DISCOURS PRONONCE PAR M. JACQUES CHIRAC
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
LORS DU DEJEUNER AVEC LES HOMMES D'AFFAIRES FRANCAIS ET POLONAIS
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Varsovie, le jeudi 12 septembre 1996
Messieurs les Présidents,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de me trouver aujourd'hui parmi vous , à l'occasion de cette visite d'Etat que mon épouse et moi-même effectuons en Pologne, à l'invitation du Président KWASNIEWSKI. Je sais qu'à travers vous, je m'adresse à l'ensemble des forces vives polonaises et françaises.
Ce matin, j'ai eu l'honneur d'évoquer, devant les deux Chambres réunies du Parlement polonais, les relations entre nos deux pays, dans la perspective de la construction européenne. Je souhaiterais ici aborder rapidement l'avenir de nos relations économiques et commerciales, qui sont au coeur de notre partenariat naturel.
On ne le dit pas toujours, mais dans ce domaine, nos liens sont anciens et ils sont solides. Souvent ils furent vitaux pour nos deux économies.
Déjà au temps de la Hanse, Gdansk recevait nos vins de Gascogne, notre sel de l'Atlantique, nos draps des Flandres tandis que nos navires repartaient chargés de bois de Mazurie, de blé d'Ukraine ou de fourrures de Russie.
C'est grâce à la Pologne, à ses envois de céréales, que la France de Louis XIV fut sauvée de la famine.
C'est grâce à un prêt très important de la France qu'au lendemain de la Grande Guerre, la Pologne put faire construire le port de Gdynia et la voie de chemin de fer reliant la Silésie à la Baltique.
Enfin, après la seconde guerre mondiale, la France participait à votre reconstruction et aidait au développement de l'industrie polonaise, qu'il s'agisse de l'énergie, de la sidérurgie, des chemins de fer ou des infrastructures routières. C'est dire à quel point nos pays se sont mutuellement enrichis par le commerce et par l'échange depuis longtemps.
Aujourd'hui, le retour de la Pologne à l'économie de marché ouvre à toutes nos entreprises de nouvelles perspectives. On reproche parfois à la France son insuffisant ancrage dans cette partie de l'Europe et notamment dans son pays le plus important, la Pologne.
Les choses commencent à changer. Déjà, notre pays appartient au peloton de tête des partenaires de la Pologne. Il en est le quatrième fournisseur. Il y est aussi le troisième investisseur, avec un total de 4 milliards de francs en 5 ans. Les plus grandes sociétés françaises sont maintenant installées ici et participent au dynamisme et à l'essor de la Pologne. Construction automobile, industrie agro-alimentaire, télécommunications, électronique, informatique : voilà quelques secteurs où nos entreprises ont beaucoup investi.
Plus significatif encore : 600 de nos petites et moyennes entreprises françaises -et c'est là tout à fait essentiel lorsqu'il s'agit de créer de véritables liens entre nos deux économies- plus de 600 sont présentes en Pologne, multiplient les contacts et sont en réalité le ferment actif de nos échanges.
A ces acteurs de notre coopération, j'adresse mes félicitations et aussi tous mes encouragements.
Mais nous devons et nous pouvons aller plus loin. Aux représentants de toutes les entreprises françaises, celles qui sont déjà implantées et celles qui n'ont pas fait ce choix jusqu'à présent, je demande d'avoir davantage encore l'esprit de conquête.
Il ne s'agit pas seulement d'acquérir de nouveaux marchés. Il s'agit aussi de nouer un véritable partenariat en répondant aux besoins en biens, en équipements, en infrastructures, en technologies, en services qui s'expriment et qui ne peuvent que croître en Pologne et dans toute cette région de l'Europe. Il s'agit de valoriser les atouts des sociétés françaises : leur savoir faire, leurs compétences, leurs ressources. Il s'agit de faire partager à vos amis, à nos amis polonais votre expérience dans certains domaines d'excellence, tels que les autoroutes, les chemins de fer, l'énergie, mais encore la communication ou l'électronique grand public.
Aux hommes d'affaires polonais, que je salue particulièrement ici, j'adresse une chaleureuse invitation. Le marché français vous est ouvert. Il le sera plus encore à mesure que s'appliquera l'accord d'association entre la Pologne et l'Union. Il le sera bien davantage encore lorsque la Pologne adhérera à l'Union Européenne, -c'est-à-dire dans 3 ou 4 ans maximum- et plus encore que nous partagerons la même monnaie.
Votre adhésion, la France l'appelle de ses voeux. Elle la souhaite très proche. Dans les négociations d'élargissement, elle fera tout pour que votre pays rejoigne notre Union avant l'an 2000. Et je rends hommage aux efforts considérables fournis par la Pologne pour être en mesure d'être exacte au rendez-vous.
Et je me félicite des décisions prises par nos ministres du commerce extérieur. C'est à juste titre qu'ils ont apporté leur soutien, lors de leur rencontre à Paris au printemps dernier, à la création d'une chambre de commerce représentant les intérêts polonais en France. D'ici la fin de l'année, un vaste forum réunira à Paris chefs d'entreprises polonais et français. Qu'ils lancent ensemble de nouveaux projets !
Cette manifestation sera suivie, en 1997, d'une mission d'industriels français en Pologne, probablement en janvier prochain. Les responsables économiques français qui m'accompagnent aujourd'hui, et j'en suis heureux, sont à votre disposition pour préparer ces rencontres que je souhaite prometteuses.
Mesdames, Messieurs, mes chers amis,
L'économie internationale est entrée dans l'ère de l'ouverture. Cette ouverture va bien au delà du marché unique européen, qui rassemblera bientôt plus de 400 millions de consommateurs. La mondialisation des technologies et des marchés est une chance formidable pour l'Europe, à condition bien sûr que celle-ci, par l'affirmation de son modèle social, puisse aborder avec confiance cette grande aventure.
A l'intérieur comme au-delà de l'espace européen, sachons développer les alliances entre nos entreprises. Soyons plus présents sur les marchés extérieurs.
Voilà le défi que nos industriels, nos prestataires de services, mais aussi nos agriculteurs doivent relever ensemble.
C'est à tort que l'on présente comme concurrentes nos productions agricoles. Ensemble, ils devront préserver la politique agricole commune. Ensemble, ils devront porter l'ambition exportatrice de l'Europe à la hauteur des besoins alimentaires de la population mondiale qui croissent considérablement. Ensemble, ils devront apporter leur contribution à l'aide au développement des pays pauvres. La France plaide pour que les principaux donateurs ne relâchent pas leur effort. Et votre soutien nous sera précieux.
Mes chers amis,
Je souhaiterais, pour terminer, exprimer toute ma gratitude aux membres du Centre polonais des hommes d'affaires, à ses 1200 entrepreneurs qui m'ont fait l'honneur et l'amitié de me décerner leur oscar.
Je suis très sensible à cette attention. Permettez-moi d'y voir un encouragement à promouvoir et renforcer nos relations commerciales.
Soyons déterminés à stimuler davantage encore notre coopération, notre solidarité. Ainsi, nous contribuerons à la prospérité de nos deux pays, nous renforcerons notre Europe élargie, nous la rendrons plus dynamique, plus puissante, plus cohérente.
C'est dans cet esprit que je lève mon verre à l'amitié franco-polonaise. Plaçons cette amitié, ce capital important de sympathie et de confiance, au service de la croissance, au service de l'emploi, au service du développement de nos échanges et par là même au service de bonheur et de la paix.
Je vous remercie. |