MESSAGE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
DANS LE CADRE DU FORUM SUR L'AVENIR DE L'UNION EUROPEENNE DU SITE INTERNET DE LA PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE
PALAIS DE L'ELYSEE - MERCREDI 31 OCTOBRE 2001
Alors que le forum sur l'avenir de l'Europe est entré dans son sixième mois, je souhaite remercier tous ceux qui ont fait part de leurs opinions ou, simplement, visité le site. 31 000 accès au forum, 1159 messages, souvent très riches : l'intérêt que vous manifestez pour ce débat confirme que la prochaine réforme de l'Union européenne doit se préparer avec l'ensemble des citoyens.
Je veux vous assurer que vos réflexions contribueront à éclairer et orienter les positions de la France dans les travaux sur l'avenir de l'Union européenne, qui vont se poursuivre jusqu'en 2004.
Une première synthèse des contributions laissées sur le site est en cours de réalisation. Elle sera communiquée au "groupe de personnalités" présidé par M. Guy Braibant et au ministère des affaires européennes, qui ont la responsabilité de coordonner le débat en France, dans la perspective du Conseil européen de Bruxelles-Laeken, les 14 et 15 décembre 2001.
Le texte de cette synthèse sera mis en ligne dans les prochaines semaines. Mais j'ai souhaité réagir, d'ores et déjà, à quelques messages, qui me paraissent représentatifs des préoccupations de nombre d'entre vous.
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Monsieur Romain Lacombe (le 09/05) insiste sur l'importance de l'éducation dans la construction européenne. Récusant "uniformisation" et "centralisation", il demande "la possibilité de choisir le meilleur de l'enseignement de tous les pays membres". "Officialisons les processus d'échange, développons les interactions entre universités, lycées, collèges, voire écoles primaires à".
Je souscris entièrement à cette approche. Il n'est pas de tâche plus importante en Europe que de renforcer la communauté des esprits. Il faut, pour cela, rapprocher les hommes, faire en sorte qu'ils se comprennent mieux, mais sans porter atteinte à chacune de nos cultures, sans créer de nouvelles strates bureaucratiques. C'est ainsi que, progressivement, se formera une véritable identité européenne, complémentaire des identités nationales.
Nos efforts doivent porter en priorité, c'est une évidence, sur les échanges scolaires et universitaires. Beaucoup a été fait, notamment pendant la présidence française de l'Union, en 2001, pour promouvoir la mobilité des étudiants. Mais il faut changer d'échelle et se fixer des objectifs concrets et ambitieux pour tous les jeunes Européens, au stade du primaire et pendant le secondaire comme pour les étudiants.
Ceci passera, je crois, par une plus grande autonomie donnée aux établissements eux-mêmes afin qu'ils concluent, à l'image de ce que font la plupart des communes, des jumelages avec des établissements équivalents dans d'autres pays de l'Union. Il faudra naturellement aussi développer les mécanismes d'aide en faveur des étudiants.
Je souhaite également que l'Europe s'affirme dans le domaine stratégique de la formation de haut niveau, où les Etats-Unis ont une nette avance. Nous devrions soutenir les établissements de différents pays européens désireux de s'allier pour former de grandes institutions susceptibles de bénéficier d'un rayonnement mondial, grâce à leur masse critique d'étudiants.
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Dans le même esprit, la question des langues en Europe donne lieu à de nombreux messages. Steph. (le 17.05) insiste sur la nécessité de respecter toutes les langues de l'Union, en relevant qu'en favoriser certaines serait un premier pas vers une langue unique. M. Jacques Roman, fidèle du site, développe de son côté (le 01.06) une analyse très précise sur l'anglais et les langues latines, pour conclure lui aussi à la nécessité de préserver plusieurs langues officielles.
