ALLOCUTION PRONONCÉE PAR MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
A L'OCCASION DU DÎNER D'ÉTAT OFFERT EN SON HONNEUR PAR SON EXCELLENCE MONSIEUR JORGE SAMPAIO PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU PORTUGAL
PALAIS D'AJUDA - LISBONNE - PORTUGAL
JEUDI 4 FÉVRIER 1999
Monsieur le Président, cher Ami, Madame, Mesdames et Messieurs,
Merci, Monsieur le Président, pour ces instants que ma délégation et moi-même n'oublierons pas. Merci pour votre invitation à rencontrer le Portugal et son grand peuple, dont nous, Français, nous sentons si proches.
Le Portugal de toujours, la plus ancienne nation d'Europe et l'une des plus audacieuses aussi dans l'Histoire. Terre d'aventure, baignée des embruns de l'Atlantique, avec l'infini pour horizon. Berceau des grands navigateurs, qui sans cesse lancèrent leurs défis aux éléments et à l'océan, et qui sans cesse repoussèrent les limites du monde connu. Et le Portugal d'aujourd'hui, notre partenaire dans l'Union européenne, avec lequel la France souhaite inventer un avenir partagé.
Et merci, Monsieur le Président, pour cette amitié que vous portez à notre pays et que vous nous témoignez à chacune de nos rencontres, comme l'an passé, à l'occasion de votre visite à Paris pour l'inauguration à la Sorbonne de la grande exposition consacrée à Vasco de Gama. Les sentiments que vous venez d'exprimer, les mots que vous avez trouvés pour les dire nous ont profondément touchés.
Ils sont à l'image de l'hospitalité portugaise et de l'accueil réservé depuis toujours par vos compatriotes aux femmes et aux hommes de France, à leurs oeuvres et à leurs idées. Ils sont à l'image de l'ancienne et fraternelle relation entre le Portugal et la France. Relation nourrie et vivifiée par ceux des vôtres venus, pour un temps ou pour toujours, vivre chez nous.
Vos paroles sont à l'image des affinités culturelles profondes qui nous unissent, et qui forment le socle de notre long compagnonnage. Affinités qui vivent et grandissent ici dans les nombreux établissements culturels et scolaires français. Qui se nourrissent aussi de partenariats exemplaires avec vos grands Instituts et Fondations.
Vos propos, Monsieur le Président, sont à l'image de ce qu'est aujourd'hui notre relation économique. Le Portugal, dont les succès impressionnent, est maintenant un partenaire majeur de la France. Nous venons en troisième position pour nos échanges. Nous sommes chez vous le second investisseur. Nos entreprises, grandes ou petites, participent de plus en plus nombreuses à votre croissance. Et la France est fière d'accompagner, avec le pont Vasco de Gama, avec le prolongement du métro de Lisbonne, avec bientôt la ligne ferroviaire qui doublera le Pont du 25 avril, les grands chantiers de communication et d'équipements d'un pays qui, comme jadis, bâtit sa puissance sur l'ouverture au monde.
Vos propos, Monsieur le Président, reflètent enfin la communauté de pensée et d'idéaux qui rassemble Portugais et Français. Nous sommes deux peuples qui avons le même souci de l'homme. En 1935, alors que d'inquiétants nuages s'amoncelaient au-dessus de l'Europe, Fernando Pessoa écrivait dans son manifeste humaniste. " Garder toujours la Mémoire, combattre toujours et partout ces trois assassins : l'Ignorance, le Fanatisme, la Tyrannie ".
Le temps a passé. Pourtant, si l'Europe a réussi à bâtir et consolider la paix et la démocratie, l'urgence demeure pour des millions d'êtres humains dans le monde. Et Portugais et Français, qui ont noué des liens sur tous les continents, qui ont exercé et exercent des responsabilités à l'échelle de la planète, ont la même ambition. Vaincre, toujours et partout, la violence et l'aveuglement. Vaincre aussi la misère, la maladie, et d'abord l'égoïsme, le repli sur soi, l'indifférence. Vaincre les maux qui menacent nos sociétés et nos jeunesses : le crime organisé, les trafics de toutes sortes et d'abord celui de la drogue, dont nous parlions cet après-midi.
