ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS
ET LE GOUVERNEMENT ITALIEN
POUR LA REALISATION D’UNE NOUVELLE LIGNE FERROVIAIRE LYON / TURIN
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne,
considérant l'accord signé le 15 janvier 1996 à Paris, relatif à la création de la Commission intergouvernementale pour la préparation de la réalisation d'une nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin,
convaincus de la nécessité de favoriser un meilleur équilibre entre les différents modes de transports, en particulier dans la zone sensible que constituent les Alpes,
convaincus que le mode ferroviaire dispose de larges possibilités de développement jusqu'à présent insuffisamment exploitées,
désireux d'apporter une contribution significative à la mise en oeuvre de la Convention alpine signée le 7 novembre 1991 à Salzbourg,
désireux de mettre en oeuvre, pour ce qui concerne le franchissement des Alpes, les objectifs et les orientations inscrits dans les Schémas multimodaux de services collectifs de transport de voyageurs et de transport de marchandises en France et dans le Plan général des transports et de la logistique en Italie,
prenant acte des recommandations que leur a faites la Commission intergouvernementale dans son rapport du 15 janvier 2001,
en application des décisions intervenues lors du sommet franco-italien du 29 janvier 2001 à Turin,
sont convenus des dispositions suivantes :
TITRE I Dispositions générales
Article 1er. Objet
Les Gouvernements français et italien s'engagent par le présent accord à construire ou à faire construire les ouvrages de la partie commune franco-italienne, nécessaires à la réalisation d'une nouvelle liaison ferroviaire mixte marchandises-voyageurs entre Lyon et Turin et dont la mise en service devrait intervenir à la date de saturation des ouvrages existants.
Article 2 Définitions
Aux fins du présent accord, on entend par :
(a) section internationale, l'ensemble des ouvrages, installations et équipements ferroviaires construits et à construire entre le Sillon alpin et le noeud ferroviaire de Turin.
Elle est constituée de trois parties : (i) la partie française, entre le Sillon alpin et les abords de Saint Jean de Maurienne, (ii) la partie commune franco-italienne, entre les raccordements avec la ligne historique les plus proches de part et d'autre de la frontière aux environs de Saint Jean de Maurienne en France et de Bussoleno/Bruzolo en Italie, (iii) la partie italienne, des environs de Bussoleno/Bruzolo au noeud de Turin.
(b) C.I.G. , la Commission intergouvernementale franco-italienne instituée par l'accord du 15 janvier 1996 ;
(c) promoteur, l'organe commun, doté de la personnalité juridique, constitué à parts égales entre les deux gestionnaires d'infrastructures des réseaux ferrés nationaux français et italien et créé par eux aux fins de conduire les missions spécifiées à l'article 6 ci-dessous.
Article 3 Partie commune franco-italienne
(a) La partie commune franco-italienne de la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin, est composée :
(i) d'un tunnel ferroviaire à double tube de 52 km environ incluant une gare souterraine de secours et de service à Modane, foré sous les Alpes en territoire français et italien, (ii) en Italie, des ouvrages de raccordement de ce tunnel de base à la ligne historique et à la future ligne nouvelle à proximité de Bussoleno/Bruzolo, (iii) ainsi que de tous les ouvrages annexes (gares, installations électriques...) nécessaires à l'exploitation ferroviaire et de ceux dont les deux Gouvernements conviendraient ultérieurement qu'ils doivent être inclus dans cette partie commune franco-italienne.
(b) Ces ouvrages pourront être réalisés par tranches fonctionnelles.
Article 4 Mise en oeuvre
Le titre II du présent accord définit la première phase de réalisation de la partie commune franco-italienne de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. Le présent accord sera complété ultérieurement par avenant pour définir les modalités de réalisation des phases suivantes.
TITRE II Première phase
Article 5 Etudes, reconnaissances et travaux préliminaires de la partie commune franco-italienne
(a) Le présent titre a pour objet de définir les conditions dans lesquelles seront conduits dans une première phase qui débute en 2001, les études, reconnaissances et travaux préliminaires de la partie commune franco-italienne de la section internationale. Elle s'achèvera lorsque la C.I.G. aura proposé aux deux Gouvernements un projet d'avenant au présent accord pour la réalisation des ouvrages définitifs de la partie commune franco-italienne de la liaison, conformément aux dispositions de l'article 4.
