MESSAGE
DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
À L'OCCASION DU COLLOQUE "LES FRANÇAIS ET LEURS ARCHIVES" LU PAR RENÉ RÉMOND, HISTORIEN
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CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL - PARIS
LUNDI 5 NOVEMBRE 2001
Lorsque les éminents responsables de l'association "Une Cité pour les archives nationales" m'ont demandé d'accorder mon haut patronage à cette journée consacrée aux "Français et leurs archives", je l'ai fait sans la moindre hésitation.
Qu'une telle manifestation se tienne au Conseil économique et social, qu'elle regroupe des femmes et des hommes venus de tous horizons et pleinement engagés dans la vie de notre pays, prouve, si besoin en était, que la question des archives transcende tous les clivages, rassemble tous les talents, fédère toutes les énergies.
Je n'en suis pas surpris car je sais combien les Françaises et les Français se passionnent pour l'histoire de leur pays.
C'est pourquoi, tout en regrettant de ne pouvoir être parmi vous aujourd'hui, je veux remercier celles et ceux qui ont pris l'initiative de ce colloque et féliciter les nombreuses personnalités présentes pour leur engagement au service des archives nationales. * Composées de ces milliers d'empreintes que nous laissons chaque jour de notre activité, les archives constituent un élément intrinsèque de notre identité. Elles montrent comment la Nation française s'est formée peu à peu, les relations qu'elle a nouées avec les autres peuples et les communautés dont elle s'est progressivement enrichie. Elles révèlent l'évolution des mentalités, la conquête des libertés publiques et les progrès de la démocratie. Elles témoignent de la longue route de l'idéal républicain.
Pour tous les Français, pour tous ceux qui, à travers le monde, s'identifient aux idéaux dont la France est synonyme, les archives constituent un trésor irremplaçable. Elles sont l'expression de l'histoire et de la mémoire d'une grande Nation.
Sans archives, tout un pan de connaissance de notre évolution sociale et politique serait voué à l'amnésie. Sans archives, tout un pan de nos racines serait perdu. Sans archives, c'est-à-dire sans une connaissance assumée de notre passé, dans ses pages les plus douloureuses comme dans les plus glorieuses, nous ne pourrions regarder avec la même confiance l'avenir qu'il nous appartient de construire.
Mais, au-delà de cette importance historique, culturelle et politique, les archives sont pour chaque Français un élément patrimonial de premier rang. Elles sont leur bien commun. Elles sont leur propriété. Car, loin d'être de simples feuilles mortes, elles sont le témoignage que les femmes et les hommes ont laissé de leur vie et de leur temps. Elles sont le passé toujours vivant qui fait ce que nous sommes. Le seul matériau qui définisse l'archive c'est l'homme.
À travers les minutes de notaire, les actes d'état civil ou encore les dossiers de naturalisation, les Français viennent chaque jour un peu plus retrouver leur généalogie, leurs origines, leur histoire. Les archives contribuent ainsi de façon décisive à la formation de notre identité nationale. Elles participent de manière évidente à l'émergence d'une société plus transparente et au renforcement du contrôle démocratique. Elles sont un instrument précieux de l'état de droit.
Le principe du libre accès de tous les citoyens aux fonds nationaux, sur lequel repose l'ensemble de notre législation, permet d'associer tous les Français au fonctionnement de leur État en faisant véritablement de la République leur bien commun. * Pour toutes ces raisons, la collecte, la conservation et la valorisation des archives constituent une obligation absolue de l'État.
Il lui appartient à ce titre, devant les évolutions majeures auxquelles elles sont confrontées depuis vingt ans, de donner les impulsions nécessaires à une relance de la politique des archives dans notre pays. Beaucoup a pu être fait par le passé, notamment dans un fructueux partenariat entre l'État et les collectivités territoriales qu'il faut poursuivre et enrichir.
Mais l'État se doit d'assumer pleinement les responsabilités qui lui reviennent.
À cet égard, face à la saturation des centres de Paris et de Fontainebleau, les archives nationales ont besoin d'un nouveau site. Elles ont besoin de cette " Cité des archives " que vous avez pris l'initiative de parrainer.
Ce grand projet s'impose à la Nation. Il doit dès à présent être lancé.
Tête de réseau des services d'archives, ce nouveau bâtiment, lieu de stockage mais surtout de recherche et de consultation, devra incarner la vitalité retrouvée des archives françaises, leur capacité à attirer de nouveaux publics, à contribuer à la modernisation de l'administration et à valoriser pour le plus grand nombre la mémoire de la France. S'inscrivant dans le cadre plus général d'un renouveau de notre politique des archives, notamment avec la modernisation souhaitable du cadre législatif qui s'y applique, ce projet donnera ce nouvel élan dont nous ressentons tous la nécessité.
Les fonds des archives nationales sont d'une richesse difficilement concevable et d'une variété inimaginable allant des actes des rois mérovingiens à la collection des constitutions de toutes nos Républiques ; des diplômes de Charlemagne à la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ; de l'ordonnance de Villers-Cotterêts aux derniers textes de loi consacrés à la langue française.
Ce patrimoine, reflet de notre pays, mérite d'être conservé dans des conditions qui assurent à jamais sa pérennité. Dans une démocratie fidèle à ses principes de liberté, d'égalité mais aussi de justice, qui sont sa fierté et sa force, ce trésor national doit rester plus que jamais accessible à tous. C'est le sens et l'ambition de ce projet qui doit nous rassembler.
Je vous remercie.
Jacques CHIRAC |