plus que jamais à l'heure de la nouvelle économie, il n'y aura de richesses que d'hommes. A l'échelle mondiale, la demande de travailleurs qualifiés est appelée à prendre une grande ampleur. Déjà des pénuries de main-d'oeuvre se font ressentir dans les pays industrialisés. La tentation d'aller chercher à l'étranger la ressource qui nous manque grandit. Mais nous devons par priorité faire l’effort de requalifier ceux de nos compatriotes qui n'ont pas encore retrouvé le chemin de l'emploi et, plus largement, offrir des formations professionnelles adaptées à tous les Français qui souhaitent améliorer leur qualification.
La mondialisation impose une compétition féroce des territoires. L'effort d'éducation et de formation doit être au centre des préoccupations de tous les Etats.
Nous devons aussi être attentifs à ne pas encourager la fuite des cerveaux, l’hémorragie des talents, dans les pays en développement, au risque de les maintenir à l’écart de l’économie mondiale, alors que nous savons pertinemment que les jeunes diplômés sont pour eux une ressource plus précieuse encore que pour nous.
La France devrait par ailleurs être davantage présente sur l'internet. Encourager la création de sites francophones, c'est permettre à nos compatriotes de s'approprier ce nouvel outil, c'est accentuer la diversité culturelle du réseau, c'est refuser l'uniformisation. Car s'il faut, sous peine de régresser, embrasser résolument la modernité, être ouverts à l'innovation et profiter du puissant mouvement de la mondialisation, nous ne devons pas pour autant renoncer à ce qui fait la spécificité, la richesse et la cohésion des sociétés : la langue, la culture, les traditions, les valeurs.
Enfin, la société de l'information ne pourra se construire sans règles. La France doit contribuer, particulièrement au plan international, à l'élaboration d'une régulation adaptée de l'internet, pour améliorer la sécurité et la confiance sur le réseau, tout en veillant à renforcer la protection indispensable des libertés publiques et de la vie privée.
Accès, formation, contenu, régulation. Après un démarrage vigoureux, nous devons poursuivre nos efforts. Ralentir aujourd'hui, dans la dynamique que connaissent les Nations, ce serait évidemment reculer.
Mesdames, Messieurs,
Les travaux de votre Congrès se situent au coeur même des grandes questions de ce nouveau siècle. Les résultats de vos débats seront utiles à la conduite du changement dans notre pays.
Je vous adresse tous mes encouragements pour vos réflexions à venir. Je vous remercie.
Jacques CHIRAC |