Discours de Monsieur Jacques Chirac, Président de la République, à l'occasion de la remise de la cravate de commandeur de la Légion d'honneur au général ROSE.
High Wycombe, lundi 30 octobre 1995
Mon général,
Le Premier ministre John Major a dit tout ce qui devait l'être sur la qualité qui fut celle du général de La Presle et la reconnaissance que nous avons pour l'action menée en Bosnie ; ce sont très exactement, mon général, les mêmes termes que j'aurais pu employer pour définir votre propre action.
La tradition en France veut que l'on dise tout de même un mot, fut-il rapide, sur la personnalité qui reçoit une distinction. Je voudrais simplement vous dire mon général que vous représentez aux yeux de tous ceux qui vous connaissent la grande tradition, la meilleure tradition militaire britannique, une tradition ouverte sur le monde.
Par votre origine d'abord, puisque vous êtes né au Pakistan d'un père colonel de l'armée des Indes - et ceci fait rêver tous les Français - et d'une mère qui vous a rapproché du célèbre écrivain anglais John Masters.
Par vos études ensuite, notamment à Oxford puis à la Sorbonne, où vous avez acquis sans doute cette maîtrise excellente de notre langue que vous avez perfectionnée encore dans les tranchées, accédant à ce sympathique argot qui a cours entre les militaires.
Par votre carrière militaire enfin, qui vous a conduit notamment de l'Allemagne à Aden, de l'Asie à l'Amérique latine, en passant par des postes de très hautes responsabilités dans votre propre pays.
C'est ainsi que vous avez eu l'honneur de commander durant l'année 1994 les troupes de l'ONU en Bosnie-Herzégovine, parmi lesquelles quelque 4000 soldats français.
Unanimement salué pour votre détermination et votre courage, vous avez tout fait pour ramener la paix dans cette partie de la Yougoslavie déchirée. La France et l'Angleterre vous doivent beaucoup la Bosnie et cette partie du monde aussi, et, tout simplement, vous l'avez fait avec cette élégance toute britannique de la tradition que j'évoquais tout à l'heure. C'est pourquoi mon général je serais particulièrement heureux de vous remettre la croix de commandeur de la Légion d'honneur, ce que je vais faire avec beaucoup de plaisir dans un instant.
A la tête d'un commandement multinational, vous avez marqué une grande attention aux détachements français placés sous vos ordres. Ils ont été très sensibles à votre humanité, à votre panache et à votre francophilie. Le général de La Presle, qui commandait alors la Forpronu, et que je suis très heureux de saluer ici, peut en témoigner.
Grand soldat, apprécié de vos hommes, vous avez acquis toute l'estime et l'amitié de la France.
A travers vous, c'est aussi à l'action des forces des Nations Unies dans l'ex-Yougoslavie que je veux rendre hommage.
La France et la Grande-Bretagne constituent le fer de lance de l'engagement des Nations Unies dans l'ex-Yougoslavie.
En créant la Force de réaction rapide, nos deux pays n'ont pas seulement mis un terme à l'humiliation inacceptable de nos soldats. Ils ont permis un nouvel équilibre sur le terrain et créé les conditions de la dynamique de paix que nous connaissons aujourd'hui.
La France et la Grande-Bretagne, en liaison avec leurs partenaires, sont à la pointe des efforts diplomatiques engagés en vue d'un règlement de paix conforme à nos valeurs, garantissant à la fois l'unité de la Bosnie-Herzégovine et les droits des populations qui la composent. Nos deux pays joueront demain, côte à côte, un rôle éminent pour la mise en oeuvre du plan de paix.
Votre action, Mon général, a contribué de manière décisive à la coopération exemplaire engagée entre la France et la Grande-Bretagne. Nous ne l'oublierons pas.
Au nom de la République française, je vous fais commandeur de la Légion d'honneur.
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