Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, de M. Lionel JOSPIN, Premier ministre, et de M. José Maria AZNAR, Président du gouvernement espagnol lors du sommer franco-espagnol de La Rochelle.
La Rochelle - Samedi 21 novembre 1998
LE PRESIDENT: -
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord saluer l'ensemble des représentants de la presse, les Espagnols, les Français et les autres, et souhaiter à nouveau la bienvenue au Président du Gouvernement espagnol, aux ministres qui l'accompagnent, à l'ensemble de sa délégation, dans cette superbe ville de la Rochelle, premier port de plaisance européen avec plus de 3 500 anneaux.
Je voudrais d'abord donner une note d'ambiance. J'ai participé à beaucoup de sommets bilatéraux et rarement de façon aussi agréable. Nous avons eu une relation à la fois apaisée, confiante, amicale, c'était vrai au niveau des entretiens entre les ministres et au niveau de nos entretiens avec le Président José Maria Aznar.
L'Espagne et la France sont deux nations qui d'une certaine façon partagent un même destin et sont engagées sur une même voie, une voie qu'ils doivent poursuivre la main dans la main. Cette voie, c'est celle qui tient à une vision partagée de l'Europe sociale, de l'Europe monétaire, de l'Europe économique, et j'ai tenu à rendre hommage aux résultats spectaculaires de l'action du Gouvernement espagnol dans le domaine du chômage, du développement économique et industriel, dans le domaine monétaire avec l'entrée dans l'euro dans des conditions excellentes, dans le domaine politique avec la trêve de l'ETA et les dernières élections du mois d'octobre. Une même vision de l'Europe, mais également une même vocation à promouvoir un espace méditerranéen stable, développé, pacifique. Ce qui explique notre intérêt identique pour la solution des problèmes, des conflits qui existent sur le pourtour méditerranéen, et l'importance que nous attachons ensemble au bon déroulement du processus de Barcelone.
Enfin, un même intérêt au renforcement des liens naturels entre l'Europe et l'Amérique latine. L'Europe est à la fois le premier client, le premier fournisseur, le premier investisseur, le premier donneur d'aide publique au développement pour l'Amérique latine. Nous avons une culture commune et l'Espagne et la France ont une responsabilité particulière dans le renforcement de ces liens, d'où l'importance que nous attachons ensemble à la préparation du Sommet de Rio en juin prochain, qui réunira à la fois les pays européens et les pays de l'Amérique latine et de la Caraïbe.
Nous avons aussi évoqué, naturellement, les problèmes bilatéraux, l'indispensable poursuite de notre coopération policière et judiciaire dans la lutte contre le terrorisme, cela va de soi, la poursuite d'une bonne coopération qui a donné des résultats entre les administrations et les organisations professionnelles espagnoles et françaises dans les secteurs un peu difficiles, traditionnellement, celui de la pêche, des fruits et des légumes, le nécessaire renforcement de notre coopération industrielle, notamment dans le domaine aéronautique, et l'importance de notre coopération qui doit se développer dans le domaine scolaire et universitaire, en particulier avec des progrès pour l'équivalence entre la "selectividad" espagnole et le baccalauréat français, et aussi les accords universitaires.
Nous avons évoqué aussi les problèmes européens, dans le cadre de la préparation du Sommet de Vienne qui, vous le savez, sera important puisque les Quinze ont retenu le principe, pris la décision de régler le problème de l'Agenda 2000 sous présidence allemande, c'est-à-dire dans le premier semestre de l'année prochaine. C'est évidemment une grande ambition et un grand problème à régler, et il nous est apparu que notre approche était identique, c'est-à-dire que nous considérons que tous les sujets doivent être mis sur la table et que chacun doit naturellement défendre ses intérêts mais accepter de faire un pas vers les autres, et que c'est à ce prix que nous arriverons à un accord.
Nous avons estimé, plus généralement, qu'on devait stabiliser les dépenses, et d'autre part multiplier les contacts, notamment hispano-français, pour arriver au Sommet de Vienne avec déjà des convergences dans nos approches. Nous avons également évoqué les problèmes de l'emploi puisque, comme vous le savez, il y aura à Vienne l'examen des lignes directrices sur l'emploi. Enfin, nous avons évoqué les problèmes internationaux. Je ne développerai pas, mais j'observe simplement que là aussi, depuis les problèmes de l'Amérique latine en passant par les problèmes du Moyen-Orient, de l'Irak, du Sahara, les problèmes européens, la Russie, la crise financière et monétaire, nous avons une approche et des conclusions qui sont très semblables. Voilà ce que nous avons fait ce matin, et nous l'avons fait vraiment comme des amis, je tiens à le souligner.