La seule réponse, je crois, est le développement du plurilinguisme en Europe : pour lutter contre l'uniformisation qui résulterait du recours à une seule langue officielle ; pour permettre cependant aux Européens de mieux se comprendre et contribuer ainsi à la formation de l'identité européenne ; mais aussi pour défendre le français, qui serait davantage appris dans les autres pays européens.
Il faut donc réaliser au plus vite et partout l'objectif de parler trois langues (dont la langue maternelle) à l'issue des années de scolarité obligatoire. Bien des pays de l'Union européenne donnent l'exemple en ce domaine. La France est sur la bonne voie. Il faut que tous les Etats membres agissent dans ce sens.
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M. Vincent Jarc, autre correspondant assidu, s'interroge (le 10.05) sur la capacité de l'Union européenne à gérer les crises et à parler d'une seule voix.
Le problème est ancien. Il tient à la complexité des structures de l'Union, à la double nature, communautaire et intergouvernementale, de ses processus de décision, aux aspirations et ambitions parfois divergentes de ses Etats membres, phénomène qui risque de s'amplifier après l'élargissement.
Il est indéniable, pourtant, que la capacité de réaction de l'Europe s'est nettement améliorée depuis quelques années, en particulier en matière de politique étrangère et de défense.
De la Macédoine au Proche-Orient, en passant par la Conférence de Durban, ces derniers mois ont vu s'affirmer une diplomatie européenne plus active et plus cohérente. Depuis le Sommet franco-britannique de Saint-Malo, il y a trois ans, au cours duquel l'Europe de la Défense a été relancée, le chemin parcouru est impressionnant : l'Europe a un Etat-Major ; elle se dote de la capacité de projeter des forces ; elle met en place des outils communs, que ce soit en matière logistique ou de renseignement.
Mais le meilleur témoignage de cette réactivité nouvelle, les Européens l'ont donné le 21 septembre lors de la réunion du Conseil européen consacré aux conséquences des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. Ils ont, à cette occasion fait preuve d'unité et de détermination dans la solidarité avec les Etats-Unis et la lutte contre le terrorisme. Ils ont également décidé d'accélérer la mise en place de l'espace judiciaire européen, notamment par la création d'un mandat d'arrêt européen.
Il faut aller plus loin. L'Europe a besoin de plus de leadership. D'une Commission forte et indépendante, car elle est porteuse de l'intérêt de la Communauté. Mais aussi d'un Conseil européen qui puisse, dans la durée, jouer pleinement son rôle d'orientation des politiques de l'Union.
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Enfin, pour rester dans le domaine institutionnel, je me réjouis des nombreux plaidoyers en faveur d'une constitution européenne. Par exemple ceux de M. Lionel G. Roques (le 9.05) et de M. François B. (le 11.05). C'est une proposition que j'avais avancée il y a quinze mois devant le Bundestag, à Berlin, et je constate qu'elle rallie de plus en plus de suffrages.
Dans mon esprit, une constitution signifie essentiellement trois choses :
- l'affirmation des valeurs communes et du projet de l'Europe ;
- une présentation claire, compréhensible par tous les citoyens, du fonctionnement de l'Union et de ses institutions, qui devront faire l'objet de nouvelles réformes ;
- enfin, une réponse à la question "qui fait quoi" entre l'Union et les Etats membres, une répartition des compétences pleinement respectueuse du principe de subsidiarité.
Je souhaite que cette constitution soit celle d'une Fédération d'Etats Nations. C'est un concept dont la portée est avant tout politique et, qui a le mérite de bien traduire la double nature de l'Union européenne. Celle-ci comporte, et comportera plus encore à l'avenir, des domaines dans lesquels la souveraineté est exercée en commun : par exemple l'euro, la politique de concurrence, le contrôle de la Cour de justice. Et en même temps, nul n'envisage naturellement de remettre en cause les nations européennes, qui sont la source de nos identités et qui conservent la prééminence dans de nombreux domaines.
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En réitérant à tous les participants mes remerciements pour leurs contributions, je forme le voeu que ce débat, si bien engagé, se poursuive et se développe. |