Extrait de la conférence de presse du Président de la République aux Nations Unies

New York - 23 septembre 2003

" QUESTION - Monsieur le Président, je vous souhaite la bienvenue. Comme vous l'avez dit vous-même, la question de l'Iraq donne souvent lieu à une perception d'un différend entre les Etats-Unis et la France. Je voudrais poser trois brèves questions à ce sujet. Premièrement, avons-nous vu aujourd'hui le début d'un rapprochement entre vous et Monsieur BUSH, vous venez de le rencontrer dans une excellente réunion, excellente je dis pour le temps où elle a eu lieu. Deuxièmement, est-ce que la France est prête à élargir son offre d'aider les Etats-Unis en Iraq ? Vous avez parlé d'un calendrier réaliste pour la passation des pouvoirs de la souveraineté en Iraq. Est-ce que cela veut dire plus d'un mois qui est le calendrier dont on a entendu parler précédemment par d'autres fonctionnaires français ? Enfin, votre réaction au discours de Monsieur BUSH. Il n'a présenté aucune excuse, personne ne les attendait, mais il n'a absolument pas présenté d'excuses pour avoir trompé le Conseil de sécurité sur les armes de destruction massive, ni pour s'être lancé dans ce que Kofi ANNAN lui-même appelle une guerre illégale. Mais, il a parlé d'un rôle plus important pour les Nations Unies. Il a parlé longuement de la question du trafic. Est-ce que vous considérez que c'est là un signe plutôt positif ? Quelle est votre réaction à son discours ?

LE PRESIDENT - Je prendrais, si vous le voulez bien, vos questions à l'envers, en commençant par la troisième. J'ai naturellement écouté avec attention et intérêt le discours du Président. J'en relève, je dirais, trois points de convergence. Le premier c'est l'accent mis sur la non prolifération qui, à mes yeux, est le danger majeur du monde d'aujourd'hui et de demain et donc un problème tout à fait essentiel, je dirais prioritaire. Et la proposition d'une résolution du Conseil de sécurité qui a été faite par le Président américain me paraît à la fois utile et sage. Donc, je l'approuve sans réserve.

Le deuxième point de convergence, c'est l'engagement renouvelé, fermement articulé par le Président BUSH de lutter contre les crimes humanitaires et les trafics d'êtres humains. Je partage, là aussi, tout à fait cette position et donc, nous sommes prêts à accompagner les Etats-Unis aussi loin qu'ils le voudront sur cette voie. Je ne reviens pas dans le détail de ce qu'a dit le Président, vous le savez, et donc, nous sommes tout à fait d'accord.

Sur l'Iraq, nous avons naturellement des objectifs communs. C'est le retour à la paix, la reconstruction et si possible la démocratie. Quand je dis si possible, c'est une façon de parler. C'est la démocratie.

Mais nous avons également des divergences. Nous pensons, je l'ai redit tout à l'heure au Président BUSH, et cela me conduit à votre deuxième question, qu'aujourd'hui la situation est telle qu'il est très difficile pour les Iraquiens, en général, qui appartiennent à un vieux peuple, une vieille culture, une vieille histoire d'accepter une situation qui d'une façon ou d'une autre est une situation d'occupation. C'est ainsi. Et donc nous risquons de voir la situation se détériorer de plus en plus. Dans ces conditions, je crois qu'il faut changer de pied, si j'ose dire. C'est-à-dire, dire aux Iraquiens, vous êtes un peuple majeur, il vous appartient de décider de votre destin. Nous allons marquer cette volonté claire par un geste politique et psychologique fort, c'est-à-dire le transfert de souveraineté. Alors, le transfert de souveraineté à qui ? Aux institutions gouvernementales actuelles, éventuellement modifiées par la résolution de l'ONU qui accréditerait cette évolution. Et cela implique ensuite que les responsabilités permettant aux Iraquiens d'assumer cette souveraineté soient transférées petit à petit. Est-ce que cela prendra trois mois, six mois, neuf mois, je suis incapable de vous le dire. Mais il faut un transfert. Il est évident qu'aujourd'hui l'administration iraquienne n'est pas en mesure d'assumer la totalité de ses responsabilités.

Donc, à partir d'une affirmation politique et psychologique claire, transfert de souveraineté, il faut engager un processus de transfert de responsabilité qui soit cohérent avec la situation que nous connaissons en Iraq et qui comporte naturellement, en même temps que ce transfert, la mise en oeuvre d'un processus d'élaboration d'une Constitution. C'est facile, les Iraquiens ont beaucoup d'excellents juristes qui peuvent rédiger une Constitution sans aucune difficulté. Et puis la mise en oeuvre d'un processus permettant de conduire, le plus vite possible, c'est évidemment plus difficile, à des élections permettant d'avoir une assemblée qui pourra alors discuter de la proposition de Constitution. Donc, voilà un peu comment nous voyons les choses. C'est vrai qu'il y a là une divergence de vues avec la position américaine. Mais je le répète, c'est une divergence de vues que nous voulons exprimer d'une façon très positive. Nous souhaitons naturellement le succès des Américains, et nous apportons notre contribution à la réflexion, à partir de notre propre expérience et nous souhaitons qu'il en soit tenu compte.

Vous m'avez enfin demandé, quel rapprochement. Mais moi je ne me suis jamais senti éloigné de Monsieur BUSH. Vous savez, je crois que je suis le premier chef d'Etat à l'avoir rencontré la veille même du jour où il était officiellement consacré Président des Etats-Unis. Cela se passait en présence de Madame le Docteur RICE à l'Ambassade de France à Washington. Je ne me suis jamais senti éloigné sur le plan personnel. J'ai toujours eu à la fois un grand plaisir à parler avec le Président, comme j'avais un grand plaisir à parler avec son père d'ailleurs, pour qui j'avais beaucoup d'estime et d'amitié, comme j'avais beaucoup de plaisir à parler aussi avec son prédécesseur. Je ne me sens pas en nécessité de me rapprocher. Ce n'est pas parce que nous avons une divergence, nous sommes des Chefs d'Etat. Et ce n'est pas parce que nous avons en tant que Chefs d'Etat une divergence de vues sur un sujet, et d'ailleurs des convergences de vues sur d'autres, qu'il faut en exagérer les conséquences.





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