M. José Maria AZNAR - D'abord, je veux remercier le Président de la République et le Premier ministre pour leur hospitalité, et je veux saluer très cordialement et spécialement la presse française, et aussi la presse espagnole. Je veux dire que je partage tout à fait la considération qu'a fait le Président de la République. Si les moments de la relation hispano-française sont excellents, les résultats de ce Sommet est un résultat aussi excellent. Nous avons travaillé dans une ambiance de grande cordialité et nous avons obtenu de bons résultats de notre travail, de notre relation.
Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit le Président de la République en ce qui concerne les relations politiques entre l'Espagne et la France, en ce qui concerne les objectifs communs qui sont les nôtres dans le domaine européen, en ce qui concerne les objectifs communs sur le plan international. Nous avons effectivement des vues tout à fait communes, notamment en ce qui concerne le souhait que nous avons de travailler conjointement. Je voudrais dire qu'en plus d'avoir cette vue globale et en détail en matière européenne et en matière internationale, nous avons évidemment vu un peu toutes les questions ensemble, et je voudrais dire, et probablement il y aura des questions là-dessus, certainement, je voudrais dire que je suis très reconnaissant au Gouvernement français de sa coopération en ce qui concerne la lutte contre les terroristes. Je dois dire que d'une façon constante ça a été un fait, et le Gouvernement français et le Président ont véritablement permis d'arriver à une nouvelle situation permettant à l'Espagne de compter sur le fait que la violence terroriste disparaisse. Si la coopération internationale a été déterminante dans tout ce processus, je dois dire que la coopération française a été particulièrement importante et déterminante. Je veux le dire, je veux le souligner, je veux le dire très sincèrement, je veux exprimer ma reconnaissance vis-à-vis de la France. En ce qui concerne la politique anti-terroriste, nous avons un accord total, et nous l'avons toujours eu, et nous l'avons toujours. Je dois dire que nous avons un accord total aussi sur la nouvelle situation en la matière, la situation de non-violence et l'évolution éventuelle. Je ne peux pas ajouter autre chose. Il y a une entente tout à fait parfaite dans ce domaine. Par conséquent, le travail qui a été fait, les conclusions auxquelles nous avons abouti et naturellement la poursuite de cette collaboration sont des points tout à fait importants, et je veux remercier la France pour cela. Je voulais dire cela au cours de cette introduction parce que je suis tout à fait d'accord en ce qui concerne les propos qui viennent d'être tenus par le Président de la République, donc je n'ai rien à ajouter dans mon introduction. Merci.
LE PREMIER MINISTRE: - Monsieur le Président, je pourraiS être très bref. Si ce Sommet a été marqué par l'amitié, c'est sans doute en raison des liens qui se sont noués entre les ministres et les deux chefs de Gouvernement au cours de ces derniers mois dans le prolongement des liens que vous aviez noués auparavant vous-même avec les autorités espagnoles. Il fallait aussi apprendre à se connaître et à travailler ensemble. Mais c'est sans doute aussi parce qu'il n'y a pas entre la France et l'Espagne, en dehors de tout ce qui les unit aujourd'hui, de contentieux. Lorsque des problèmes sont sensibles, nous le savons, comme celui de la pêche ou des fruits et légumes, nous mettons en place les structures qui permettent de les traiter dans un esprit constructif. J'ai remercié et nous remercions le Président du gouvernement espagnol de nous avoir informés sur les évolutions récentes qui ont été annoncées ou qui peut-être se dessinent dans son pays, et dont nous espérons qu'elles déboucheront positivement pour que l'Espagne soit libérée de la violence. Je lui ai simplement confirmé, au nom du Gouvernement et à vos côtés, Monsieur le Président de la République, que le Gouvernement entendait poursuivre dans les mêmes conditions la coopération sur les problèmes de sécurité et la coopération judiciaire dans laquelle il était engagé, et que nous accompagnerons l'Espagne en respectant naturellement ses choix.