Ensemble, Monsieur le Président, forgeons l'avenir. Un avenir qui fasse toute sa place à l'homme.
Au 1er janvier de l'an 2000 -date ô combien symbolique !-, c'est le Portugal qui présidera l'Union européenne. Puis la France lui succédera au second semestre. Alors, travaillons la main dans la main pour que cette année 2000 voit progresser notre ambition européenne commune !
Le Portugal et la France font partie des onze pays qui ont réussi l'euro. Ensemble, faisons l'Europe sociale, l'Europe des hommes, généreuse, solidaire, attentive aux préoccupations et aux inquiétudes des citoyens, au premier rang desquelles, bien sûr, le chômage et l'exclusion.
Affirmons aussi l'Europe puissance. Une Europe qui doit exercer, à l'échelle du monde, des responsabilités politiques à la mesure de son histoire, de son poids économique, de ses capacités scientifiques et technologiques. Une Europe qui doit pouvoir parler d'une seule et même voix à l'occasion des crises et qui se donne les moyens d'agir lorsque ses intérêts sont en jeu ou ses idéaux humanistes bafoués.
Nous sommes deux peuples fiers de leur passé, attachés à leurs cultures, à leurs valeurs et aux langues qui les portent. Vous et nous croyons que le monde de demain, pour conserver toute sa richesse, doit permettre le développement et le dialogue de toutes les cultures. Voilà pourquoi le Portugal et ses partenaires lusophones d'une part, la France et ses partenaires francophones d'autre part, mènent croisade pour que leur langue soit présente dans les grands courants d'échanges, et notamment sur les réseaux de l'information. C'est un défi, Monsieur le Président, que nous pouvons et que nous devons relever ensemble.
Notre influence, nos liens historiques, notre amitié avec tant de pays, nous les avons mis au service de la paix.
La paix en Europe, à nos portes, dans les Balkans où vous l'avez rappelez nous sommes engagés côte à côte et où nous voulons ensemble faire cesser la barbarie et pour que s'enracinent la démocratie et les droits de l'homme.
La paix en Afrique. Cette Afrique qui nous tient à coeur. L'Afrique que l'Europe rencontrera, l'an prochain, à l'initiative du Portugal, à l'occasion du premier Sommet réunissant les chefs d'Etat et de Gouvernement de nos deux continents. L'Afrique que nous devons aider sur le chemin de la démocratie, de la sécurité et du développement.
La paix en Asie. L'Asie que le Portugal et la France aiment et connaissent, et où votre pays continue d'être présent. Nous espérons avec vous que les efforts déployés, sous l'égide du secrétaire général des Nations unies, permettront enfin, au Timor oriental, une solution acceptable par tous et conforme aux aspirations légitimes de ses habitants.
Et puis, Monsieur le Président, nous devons préparer ensemble notre grand rendez-vous de Rio. Pour la première fois, se réuniront, en juin prochain, en terre lusophone, les chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Amérique latine, de la Caraïbe et de l'Europe. Cette rencontre historique, dont les enjeux sont économiques mais aussi politiques et culturels, Portugais et Français veulent la réussir pour que s'affirme un monde multipolaire plus équilibré.
C'est dire tout l'enjeu de l'amitié luso-française. C'est dire tout ce que nous pouvons et tout ce que nous voulons bâtir sur cette relation exceptionnelle, cette fraternité qui unit, depuis longtemps, le Portugal et la France. Et je me réjouis de rencontrer cette volonté chez vous, Monsieur le Président, auprès du Premier ministre, que je salue ici et qui est mon ami, et aussi auprès de votre gouvernement comme auprès des élus de la nation portugaise.
C'est fort de cette ambition partagée et confiant dans les succès de notre amitié que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève en votre honneur, Monsieur le Président, et en l'honneur de Madame Sampaio à qui je présente mes très respectueux hommages. Je le lève, Monsieur le Premier ministre, en votre honneur. Je le lève en l'honneur des hautes personnalités portugaises et françaises qui nous font l'amitié de leur présence ce soir. Je le lève en l'honneur du peuple portugais, du grand peuple portugais, notre frère, à qui je souhaite bonheur et prospérité.
Vive le Portugal ! Et vive la France ! |