LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Paris, le 17 mars 2004

Monsieur,

Vous avez exprimé les inquiétudes, les attentes et l'ambition de nombreux scientifiques de notre pays pour la recherche française.

Depuis les débuts de la Ve République, la France s'est dotée d'une politique scientifique dont l'État a été l'un des principaux moteurs. Il le restera. Cette politique a permis à la nation de développer de puissants organismes de recherche et des pôles universitaires prestigieux qui participent dans de nombreux domaines au rayonnement intellectuel et à la réussite économique de la France.

Mais nous sommes aujourd'hui confrontés à de nouveaux défis car la France et l'Europe ont pris du retard. C'est pourquoi j'ai souhaité en janvier dernier que la politique de recherche de notre pays soit relancée à travers une nouvelle loi d'orientation et de programmation.

Pour rester fidèle à notre tradition d'excellence, la nation doit en effet exprimer une ambition scientifique adaptée aux exigences de notre temps et se doter d'un nouveau cadre stratégique et financier pour le développement de son effort de recherche. C'est à mes yeux l'un des impératifs majeurs de notre avenir.

Je souhaite que la loi d'orientation et de programmation définisse nos priorités et mette en place ce nouveau cadre. Elle devra hiérarchiser nos objectifs en termes de disciplines et de projets. Elle planifiera de manière transparente l'évolution chiffrée des effectifs et des crédits de la recherche. Elle garantira la continuité de la mise en oeuvre de notre politique. Elle mettra un terme à une gestion de la recherche incompatible avec la conduite de projets pluriannuels car marquée, y compris dans la période récente, par trop d'à-coups, d'incertitudes et de rigidités d'organisation.

J'ai fixé pour la France l'objectif de 3 % de la richesse nationale consacrés à la recherche d'ici à 2010. Cet objectif correspond à celui que l'Europe s'est donné au Conseil européen de Lisbonne. Pour l'atteindre, il faudra non seulement que l'effort privé de recherche progresse, mais aussi augmenter les moyens de la recherche publique, en particulier dans des domaines aussi déterminants pour l'avenir que les sciences du vivant.

Le Gouvernement vient de prendre des engagements en ce sens. Il lui appartient de les préciser et de les concrétiser, en concertation étroite avec les acteurs de la recherche publique.

Vous vous êtes inquiété à juste titre de la désaffection des jeunes pour les métiers scientifiques. Je partage cette préoccupation. Aussi ai-je demandé au Gouvernement de mettre en oeuvre un plan national pour la diffusion de la culture scientifique et technique. Il a été adopté au Conseil des ministres du 25 février 2004.

Mais au-delà de cette mobilisation se pose la question des débouchés des jeunes chercheurs. La recherche française a besoin de l'apport de jeunes scientifiques prêts à lui consacrer leur intelligence et leur énergie. Je souhaite que l'élaboration de la loi d'orientation et de programmation soit l'occasion de leur ouvrir des perspectives nouvelles. C'est dans ce cadre et non au coup par coup que devra être défini, pour toute la durée d'application de la loi, le niveau des recrutements des chercheurs statutaires des établissements publics à caractère scientifique et technique comme des enseignants-chercheurs des universités. Les décisions seront prises à partir d'un dialogue approfondi du Gouvernement avec la communauté scientifique. Elles devront être conformes à notre ambition pour la recherche.

Le Premier ministre a annoncé hier qu'une discussion nationale sur l'emploi scientifique et les métiers de la recherche sera très prochainement organisée par le Gouvernement. Elle permettra de traiter l'ensemble des questions que vous avez soulevées dans ce domaine.

Par ailleurs, les chercheurs ont exprimé le besoin de davantage d'efficacité, de souplesse et de liberté de gestion. Cette demande sera prise en compte, notamment en élargissant la place faite à la recherche par projets.

Au-delà des réponses déjà apportées par le Gouvernement aux préoccupations dont vous êtes porteur, c'est dans l'élaboration de la loi d'orientation et de programmation de la recherche que pourront être définis les priorités stratégiques, les règles et les moyens de notre politique de recherche.

Je souhaite donc que l'élaboration de ce texte fondateur, qui sera soumis à la délibération du Parlement avant la fin de l'année, se fasse, sous l'autorité du Gouvernement, en concertation étroite avec le monde de la recherche, dans toute sa diversité.

Le comité de hautes personnalités présidé par le Professeur Baulieu jouera un rôle très important dans cette réflexion large et ouverte. Il a engagé ses travaux hier. Je suis heureux que vous y participiez au nom du collectif que vous animez. Comme le Premier ministre l'a annoncé hier, le Gouvernement examinera avec la communauté scientifique l'ensemble des questions que vous avez soulevées. Le débat est lancé. Le travail a commencé. J'appelle tous les chercheurs à y prendre part. C'est une chance pour l'avenir de la recherche. Et c'est ainsi que la loi d'orientation et de programmation pourra être à la hauteur de nos ambitions.

Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Jacques CHIRAC

Monsieur Alain TRAUTMANN Collectif "Sauvons la Recherche" Institut Cochin - PARIS