Sur Agenda 2000, vous avez dit, je crois, ce qui devait être dit, Monsieur le Président de la République. C'est vrai que nous voulons prendre au sérieux l'affirmation du Chancelier allemand selon laquelle il serait souhaitable de conclure sous la présidence allemande.
Nous connaissons la difficulté de la négociation sur Agenda 2000, nous pensons que ce n'est pas une raison pour garder les problèmes devant nous. Au contraire, nous pensons qu'il faut entrer dans la négociation comme vous l'avez dit "tout mettre sur la table" et rechercher, dès maintenant, les voies d'un compromis. Nous le ferons d'une façon multilatérale. Nous le ferons avec d'autres partenaires. Mais nous avons aussi décidé de rechercher ces points d'accords avec l'Espagne.
En ce qui concerne certains problèmes bilatéraux, je voudrais dire que j'ai insisté, ainsi que vous l'avez suggéré, Monsieur le Président, sur les problèmes de l'aéronautique. Nous pensons que c'était là un secteur décisif, très important pour le Gouvernement. Nous restons dans l'esprit de la construction d'une industrie civile et militaire européenne. Nous souhaitons que l'Espagne et son industrie participent à cette aventure. Des contacts existent entre les industriels. Nous pensons que c'est la recherche d'une association équilibrée et dans le cadre d'un partenariat stratégique qui est la meilleure approche, et c'est ce que nous avons suggéré.
Voilà Monsieur le Président de la République, nous avons parlé d'autres sujets. La représentation extérieure de l'euro, l'élargissement, enfin de bien des questions, mais je ne veux pas prolonger ce que vous avez vous-même dit et je m'associe au climat général qui a présidé à nos entretiens.
QUESTION: Monsieur le Président, avez-vous trouvé un accord sur les divergences qui existent entre vous, la France et l'Espagne, sur les fonds structurels et les fonds de cohésion, pour revenir à l'Agenda 2000 ?
LE PRÉSIDENT: Il n'était pas question pour nous, ici, de faire une étude détaillée des problèmes. Il y a pour cela d'autres instances. En revanche, nous avons dit à nos amis espagnols que nous comprenions parfaitement leur position et que nous ferions tout pour que, dans ce domaine, une solution équitable et conforme aux intérêts de l'Espagne soit retenue.
M. AZNAR: - Naturellement, nous avons parlé, comme l'a dit le Président de la République, des questions de l'Agenda 2000. Nous sommes très conscients des difficultés qui existent pour arriver à un accord sur l'Agenda 2000. Nous sommes arrivés à une conclusion qui consiste à essayer de faire que l'Agenda 2000 et les principaux problèmes soient résolus pour le printemps 1999, le printemps prochain, sous présidence allemande. Pour ce faire, nous devons commencer à travailler tout de suite. D'ailleurs, c'est ce que nous allons faire. Nous espérons le faire lors du Conseil européen de Vienne. Pour ce Conseil européen, il est évident qu'il y a toujours des points de départ qui peuvent être éloignés. Mais ce qu'il faut faire, c'est arriver à se rapprocher. Ce que je voudrais dire, ce dont il s'agit essentiellement, c'est de résoudre la question des perspectives financières de l'Union européenne à quinze pour la période 2000-2006.
Je pense que sur un plan politique nous pouvons espérer trouver raisonnablement des solutions à partir des différents points de vues existants. Ce que nous souhaitons, c'est-à-dire le souhait de la France et de l'Espagne, c'est qu'on y arrive le plus rapidement possible. C'est pour cela qu'on va commencer à travailler ensemble, je le répète.
Il y a des points sur lesquels nous sommes tout à fait d'accord. Effectivement, il ne peut pas y avoir une renationalisation de certaines politiques comme l'agriculture. Il ne faut pas qu'il y ait rupture avec les principes de solidarité ou de cohésion qui sont en fait les objectifs de l'Union européenne dès le début.
Réduire les différences de revenus représente un objectif de l'Union européenne, mais il y a des instruments financiers qui sont utiles pour ce faire. C'est ainsi, naturellement, que nous atteindrons les objectifs, non seulement d'un pays, mais de tous les pays. Ce qui est tout à fait opportun, c'est que les objectifs de l'intégration européenne, du point de vue politique, du point de vue économique et du point de vue social, soient atteints, cela, le mieux possible. Naturellement, ce serait plutôt absurde que nous mettions en route l'euro, la monnaie unique, qui est un élément d'intégration essentielle, que nous parlions d'une intégration en ce qui concerne la PESC et que nous parlions de davantage de coordination en ce qui concerne les politiques économiques, que nous nous préoccupions des questions en matière d'emploi et que nous compromettions ce que représente la mise en oeuvre de politiques communes ou du principe de solidarité.
