MESSAGE
DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
A L'OCCASION DU 20e ANNIVERSAIRE
DE LA MORT DE FRANCOIS TRUFFAUT
LU PAR MONSIEUR RENAUD DONNEDIEU DE VABRES
MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION
LUNDI 4 OCTOBRE 2004
Il y a vingt ans, le 21 octobre 1984, à l'âge de 52 ans, disparaissait François TRUFFAUT. Avec lui, la France perdait l'un de ses créateurs les plus singuliers et les plus
féconds, une personnalité profondément attachante et un véritable ambassadeur de notre culture dans le monde.
François TRUFFAUT aimait les enfants, les femmes et, plus encore peut-être, ce cinéma dont il se demandait même s'il n'était pas plus important que la vie. Une passion précoce qui n'avait d'égale que l'admiration qu'il portait à des cinéastes aussi talentueux que Jean RENOIR, Roberto ROSSELLINI, Robert BRESSON, Alfred HITCHCOCK ou Jean COCTEAU.
Avec ses amis d'alors, Jean-Luc GODARD, Jacques RIVETTE, Eric ROHMER ou Claude CHABROL, il sera au cour de cette "Nouvelle Vague" qui, en ouvrant de nouvelles voies de création, révolutionna, à la fin des années 50, les bases du cinéma français. Son premier long métrage, "Les Quatre Cents Coups", qui triomphe à Cannes en 1959 avec le Prix de la mise en scène, lui offre brillamment ses galons de cinéaste.
Dès lors, il se consacre à son art et enchaîne les tournages, réalisant, de 1959 à 1984, année de sa mort, vingt et un long-métrages. Leurs titres, pour n'en citer que quelques-uns, résonnent, aujourd'hui encore, avec la même force dans nos mémoires : "Tirez sur le pianiste", "Jules et Jim", "Baisers volés", "La Sirène du Mississippi", "La Nuit américaine", "L'Homme qui aimait les femmes", "Le Dernier métro", sans oublier le dernier, "Vivement dimanche ! ". Tous sont des films d'auteur. Tous appartiennent à l'univers intime d'un cinéaste soucieux de protéger son indépendance. Tous ont marqué de leur empreinte le cinéma français.
A la fois auteur, réalisateur et producteur, François TRUFFAUT restera sans conteste comme le cinéaste des sentiments personnels, lui qui aura su créer une intimité si
particulière avec le spectateur. Probablement, parce que chacun de ses films est imprégné d'événements vécus, de blessures et de passions. Probablement aussi, parce que chacun de
ses films touche à l'universel, parlant si justement du secret de la naissance, de l'enfance mal aimée ou ignorée, de la passion de la lecture et des films, de la fragilité
des sentiments et, plus encore, de l'amour.
Marquée par la nostalgie du temps qui passe et la jeunesse enfuie, l'oeuvre de François TRUFFAUT est d'abord dominée par l'enfance. A travers la saga d'Antoine DOINEL, son double en quelque sorte, merveilleusement interprété par Jean-Pierre LEAUD, TRUFFAUT nous raconte l'itinéraire de sa jeunesse dans le quartier de Pigalle, l'école buissonnière, les cinémas de quartiers. Plus tard, nous l'accompagnerons sur les chemins de la quête amoureuse jusqu'à cet "Amour en fuite" qui achève la boucle dans une sorte d'aller-retour permanent sur la vie d'un personnage de roman, à la fois instable et attachant. C'est en cela qu'il nous touche. Son cinéma est comme un refuge.
Mais l'oeuvre de TRUFFAUT nous parle également des femmes et de l'amour. Véritable film-culte, "Jules et Jim" en donne une vision ardente et libre. TRUFFAUT, qui n'avait pas 30 ans lorsqu'il le réalisa, y décline l'un des thèmes majeurs de son oeuvre : la passion et la quête d'une impossible harmonie en amour. oeuvre magistrale, inimaginable sans l'interprétation bouleversante de Jeanne MOREAU. Pour François TRUFFAUT, l'amour, malgré tous ses risques d'échec, est la seule aventure possible. Sans lui, il n'est pas de vie possible. Pour cela aussi il touche le cour de chaque spectateur.
Maîtrisant à merveille son art qu'il décrira si bien dans "La Nuit américaine", il aura dirigé les plus grandes actrices et les plus grands acteurs du cinéma français, leur
confiant des rôles souvent inoubliables. Aimé et respecté dans le monde entier, François TRUFFAUT demeure, vingt ans après sa mort, une référence essentielle de notre cinéma.
Les plus grands cinéastes contemporains, qu'ils s'appellent Woody ALLEN, Steven SPIELBERG, Milos FORMAN ou Wim WENDERS, lui ont toujours témoigné respect et admiration. C'est la
marque des plus grands.
Assurément, François TRUFFAUT était un maître et lui rendre hommage aujourd'hui, c'est reconnaître l'importance d'une oeuvre unique dont le rayonnement dépasse nos frontières.
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