LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUEFRANCAISE LE CHANCELIER DE LA REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE LE PREMIER MINISTRE DU ROYAUME UNI
PARIS, LONDRES, BERLIN, LE 5 FEVRIER 2003
Monsieur le Premier ministre,
Des progrès considérables ont été accomplis dans la mise en oeuvre de la Stratégie de Lisbonne depuis le sommet tenu dans cette ville il y a trois ans. Néanmoins, il reste beaucoup à faire pour créer les emplois et la croissance dont l’Europe a besoin pour prospérer, être forte et réussir à l’échelle internationale. Il nous faut donc mettre à profit le Conseil européen du printemps 2003 pour faire progresser la réforme structurelle et la modernisation en Europe en vue de renforcer la compétitivité de nos économies et de garantir des possibilités d’emploi pour tous.
Soutenir les entreprises européennes
Nous devons développer tous les aspects du commerce européen. Notre secteur industriel représente une source vitale de croissance et d’emploi. Dans nos économies de plus en plus fondées sur la connaissance et dotées de secteurs de l’information et des services en pleine expansion, l’industrie devrait continuer et continuera de jouer un rôle primordial :
- L’industrie européenne représente aujourd’hui un quart de la production nette réelle sur le marché intérieur et fournit 45 millions d’emplois. Des conditions réglementaires propices à l’industrie peuvent contribuer de manière décisive à renforcer les possibilités d’emploi.
- L’industrie européenne constitue un client important de prestations fournies par le secteur des services en Europe. Ces deux secteurs sont complémentaires. Le dynamisme du secteur des services, surtout dans sa branche de haute qualité, ne serait pas viable en l’absence d’une base industrielle compétitive au plan mondial.
- Dans le domaine du commerce extérieur avec les pays tiers, l’industrie européenne génère un excédent commercial de 55 milliards d’euros. Il nous faut cultiver ce succès.
Les entreprises européennes jouent un rôle clé dans le succès de la Stratégie de Lisbonne. Lorsque nous prenons des décisions politiques, nous devons nous rappeler que l’industrie européenne doit maintenir son rang face à la concurrence internationale. Elle ne peut être utilisée comme un laboratoire d’expérimentations réglementaires qui accroissent les coûts ou les charges des employeurs.
Services d’intérêt économique général
Les Services d’intérêt économique général (SIEG) constituent une part essentielle du tissu économique et social européen. Nous nous engageons par conséquent :
- à procéder à une analyse approfondie des SIEG, dans la perspective d’une meilleure compréhension mutuelle de nos services publics et
- à garantir le financement des SIEG. L’application des aides d'Etat et des règles de concurrence de l'Union ne devrait pas mettre en danger le fonctionnement des services publics. De même, les dispositifs nationaux de financement ne devraient pas fausser l'économie des services marchands.
Mesures à prendre lors du Conseil européen du printemps 2003
A l’occasion du Conseil européen du printemps 2003, nous devrions donc prendre des mesures fortes pour soutenir une industrie compétitive à l’échelle internationale :
- Lever les barrières : La Commission devrait passer en revue les conditions actuelles de marché et de concurrence auxquelles doit faire face l’industrie européenne afin d’identifier les barrières existantes. Sur la base de ces conclusions, des propositions visant à optimiser les conditions du marché doivent être présentées au Conseil. Ce dernier devrait s’engager à donner suite aux futures propositions de la Commission en vue de simplifier et de réduire sans délai les charges imposées aux entreprises.
- Ne pas créer de nouvelles restrictions : Une fois les barrières levées, nous ne devrions pas en créer de nouvelles. Nous ne devons pas imposer à nos entreprises un fardeau supplémentaire qui porterait atteinte à leur compétitivité internationale. Il convient donc d’accorder davantage d’attention aux effets de la législation communautaire sur la compétitivité industrielle. Avant d’adopter des projets, la Commission devrait mener une véritable concertation avec les entreprises européennes. Elle doit ensuite, dans le cadre de sa proposition, examiner de manière approfondie et exposer par écrit les effets potentiels sur la compétitivité industrielle. La prise de décision au niveau du Conseil des ministres doit également dûment tenir compte des besoins de l’industrie. Le Conseil Compétitivité devrait être consulté sur tous les projets concernés.
- Libéraliser les marchés : Les marchés sur lesquels l’industrie européenne exerce ses activités doivent être libéralisés et leur ouverture doit être préservée. Nous devrions donc faire avancer résolument la libéralisation des marchés de l’énergie et créer un espace aérien européen unique afin d’offrir de nouveaux débouchés à nos entreprises. La Commission, le Conseil et le Parlement doivent viser à achever rapidement la législation sur le marché intérieur qui est actuellement en cours d’examen, en vue d’obtenir des résultats ouvrant véritablement les marchés.
- Valoriser les résultats de la recherche : Seule une industrie efficace pourra transformer le fruit des recherches scientifiques en de nouveaux produits commercialisables. Nous devons donc à la fois créer un environnement de recherche efficace en Europe et faciliter la mise en oeuvre des résultats de ces recherches. Parmi les mesures essentielles en la matière figurent l’élaboration d’un brevet communautaire efficace et favorable aux entreprises et un recours accru aux possibilités offertes par les biotechnologies. Nous devons également accroître d’urgence le nombre de chercheurs en Europe et établir des liens plus clairs entre les instituts de recherche et la création d’entreprises.
Enfin, il nous faut examiner les meilleurs moyens d’atteindre des niveaux d’emploi élevés. Nous nous attacherons ensemble à faire en sorte que la Stratégie européenne révisée pour l’emploi constitue un instrument efficace et ciblé qui aide les Etats membres à réaliser les réformes en matière d’emploi et de marché du travail qui sont nécessaires.
Par ailleurs, sur la base de l’expérience allemande avec la Commission Hartz, nous proposons un examen à haut niveau des marchés du travail en Europe, qui soit en mesure de déboucher d’ici la fin de l’année sur un rapport présentant des propositions pratiques pour des actions à entreprendre. Un meilleur fonctionnement des marchés du travail apportera un soutien crucial à l’industrie européenne sous toutes ses formes.
Pour réussir, l’Europe doit traduire son discours en actes. Nous espérons collaborer étroitement avec vous, le Président Prodi et tous nos collègues du Conseil européen pour accomplir de réels progrès sur ces questions lors du Conseil européen qui aura lieu au printemps. Ensemble, nous pouvons adresser un message de confiance en l’avenir de l’Europe, fondé sur une économie dynamique et compétitive dotée d’une industrie solide et d’un environnement propice aux entreprises.
Nous envoyons une copie de cette lettre à nos collègues du Conseil européen et aux Chefs de gouvernement des dix nouveaux Etats membres.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Premier Ministre, l'expression de notre haute considération.
Jacques CHIRAC
Gerhard SCHROEDER
Tony BLAIR
Monsieur Costas SIMITIS Premier Ministre de la Grèce Président du Conseil européen |