Voilà, en tous les cas c'est bon de parler. Il faut absolument parler entre nous, sans aucun doute avec des objectifs politiques communs entre le Gouvernement français et le Gouvernement espagnol
QUESTION: - - Je voudrais poser une question aux représentants de la France pour qu'ils nous disent ce que peut faire la France, sur le plan policier et sur le plan politique puisque l'on en a parlé lors de ce sommet, pour que la trêve soit consolidée, la trêve qui existe en Espagne, pour qu'il y ait une paix définitive.
LE PREMIER MINISTRE: - Monsieur le Président de la République, je confirme ce que j'ai dit. Dans cette situation peut-être nouvelle dont nous espérons qu'elle débouchera sur des évolutions tout à fait positives pour l'Espagne et notamment qu'elle permettra à ce pays d'être libéré de la violence, le Gouvernement français va maintenir totalement sa coopération sur le plan policier et judiciaire. Que pouvons-nous faire, dîtes-vous, en des termes plus politiques ? Accompagner sans doute l'Espagne de notre amitié, en rien la précéder sur un terrain où elle est la responsable, c'est une question qui est posée pour l'Espagne et en Espagne, qui peut avoir à tel ou tel moment des interférences avec des problèmes qui peuvent être posés chez nous. Mais je le dis, c'est l'Espagne, c'est les autorités espagnoles qui vont maîtriser ce processus et nous les accompagnerons avec attention et avec amitié.
QUESTION: Une question concernant l'Europe et plus spécifiquement la réforme des institutions. Est-ce que vous en avez parlé, est-ce que l'Espagne et la France ont les mêmes positions ?
LE PRESIDENT: Oui, l'Espagne et la France ont les mêmes positions pour ce qui concerne d'abord le principe, c'est-à-dire la nécessité de réaliser la réforme des institutions avant l'élargissement, avant le premier élargissement. Sur les modalités, cela relève d'une discussion plus générale entre les Quinze et cette discussion n'est pas encore engagée.
QUESTION: - L'ancien ministre Inchauspé, à l'Assemblée nationale, a envisagé la création d'un département basque. Il a dit que comme cela il n'y aurait plus de fond de commerce pour les séparatistes. Je voudrais savoir comment réagissent les autorités françaises et je voudrais demander à M. Jospin, la chose suivante. Mme Nicole Pery a parlé des prisonniers basques qui se trouvent en France. Je voudrais savoir si elle avait raison en ce qui concerne le fait que le Gouvernement pourrait prendre certaines mesures.
LE PREMIER MINISTRE: - Madame Nicole Pery, qui est membre du Gouvernement depuis quelques mois est française, basque, attachée à sa culture, à ses racines, à des traditions, pleinement républicaine et ennemie bien sûr, comme nous tous, de toute violence. Elle n'a pas fait de déclaration sur ces sujets, ni comme parlementaire, il y a encore quelques mois, ni bien sûr comme ministre. Simplement, il y a eu une expression émise dans un groupe d'un conseil municipal et je pense qu'à partir de là certains dans la presse ont peut-être fait des confusions. Donc je voulais, puisque vous me posez cette question, faire cette mise au point. En ce qui concerne le département basque, il semble que ça relève autant du Premier ministre que du Président de la République. Donc peut-être en parlerons-nous ensemble.
QUESTION: - Avez-vous évoqué des possibilités concrètes sur le rôle futur de Casa dans l'aéronautique européenne ?