(b) Ces travaux comportent en particulier la définition précise du tracé et des procédures d'évaluation environnementale qui leur sont applicables dans les deux Etats, le creusement de descenderies et de galeries de reconnaissance, les travaux annexes et l'ensemble des études nécessaires à l'établissement de l'avant-projet de la partie commune franco-italienne de la liaison.
Article 6 Le promoteur
(a) Dans le respect des législations européenne et nationales de chacun des deux pays, et des compétences que les deux Gouvernements leur ont déléguées, les gestionnaires d'infrastructures des réseaux ferrés nationaux français et italiens confient la conduite de ces études, reconnaissances et travaux préliminaires, au promoteur visé à l'article 2-§ c.
(b) A ce titre, sous l'autorité de la Commission intergouvernementale et conformément au programme qu'elle aura approuvé, le promoteur est responsable des études d'avant-projet et de la conduite des travaux de reconnaissance de la partie commune franco-italienne de cette liaison.
(c) A l'issue de cette phase d'études et de reconnaissances, il proposera à la C.I.G. la consistance définitive des ouvrages de la ligne nouvelle, leur localisation, l'enveloppe financière prévisionnelle et leurs modalités de réalisation.
(d) Par ailleurs, les deux gestionnaires des infrastructures des réseaux ferrés nationaux français et italien et le promoteur s'associent, dans le respect de leurs compétences respectives, pour conduire les études générales de la section internationale de la liaison Lyon-Turin. La C.I.G. est informée du résultat de ces études.
Ces gestionnaires d'infrastructures peuvent d'un commun accord lui confier toutes autres études, reconnaissances et travaux qu'ils jugent utile de lui faire réaliser sur cette section internationale.
(e) Les statuts du promoteur, et leurs modifications éventuelles, sont approuvés par la C.I.G. au nom des deux Gouvernements.
Article 7 Dispositions domaniales et foncières
(a) Pour la durée du présent accord, et lorsqu'un ouvrage de reconnaissance n'aura d'issues que sur le territoire d'un seul pays, cet ouvrage sera réputé situé entièrement sur le territoire du pays où se trouvent localisées ces issues. Si un ouvrage de reconnaissance dispose de plusieurs issues situées de part et d'autre de la frontière, celle-ci restera, à l'intérieur de cet ouvrage, fixée à la verticale de la frontière à ciel ouvert.
(b) Les eaux et les minéraux utiles trouvés au cours des travaux sont attribués d'après la législation de l'Etat sur le territoire duquel la découverte a été faite, quel qu'en ait été l'inventeur.
(c) Jusqu'à la désignation de l'organisme qui sera chargé des travaux de percement du tunnel de base, et sauf dispositions contraires modifiant le présent accord, les ouvrages qu'il a réalisés restent propriété commune et indivisible du promoteur désigné à l'article 5 ; il est responsable de leur maintien en état et de leur sécurité.
Article 8 Dispositions législatives et réglementaires
(a) Les Gouvernements se concertent sur l'harmonisation des procédures légales nécessaires à la bonne conduite de ces études, reconnaissances et travaux préliminaires. Ils s'efforcent à cet effet de fixer de part et d'autre des dispositions aussi semblables que possible.
(b) Les questions fiscales, douanières, sociales, sanitaires et de sécurité publique soulevées par la construction des ouvrages de reconnaissance du tunnel de base sont réglées conformément à l'ordre juridique en vigueur dans chacun des deux pays.
Article 9 Commission intergouvernementale Aux fins du présent accord :
(a) La composition et les compétences de la Commission intergouvernementale, telles qu'elles résultent de l'accord du 15 janvier 1996, demeurent inchangées.
(b) Dans le cadre de cette première phase, la C.I.G. se voit attribuer les compétences supplémentaires suivantes :
(i) approuver le tracé définitif du projet ; (ii) proposer, aux deux Gouvernements, sous forme d'avenant au présent accord conformément aux dispositions de l'article 5, les caractéristiques des ouvrages définitifs, les modalités de leur réalisation et de leur financement ainsi que leurs conditions d'exploitation ; (iii) approuver le programme d'études, de reconnaissances et de travaux préliminaires de la partie commune franco-italienne confié au promoteur, de suivre sa mise en oeuvre et de contrôler ses résultats ; (iv) d'émettre tous avis et recommandations à l'intention des deux Gouvernements.
