Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC Président de la République, de M. Gerhard SCHROEDER Chancelier de la République fédérale d'Allemagne et de M. Lionel JOSPIN Premier ministre lors de la rencontre informelle franco-allemande.


Blaesheim, Bas-Rhin, mercredi 31 janvier 2001.


LE PRÉSIDENT - Je voudrais d'abord dire que nous avons eu un dîner agréable, important et utile. Après la période toujours difficile d'une présidence, je crois qu'il était bon que nous puissions, en commun, exprimer nos sentiments et surtout notre vision de l'avenir. Et nous avons tout naturellement observé que cette vision était une vision commune. Nous avons donc réfléchi sur l'ensemble de ces problèmes et décidé de conduire, ensemble, une politique d'approfondissement de l'Europe, pour une Europe à la fois démocratique, pacifique et prospère. Pour ma part, je suis très heureux de ce dîner.

LE CHANCELIER SCHROEDER - Nous avons eu une discussion franche et très ouverte, pour parler des erreurs que nous avons pu commettre. Mais surtout, on a reparlé de ce que nous avons fait de bien et de ce que nous allons continuer à bien faire.

La France et l'Allemagne, les responsables de ces deux pays, sont tout à fait d'accord pour dire que nous avons une occasion historique à faire ensemble, et seulement ensemble, une chose qui n'a encore jamais existé dans l'histoire de notre continent. Nous pouvons maintenant parvenir à faire que cette Europe soit unie, à en faire un lieu de paix durable et de prospérité pour ses citoyens et quelles que soient nos petites dissensions, nos petites divergences de vues.

C'est une mission historique que seules la France et l'Allemagne peuvent accomplir ensemble. Et nous sommes vraiment d'accord. C'est, là, vraiment notre responsabilité et c'est une responsabilité que nous voulons assumer, que nous allons assumer, tout en étant tout à fait conscients de ce que nous avons à faire et conscients des difficultés du quotidien.

La France et l'Allemagne, l'Allemagne et la France ont une mission historique à accomplir pour faire de ce continent, si l'on n'est pas divisé, un continent uni, un lieu de paix et de prospérité des Européens.

LE PREMIER MINISTRE - C'était un dîner fraternel, sincère, lucide et, à mon sens, totalement tourné vers l'avenir, immédiat avec quelques rendez-vous dont nous devons parler ensemble, avec nos amis de l'Europe, et pour les années qui viennent où nous avons à construire une nouvelle architecture.

Et donc c'est un dîner dont nous avons été heureux, je crois, et peut-être parce que c'était le changement du siècle, peu tourné vers le passé et vraiment orienté vers l'avenir.

QUESTION - Sincèrement, entre vous, est-ce que ce n'est pas un handicap puisqu'il y a des élections en France pour l'année qui vient, de parler de l'avenir de l'Europe ? Est-ce que cela ne vous handicape pas, vous les Allemands et nous les Français ?

LE CHANCELIER SCHROEDER - Il y a toujours des élections partout. Mais la responsabilité historique de notre projet commun, elle existe indépendamment des élections.

LE PRÉSIDENT - C'est la loi de la démocratie.

LE PREMIER MINISTRE - Personne n'a vu la démocratie comme un handicap.

QUESTION - Messieurs, la semaine dernière le Chancelier allemand a fait un discours très apprécié. Qu'est-ce que vous avez à en dire, Monsieur le Président, à dire sur la vision française pour l'Europe ?

LE PRÉSIDENT - Je me permets de vous faire remarquer que, pour ce qui me concerne, je me suis exprimé, il n'y a pas si longtemps, devant le Bundestag. Je n'ai pas observé que cela avait été considéré comme quelque chose de totalement négligeable.

Pour ce qui concerne l'avenir à partir de Nice, nous avons écouté attentivement, naturellement, ce qu'a dit le Chancelier, avec tout l'intérêt que vous imaginez et nous avons souhaité en parler ensemble, ce soir. Ce que nous avons fait.

Nous avons observé tout simplement que notre vision de l'Europe de demain était commune et surtout que nous avions bien conscience que l'Europe, si elle voulait progresser, supposait que le moteur franco-allemand fonctionne et que la France et l'Allemagne, à égalité de devoirs, et de droits, tirent dans le même sens. Sinon l'Europe ne se fera pas ou en tous les cas moins bien. Et de cela nous sommes, ensemble, convaincus et c'est ce qui va conduire à notre action commune.

LE CHANCELIER SCHROEDER - Il faut que vous vous habituiez à ce que ce genre de rencontres informelles se reproduisent toutes les six à huit semaines à l'avenir et vous serez tous cordialement invités à venir en parler.

LE PREMIER MINISTRE - Je voudrais simplement ajouter que, rapidement quand même, vous aurez à nous attendre dans un climat plus clément. Et c'est vrai que cette suggestion faite par le Chancelier, qui fait que dans ce cercle à la fois restreint et de pleine responsabilité, nous nous voyons toutes les six à huit semaines pour parler de la même manière, sincère et tranquille, des rendez-vous que nous avons à affronter en commun, je pense que c'est une bonne méthode.

Par ailleurs nous avons demandé aux deux ministres des Affaires étrangères, Joschka FISCHER et Hubert VÉDRINE de réfléchir aussi à un certain nombre de modalités pour faire que ce débat, nécessaire entre nous, et ce moteur aussi, qui doit fonctionner au service de l'Europe, avec nos partenaires, pour que tout cela fonctionne bien. Alors, je crois que nous avons suffisamment de rendez-vous devant nous pour que nous n'ayons aucun mal, notamment pour ce qui me concerne, qui ait peut-être été le plus discret jusqu'à maintenant, à définir une doctrine dans l'action.

LE PRÉSIDENT - Merci. Danke schön.