LE PREMIER MINISTRE: - Oui madame, j'ai évoqué ces questions, à la fois en rappelant que conformément à l'esprit de la déclaration qui avait été signée à la fin de l'année dernière par le Président de la République française, le Premier ministre britannique, le Chancelier allemand et le Premier ministre français, affirmant la volonté de construire une grande industrie européenne de l'aéronautique et de l'espace, éventuellement, au moins à terme, civile mais aussi militaire, et que cette construction, qui allait appartenir aux industriels naturellement et aux entreprises, devait selon nous être fondée sur le respect d'équilibre, d'équilibre entre ces puissances industrielles et d'équilibre aussi entre des nations qui ont investi, et la France au premier chef, et souvent comme pionnier dans l'aéronautique et l'espace. Et nous restons du côté français fidèles à cet état d'esprit. Des discussions ont lieu. Nous sommes prêts à participer à des efforts en vue de cette construction. Et nous opérons d'ailleurs pour cela en France les restructurations et les fusions. On pense par exemple à Aérospatiale et Matra Haute Technologie, qui permettent de faciliter ce processus. Nous continuerons, et nous espérons que les industriels avanceront, à faire en sorte que cela se fasse sur ces bases, dans le respect des potentiels et des équilibres. Et nous veillons naturellement à assurer la force du potentiel français dans cet esprit de participation à des négociations. Casa participe déjà à l'aventure d'Airbus dans le GIE. Nous souhaitons que nos partenaires espagnols, mais aussi les italiens, les suédois, à côté des deux autres, allemands et britanniques, continuent à participer de ce processus. Si des discussions peuvent avoir lieu, par exemple entre l'Aérospatiale et Casa, qui discute aussi je crois avec BAC, en raison du changement peut-être du statut de Casa, j'ai redit au Premier ministre espagnol que ce que proposait l'Aérospatiale, la partie française, c'était, non pas un processus d'achat, non pas un processus d'achat financier, mais un véritable partenariat stratégique dans l'esprit que j'ai rappelé tout à l'heure. Donc, c'est dans ce sens que j'ai évoqué les problèmes auprès du Président du Gouvernement espagnol.
QUESTION: - Ma question s'adresse au Président Chirac et au Président AZNAR. La majorité des gouvernements des pays d'Europe sont aujourd'hui dirigés par des coalitions de gauche. J'aimerais savoir si vous ne vous sentez pas un peu isolés dans ce contexte et comment vous vivez cette situation.
LE PRESIDENT: - J'ai déjà eu l'occasion de le dire. L'Europe n'est ni de droite ni de gauche. Sa taille et sa diversité excluent par nature les clivages idéologiques. En revanche, il y a un autre clivage qui existe : c'est celui qui oppose ou peut opposer les anciens et les modernes. Et l'Europe doit être moderne. Moderne, ça veut dire quoi ? Ca veut dire une tête bien faite et un coeur généreux. Cela suppose pour l'Europe d'abord de bien gérer ses affaires pour défendre ses intérêts et compter dans le monde de demain. Cela suppose aussi d'avoir pour objectif le mieux-être de tous les Européens, c'est-à-dire l'amélioration de leurs conditions de vie, de travail, d'emploi. Tout cela ne relève pas de l'idéologie, ça relève du pragmatisme. Et c'est bien l'ambition de tous les responsables européens.
M. AZNAR: Je veux dire, cher ami, que l'isolé c'est lui. Je suis tout à fait d'accord avec le Président de la République. Je suis tout à fait d'accord dans la réponse à ses questions. Il y a un exemple récent, la réunion du Luxembourg sur l'emploi : il y a eu différentes questions, des interprétations extrêmement diverses, puis une approche nouvelle sur l'emploi, puis une résistance.
A la fin, il se trouve que les deux pays qui ont le mieux travaillé en matière d'emploi et qui ont mérité, je dirais même la meilleure note de la part de la Commission européenne, c'est la France et l'Espagne. Parce que, finalement, il est possible que nous ayons une vue un petit peu différente des choses, mais l'objectif de la création d'emplois est un objectif partagé. Nous considérons que notre responsabilité consiste à créer les conditions pour qu'il y ait de plus en plus d'emplois. Nous considérons que c'est ce qu'il y a de plus important. On peut dire que c'est véritablement nous qui avons les meilleurs programmes en matière d'emploi et que nous voulons toujours continuer à travailler conjointement dans ce domaine.
L'évolution est positive sans aucun doute en matière d'emploi. Je connais bien les statistiques espagnoles et je dois dire que nous pouvons en être fier. Quand je suis arrivé au Gouvernement, il y avait en Espagne, 12 200 000 personnes qui travaillaient, maintenant, il y en a 13 200 000. Cela fait donc 1 000 000 d'emplois de plus en deux ans et demi.