(c) La Commission intergouvernementale informe les collectivités territoriales françaises et italiennes concernées de l'avancement des études et des travaux. En outre, les régions Piémont et Rhône Alpes sont désormais associées aux travaux de la C.I.G..
Elle veille à la bonne coordination des procédures nationales de concertation et de consultation que les autorités responsables sont chargées de mener à bien, conformément à l'ordre juridique respectif de chacun des deux pays, et leur fournit toutes informations nécessaires à leur conduite.
(d) Pour l'exécution des missions qui lui sont attribuées par le présent accord, la Commission intergouvernementale :
(i) établit son règlement intérieur. Elle le soumet à l'approbation des deux Gouvernements ; (ii) se dote de deux secrétariats nationaux ou d'un secrétariat commun, dont les frais de fonctionnement sont pris en charge par le promoteur ; (iii) crée un Comité de sécurité, destiné à l'assister dans les décisions qu'elle propose aux deux Gouvernements et qui intéressent les questions liées à la sécurité publique de la construction, de la gestion et de l'exploitation des ouvrages réalisés ou projetés ; (iv) bénéficie de la collaboration des administrations de chaque Gouvernement. Elle peut faire appel en tant que de besoin à tout organisme ou expert de son choix ; (v) est régulièrement informée par les gestionnaires d'infrastructures de l'avancement des travaux du programme de modernisation de la ligne historique ; (vi) consulte les exploitants du réseau ferroviaire national de chacun des deux pays sur les résultats de ses études, les conclusions qu'elle en tire et sur ses propositions, dans le cadre d'un Comité des exploitants ferroviaires nationaux institué à cet effet.
Article 10 Financement de la première phase
(a) Les études générales de la section internationale du projet Lyon-Turin ainsi que les avant projets et travaux de la partie franco-italienne de cette liaison inscrits au programme de cette première phase, sont financés à parts égales par les deux pays. Cette répartition ne préjuge pas de celle qui sera retenue pour la réalisation des ouvrages définitifs.
(b) Les deux Gouvernements sollicitent le soutien des fonds européens destinés à financer les réseaux transeuropéens (RTE).
TITRE III Dispositions finales
Article 11 Révision
Le présent accord peut être révisé par voie d'entente entre les deux Gouvernements, notamment pour:
(a) modifier les dispositions de l'article 3 relatives à la consistance du projet, de l'article 6 relatives au promoteur, de l'article 7-§ c relatives à la propriété, au maintien en état et à la sécurité des ouvrages réalisés par le promoteur et de celles de l'article 9 relatives à la C.I.G. ;
(b) prévoir la réalisation d'études complémentaires et l'établissement d'ouvrages ou d'installations supplémentaires si ceux dont la réalisation était initialement prévue se révèlent insuffisants ou inadaptés.
Article 12 Règlement des différends
(a) Les deux Gouvernements doivent tenter de résoudre tout différend relatif à l'interprétation ou à l'application du présent accord ou des décisions et règlements de la Commission intergouvernementale, par la négociation.
(b) Dans le cas où il n'a pu être résolu dans un délai raisonnable par la voie de la négociation, le différend est soumis à un tribunal arbitral dont la décision sera obligatoire.
(c) Le tribunal arbitral est composé de deux membres et d'un surarbitre. Chacun des deux Gouvernements nomme un membre. Le surarbitre, qui ne doit pas être ressortissant de l'un des deux pays, est désigné d'un commun accord par les deux Gouvernements.
(d) Si la désignation commune du surarbitre n'a pas eu lieu dans un délai de 6 mois à partir du moment où l'un des deux Gouvernements a proposé le règlement arbitral du litige, il est procédé à cette désignation par le président de la cour internationale de justice à la requête de la partie la plus diligente.
Article 13 Ratification et entrée en vigueur
Chacun des Gouvernements notifie à l'autre l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises en ce qui concerne l'entrée en vigueur du présent accord, qui prendra effet le premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la seconde notification.
En foi de quoi, les représentants des deux gouvernements dûment autorisés à cet effet, ont signé le présent accord et y ont apposé leur sceau.
Fait à Turin, le 29 janvier 2001, en deux exemplaires, en langue française et italienne, chaque texte faisant également foi.
Pour le Gouvernement Pour le Gouvernement de la République française, de la République italienne,
Le ministre de l'équipement, Le ministre des transports des transports et du logement, et de la navigation, Jean-Claude GAYSSOT Pierluigi BERSANI |