Paris, le 6 mai 1999
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier très chaleureusement de votre invitation. Vous savez combien m'est chère la cause qui vous rassemble aujourd'hui, au terme d'une campagne de plusieurs mois pendant lesquels vous avez combattu avec les armes qui sont les vôtres, votre foi et votre conviction, le fléau terrible de l'illettrisme. Ne pouvant malheureusement être des vôtres je souhaitais néanmoins saluer les participants à cette rencontre, rendre hommage à l'esprit de solidarité et de générosité qui vous anime et vous dire ma profonde reconnaissance.
Vous connaissez les chiffres de l'illettrisme en France. Ils sont une blessure en même temps qu'un défi.
Il est vrai que pendant de longs siècles lire et écrire ont été le privilège de quelques uns, scribes, clercs et lettrés qui détenaient seuls les clés du trésor. Aujourd'hui, ne pas maîtriser l'écrit, c'est s'enfermer dans une langue appauvrie qui dit un univers étroit, dans la crainte de tout ce qui lui est étranger. C'est sentir de la gêne, parfois de la honte, dans les actes les plus courants de la vie quotidienne. C'est vivre une exclusion dramatique, qui est d'abord sociale et professionnelle. Il y a vingt ans encore, on pouvait trouver un métier sans savoir parfaitement lire et écrire. Nous savons tous que c'est aujourd'hui quasiment impossible.
Face à cette détresse, la lutte contre l'illettrisme est plus que jamais l'affaire de tous et je me réjouis de rencontrer, au gré de mes déplacements, des Français qui s'engagent toujours plus nombreux dans ce combat. Toutefois, par la profession que vous avez choisie, par la presse que vous représentez, sa vocation au service de l'information sociale, vous avez dans ce combat un rôle particulier, je dirais même exemplaire.
Vous avez su en effet, au-delà de votre mission d'information, dessiner les contours d'un espace convivial fait d'échange et de dialogue où chacun trouve sa place. Vous avez su faire le lien entre les nombreuses associations familiales, syndicales ou mutualistes engagées dans cette lutte. En " prenant l'illettrisme au pied de la lettre ", vous avez su lui donner une voix, des visages, et susciter une forte mobilisation, à laquelle se sont associées des personnalités du monde des arts, des lettres et du sport qui lui ont apporté leur talent et leur notoriété. C'est un beau succès.
Montaigne disait qu"'enseigner un enfant ce n'est pas remplir un vase mais allumer un feu". Cette parole vaut, je crois, pour tout homme. Il est de notre devoir d'allumer ce feu sacré, d'éveiller en chacun le désir de comprendre, de lui en donner les moyens et de lui faire partager le plaisir de lire et d'écrire.
J'ai fait de la lutte contre l'illettrisme l'un des objectifs majeurs de mon septennat. Pour la qualité de votre engagement au service de cette grande cause, en cette année où vous fêtez le vingt-cinquième anniversaire du Syndicat de la Presse Sociale, je voudrais simplement vous dire, à chacun d'entre vous, bravo et merci.
Jacques CHIRAC |