MESSAGE DE
MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
AUX PARTICIPANTS A LA TROISIÈME RÉUNION DU GROUPE DE HAUT NIVEAU DU PROCESSUS "ÉDUCATION POUR TOUS"
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NEW-DELHI, 10-12 NOVEMBRE 2003
Monsieur le Premier Ministre, Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement, Monsieur le Directeur Général de l'UNESCO, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs,
Parmi les objectifs du Millénaire, ceux qui concernent l'éducation sont peut-être les plus significatifs, car nulle société ne peut envisager l'avenir avec confiance si elle ne donne pas à ses enfants une éducation de haute qualité.
Aussi suis-je heureux de m'adresser à vous, membres du groupe de haut niveau responsables du suivi du programme "Éducation pour tous" adopté à la suite de la Conférence de Dakar, à l'occasion de votre troisième réunion.
Il est hautement symbolique que vous vous réunissiez en Inde, dans ce pays où s’est épanouie au fil des millénaires une très grande civilisation. Elle a donné à l’humanité d’innombrables trésors artistiques, philosophiques et religieux. Elle a assimilé avec une remarquable aisance les apports étrangers. Elle aborde les défis contemporains avec un regard original dont le monde doit tenir le plus grand compte. Et elle a toujours accordé la plus haute valeur aux choses de l’esprit et à l’éducation.
Nous nous sommes engagés à ce qu'en 2015, tous les enfants du monde, filles et garçons sans discrimination, accèdent à un enseignement primaire de qualité. Pour parvenir à ce résultat ambitieux, il nous faut intensifier nos efforts, au Nord et au Sud tout autant.
C'est particulièrement vrai en Afrique où plus de la moitié des enfants en âge d'être scolarisés n'a pas accès à l'école ou la quitte prématurément. La jeunesse d’Afrique, si nombreuse, éblouissante d’énergie et de joie de vivre, est la promesse du renouveau de ce continent. Mais si elle se voit refuser l’éducation, premier pas vers l’exercice des responsabilités, craignons qu’elle n’exprime sa colère.
Chacune et chacun d'entre vous a conscience de l'enjeu.
C'est une question politique d’abord, car la démocratie, la bonne gouvernance, la liberté ne peuvent s'épanouir que là où chacun a, par son savoir, la capacité de faire valoir et d'exercer ses droits. Toute société qui resterait sans réagir face à l'insuffisance de son système scolaire manquerait à son devoir démocratique.
C'est un enjeu économique, pour la croissance et l’insertion des pays pauvres dans la mondialisation. L'économie moderne est de plus en plus une économie de la connaissance, une économie de l'information, une économie fondée sur des technologies inabordables par quiconque ne maîtrise pas les savoirs fondamentaux.
Ici même en Inde, des expériences menées dans certains villages ont montré avec quelle rapidité les paysans qui savent lire et écrire peuvent apprendre à utiliser un ordinateur, passant ainsi d'une économie précaire de la survie à l'aisance relative qui naît de la maîtrise des instruments du marché.
C'est un enjeu social, car l'égal accès à l'éducation, sans distinction d'origine sociale ou de sexe, est la condition sine qua non du développement humain. Comment imaginer en effet qu'une jeune mère qui n'aurait pas été à l'école puisse donner à son enfant les bases qui lui permettront de se protéger au mieux des fléaux de la vie et de s’inscrire d’emblée dans le mouvement de son temps ?
La question si délicate de la non discrimination, je suggère que vous l'abordiez en vous souvenant qu'il s'agit d'un droit fondamental de la personne humaine, reconnu comme tel par la Déclaration universelle de 1948. Refuser aux filles l'accès à l'école, ou laisser se perpétuer un système de discrimination, ce n'est pas seulement une erreur économique et sociale, c'est la violation d’un droit.
Vous travaillerez aussi à la mobilisation des ressources financières, car votre action n’a de sens qu’appuyée par l’effort budgétaire des pays en développement et celui des bailleurs de fonds.
D'ores et déjà, des progrès ont été accomplis. Je pense à l'action de la coopération française et de la Francophonie. Je veillerai à cet égard à ce que le Sommet francophone de Ouagadougou en novembre prochain, qui sera consacré au développement durable, soit aussi un sommet de suivi de l’engagement du Millénaire sur l’éducation.
Je pense à l'utilisation intelligente des annulations de dette des pays les plus pauvres, pour reconstruire les systèmes scolaires de ces pays.
Je pense surtout à cette remarquable initiative " Education pour tous – procédure accélérée ", associant les principaux donateurs bilatéraux et multilatéraux du secteur éducation, et notamment la Banque mondiale, à laquelle la France a apporté d'emblée son soutien, et qui rassemble d’ores et déjà une dizaine de pays bénéficiaires. Elle est à ce moment crucial où l’on hésite entre le franc succès et le demi-échec. Je suggère donc que, en notre nom à tous, vous adressiez à la Banque Mondiale, à ses dirigeants et à tous les États membres, un message vigoureux pour en accélérer la mise en oeuvre.
Inspirée par les engagements de Monterrey, la logique qui sous-tend nos efforts est une logique de partenariat et non plus une logique d'assistance. Elle trouve une illustration particulière dans les nouvelles relations que les pays développés construisent avec l’Afrique sous l’égide du NEPAD. Elle est fondée sur la conviction que l'éducation n'est pas seulement un enjeu national qui concerne tel ou tel. C'est un enjeu universel, un bien public global. Il relève bien sûr de la responsabilité première et de l’intérêt vital de chaque État d'assurer à sa population une bonne éducation. Mais il est aussi de l'intérêt évident de l'humanité tout entière que chacun accède à un enseignement de qualité afin d’être conscient des enjeux du présent, afin de maîtriser son destin, afin d’aborder le monde globalisé avec les instruments appropriés.
Et dans un monde travaillé par des forces contradictoires, un monde menacé par le choc des civilisations, un monde fragilisé par la persistance de la pauvreté de masse, le combat en faveur de l'éducation pour tous est une des meilleures réponses, une réponse d'humanisme, d’espoir, de confiance et de progrès.
Je vous remercie. |