LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Paris, le mardi 6 février 2007.
Madame la Haute commissaire aux Droits de l'Homme
Madame la représentante du Secrétaire Général des Nations Unies
Monsieur le procureur,
Mesdames et messieurs les mMinistres,
Madame la Sénatrice,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,
Chers amis,
Il y a vingt-six ans, presque jour pour jour, s'ouvrait ici, à Paris, un colloque sur le " refus de l'oubli ". Julio Cortazar lançait un cri d'alarme, pour dénoncer les disparitions massives pratiquées par des dictatures, en Amérique latine et ailleurs. Il appelait les Nations à se porter au secours du " peuple de l'ombre ".
Ce fut l'acte fondateur d'une espérance portée par les familles et les proches de milliers de victimes de disparitions forcées. Il trouve aujourd'hui son aboutissement grâce à une exceptionnelle mobilisation internationale. Initiatrice de ce projet de convention, la France a été toujours aux avant-postes de cette mobilisation, avec détermination et constance.
Je me souviens d'avoir reçu, à la mairie de Paris, les participants à ce colloque, et je tiens à leur rendre à nouveau hommage : mères et grand-mères de la Place de Mai, parents et enfants de disparus, associations des familles, représentants des gouvernements, responsables des organisations internationales et non gouvernementales. Leur engagement et leur vigilance ont rendu possible cette importante avancée du droit international.
C'est pourquoi la France se réjouit particulièrement d'accueillir la cérémonie d'ouverture à la signature de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre
les disparitions forcées. Cette Convention exprime la volonté des États d'en finir avec une pratique odieuse, fondée sur la terreur, le mensonge et l'oubli. Elle marque une étape
historique dans le combat pour la dignité de l'homme et la sauvegarde de son intégrité physique et morale. Adoptée à l'unanimité par le Conseil des Droits de l'Homme et par
l'Assemblée Générale des Nations Unies, elle renforce aussi le rôle capital des Nations Unies comme instance de protection des droits de l'Homme.
Désormais criminalisée et, dans certaines circonstances, caractérisée comme crime contre l'humanité, la disparition forcée sera passible des peines les plus lourdes prévues par
la loi. Aucune dérogation, aucune exception, même en temps de guerre, ne pourront exonérer ses auteurs de leur responsabilité.
Mais il s'agit surtout de mettre un terme définitif à toutes les pratiques qui conduisent à une disparition forcée. La prévention joue à cet égard un rôle capital. La Convention prévoit à juste titre l'interdiction de lieux de détention secrets, comme le demandait le Comité International de la Croix Rouge.
La réhabilitation des disparus lorsque leur mémoire a été souillée et leur dignité bafouée, et la réparation, non seulement matérielle mais aussi morale, due à leurs familles et à leurs proches est également essentielle. La Convention inscrit ainsi, pour la première fois, la reconnaissance du droit de savoir la vérité comme norme internationale.
Un grand nombre d'États ont accompagné, soutenu et parrainé cette nouvelle Convention : la présence de leurs représentants aujourd'hui à Paris témoigne de cette mobilisation. Cela laisse augurer une mise en œuvre rapide de ce texte, si nécessaire pour mettre fin aux pratiques coercitives et redonner aux citoyens confiance dans les autorités publiques et pour ancrer dans la réalité "l'obligation de protéger" réaffirmée par l'Organisation des Nations Unies.
Fidèle à son engagement pour le plein respect des droits de l'Homme partout dans le monde, la France est plus que jamais déterminée à faire en sorte que le droit se traduise dans les faits. C'est pourquoi j'appelle tous les États à ratifier le texte dans les meilleurs délais, de façon à permettre au Secrétaire général des Nations Unies de réunir, si possible avant la fin de l'année, la Conférence des parties qui mettra en place le Comité d'experts prévu par la Convention.
La France, pour sa part, déposera rapidement le projet de loi de ratification de la nouvelle Convention.
Mesdames et Messieurs, votre décision de venir à Paris sceller l'aboutissement de 26 années d'efforts continus en faveur de toutes les victimes de disparition forcée
constitue, j'en suis sûr, un grand réconfort pour les familles : leur douleur est désormais, sinon apaisée, du moins partagée et assumée par la communauté des nations.
Aujourd'hui, cette communauté est rassemblée et unie autour de la plus haute ambition : le respect de l'Homme dans tous ses droits, dans toute sa dignité, dans toutes ses libertés.
Je vous remercie.
Jacques CHIRAC
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