Voilà, je crois que c'est une partie de notre responsabilité, de nous responsables européens, étant donné que nous devons affronter l'un des problèmes essentiels, et je dois dire que la France et l'Espagne véritablement sont ceux qui travaillent le mieux en ce qui concerne l'emploi. Les autres, ce sont des circonstances conjoncturelles, c'est tout.
QUESTION: Monsieur Jospin, je voudrais vous poser une question. Votre Gouvernement peut-il garantir le respect des engagements assumés lors d'un sommet antérieur, c'est-à-dire pour ce qui est de l'adaptation des voies de chemin de fer au train à grande vitesse par les Pyrénées.
LE PREMIER MINISTRE: Cette question du TGV méditerranéen à grande vitesse a été abordée entre les ministres, puis au niveau des chefs d'Etat et de Gouvernement dans ce sommet. En ce qui concerne la fraction ou le tronçon Perpignan/Figueras, les études techniques sont en cours d'achèvement et seront examinées par la Commission intergouvernementale entre les deux gouvernements qui sera installée le 9 décembre, qui doit fonctionner sous présidence alternative et qui va commencer à fonctionner sous présidence espagnole. Les deux gouvernements réaffirment l'objectif de 2004.
Sur les tronçons Barcelone-Figueras qui sont de responsabilité espagnole, et Nîmes-Perpignan qui est de responsabilité française, nos autorités sont toutes deux favorables à l'accélération des procédures afin de tenir les calendriers.
QUESTION: Nous avons entendu Monsieur José Maria Aznar. Il nous a parlé d'une renationalisation de la politique agricole commune. Il nous a dit qu'il était contre. Mais on a parlé aussi des fonds de cohésion. Nous n'avons entendu personne parler de ces fonds de cohésion, ou de la position française. Certains semblent vouloir que les fonds de cohésion disparaissent pour certains pays.
LE PREMIER MINISTRE: Toutes les questions ont été abordées. Nous ne sommes qu'au début d'une négociation mais, déjà, nous essayons de voir quelles pourrait en être les conclusions d'une négociation. Il va falloir travailler. Je pense que sur l'idée de la maîtrise de la stabilisation des dépenses à Quinze, il y a accord, même si les bases sur lesquelles cette stabilisation se fait, fait encore l'objet de discussions.
Je pense que nous sommes d'accord et là, absolument, pour qu'il y ait une étanchéité, une séparation entre ce qui concerne le financement des politiques à Quinze, et ce qui concerne le financement de l'élargissement.
D'accord aussi en ce qui concerne l'élargissement pour une approche tout à fait positive, mais qui doit être en même temps réaliste, de façon à ne pas décevoir les pays candidats. D'ailleurs, le réalisme progresse de ce côté là. Mon voyage en République tchèque vient de me le montrer.
Nous sommes attachés aux fonds structurels. Un certain nombre de régions françaises, elles-mêmes, bénéficient de ces fonds. Nous pouvons tout à fait comprendre que l'Espagne y soit encore plus attachée en quelque sorte.
Donc, cela n'est pas en cause. Simplement le problème des efforts que chacun devra faire pour maîtriser les dépenses à Quinze est un problème qui est posé. La question du fonds de cohésion est décisive pour l'Espagne. Elle fait partie des problèmes qui seront examinés. Cette question ne sera pas forcément examinée de la même manière au début de la discussion et à la fin de la discussion.
Un point très important a été marqué que je voudrais souligner derrière le Président du gouvernement espagnol. C'est le fait que sur la politique agricole commune, la France aussi est prête à faire des efforts, parce que c'est sans doute une des conditions du compromis. En tous les cas, le principe du refus d'une renationalisation de la politique agricole commune, des politiques agricoles a été tout à fait réaffirmé par les trois chefs d'Etat et de Gouvernement ici. C'est un point important à mon sens de ce sommet que je voulais rappeler devant vous.
LE PRESIDENT: - J'ajoute, Madame, que vous aurez remarqué que la discussion, comme vient de le dire le Premier ministre, est tout à fait ouverte, mais que la France n'a pas fait partie des pays qui ont demandé que les pays qui entrent dans l'euro n'aient plus accès au fonds de cohésion. La France n'a pas demandé cela.
Mesdames, Messieurs, à nos amis espagnols, bon retour en Espagne. Notre prochain sommet aura lieu chez vous.
|