Paris, le vendredi 21 octobre 2005.
Tout en regrettant du fond du cœur de ne pouvoir être avec vous ce soir, je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte de saluer, au nom de la République, presque cent ans
jour pour jour après sa création, le centenaire de la Fédération protestante de France.
A travers ce message que je confie au Premier ministre, je veux rendre aujourd'hui l'hommage de la nation aux Protestants de France et à leur éminente contribution
à l'histoire et à l'unité de notre pays.
Qu'il me soit permis d'emblée de remercier le pasteur Jean-Arnold de Clermont et de le féliciter de l'action inlassable qu'il mène, avec conviction et détermination, au service du
dialogue, de la tolérance et du respect de l'autre. Il s'inscrit pleinement dans la prestigieuse lignée des présidents qui ont dirigé la Fédération.
Alors que nous commémorons cette année le centenaire de la Loi de 1905, faut-il rappeler ici, devant vous, le lien si profond qui unit la loi de séparation des Eglises et de l'Etat
et la naissance de la Fédération protestante de France ?
Chacun sait que la Fédération a été précisément constituée pour permettre aux Eglises de la Réforme de vivre, de façon harmonieuse, cette nouvelle relation avec les pouvoirs publics à laquelle tant de Protestants d'alors ont activement contribué.
Comment ne pas se souvenir, à l'occasion de cet anniversaire, du député Eugène Reveillaud, de Ferdinand Buisson, de Raoul Allier, de Louis Mejan ou encore de Francis de Pressense ? À toutes les étapes de l'élaboration de cette grande loi de la République, nous trouvons des protestants éminents, certains de sensibilité évangélique, d'autres de tendance théologique libérale. Tous sont animés par la même soif de tolérance et de liberté. Tous auront oeuvré à la naissance d'un texte qui, par delà les vicissitudes initiales, aura permis à la France de vivre, jusqu'à cette aube du XXIème siècle, dans un climat de liberté, de concorde et de tolérance religieuse.
J'observe d'ailleurs que la Fédération protestante de France, avec sa sagesse coutumière, ne demande pas une modification en profondeur de cette loi. Pour autant, j'ai parfaitement
compris, à chacun de mes échanges avec ses représentants, les problèmes et les difficultés qu'elle rencontre. Ces questions, j'en ai la conviction, doivent pouvoir trouver
réponse sans remettre en cause un texte qui a si profondément contribué à la paix civile dans notre pays.
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L'article 1 de la loi de 1905 affirme que la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice du culte.
Ces deux libertés sont au coeur même de notre laïcité, une laïcité qui permet à chacun, croyant ou non croyant, de vivre ses convictions en toute sérénité, en toute sécurité. Je veux, ici, donner l'assurance aux Protestants de France, dans leurs diverses composantes, qu'ils peuvent vivre et pratiquer leur foi paisiblement, à l'abri et dans le respect des lois de la République.
Les Eglises luthériennes et réformées sont présentes depuis plusieurs siècles dans notre pays. A leurs cotés existaient, dès la création de la Fédération, des Eglises
évangéliques. Ces Eglises et d'autres se sont développées ces dernières décennies. Toutes les tendances du protestantisme français, toutes les familles spirituelles présentes
sur le sol de France, possèdent les mêmes droits et les mêmes devoirs. La liberté de religion et de conviction ne se divise pas. J'y veille et j'y veillerai.
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Depuis le XVIème siècle et Jean Calvin, le protestantisme a profondément marqué l'histoire de France.
Il s'est spécialement illustré dans les combats pour la liberté et les droits de l'homme qui jalonnent, parfois en lettres de sang, cette histoire. Ayant eu à conquérir chèrement sa propre liberté, le protestantisme s'est toujours montré soucieux de celle d'autrui.
Qui ne se souvient de la part éminente, voire bouleversante, que le Chambon sur Lignon a pris dans la défense des juifs persécutés lors de la seconde guerre mondiale ? Je garde au fond de moi le souvenir ému de ma visite sur ce haut plateau, terre admirable où s'est exprimé le meilleur de l'homme.
L'oeuvre d'un Paul Ricoeur, qui vient de nous quitter, est emblématique de ce combat intellectuel pour une véritable liberté de penser qui est l'honneur du protestantisme.
Ces dernières décennies, celui-ci s'est montré également très présent dans la promotion des droits de la femme, dans la réflexion bioéthique et le développement des soins
palliatifs. Par l'oecuménisme et le dialogue interreligieux, il contribue activement à la paix civile et au débat démocratique.
De même, les Missions Protestantes françaises ont apporté une belle pierre au rayonnement de notre pays. Par les liens de qualité qu'il conserve avec les Eglises issues de ces
champs de mission et qu'il développe avec de nombreuses autres Eglises des cinq continents, le protestantisme français favorise l'émergence d'un nouvel universalisme qui s'enrichit
du dialogue entre cultures, spiritualités et civilisations.
En ces instants de commémoration et de souvenir, la Fédération protestante de France m'apparaît donc comme une centenaire fort alerte et pleine de vie. Je me réjouis de constater qu'elle constitue une composante dynamique des familles de pensée de notre France laïque et républicaine.
Aussi est-ce avec grand plaisir que je lui souhaite, et à travers elle à tous les protestants de France, un bel et heureux anniversaire.