Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de l'inauguration des nouvelles salles du musée du Louvre


Vendredi 19 décembre 1997


Madame la Ministre,

Messieurs les Ministres,

Monsieur le Président, cher Maître,

Mesdames et Messieurs les Conservateurs,

Mesdames et Messieurs,

Monsieur le Président, ces nouvelles salles que nous venons d'inaugurer marquent l'aboutissement d'un immense chantier. Un chantier qui a été voulu et porté par mon prédécesseur, Monsieur François Mitterrand, qui attachait à ce grand projet un prix tout particulier.

Ont été mobilisés des concours financiers et humains considérables, de véritables armées de spécialistes, de créateurs, de techniciens, et des trésors de compétences, d'énergie, de passion.

Ce chantier exemplaire, vous l'avez mené, Monsieur le Président, dans des conditions souvent difficiles, sans jamais décevoir les espérances de millions d'amateurs, en veillant autant que possible à ce que les visites se poursuivent normalement, à ce que les oeuvres demeurent accessibles, en dépit des travaux et des nombreux déménagements qui ont été nécessaires. Et ce fut un tour de force.

Le résultat est là, sous nos yeux, et il est magnifique. Magnifique par l'espace gagné, par la mise en scène et en lumière, par le nombre et la qualité des trésors d'art et de civilisation exposés.

Ce 19 décembre est une date historique pour les mondes grec, étrusque, et romain, pour l'art italien des XVIème et XVIIème siècles, mais aussi et surtout pour les antiquités égyptiennes et je voudrais saluer la présence, ici, de Monsieur le Ministre de la Culture d'Egypte, de Monsieur BOUTROS GHALI, aussi bien sûr et je voudrais demander au Ministre de transmettre toutes nos très cordiales et mes très cordiales amitiés au Président Hosni MOUBARAK qui avait formé le projet d'être présent pour cette inauguration, avec son épouse, et qui a dû renoncer, pour des raisons de travail, à venir mais qui est de coeur avec nous et je vous demande de bien vouloir lui transmettre toutes nos très cordiales et fidèles amitiés.

Le Musée du Louvre devient en effet l'un des plus beaux musées égyptiens du monde, le plus riche d'Europe par ses collections. Depuis longtemps le plus visité par le public, il est dorénavant l'un des mieux présentés.

Il y a 170 ans, le 15 décembre 1827, le public pénétrait pour la première fois dans ce qui était alors la nouvelle section égyptienne du Louvre. C'est Jean-François CHAMPOLLION, le " père de l'égyptologie ", qui persuada Charles X d'acquérir les prestigieuses collections des Consuls d'Angleterre et de France et de créer de nouvelles salles au Louvre pour les accueillir. Dès lors, le Louvre n'a cessé de bénéficier des relations privilégiées entre l'Egypte et la France. Ses collections n'ont cessé de s'enrichir.

Le Louvre a vocation, cher Maître, à élargir ainsi ses compétences, chaque fois qu'il l'a fait, il ne l'a pas regretté. Acquisitions, partage de fouilles, dons venant de généreux amateurs, ce sont plus de 55 000 pièces qui y sont conservées, embrassant toutes les manifestations du génie égyptien, mais qui, faute de place, demeuraient dans les réserves.

Elles sortent aujourd'hui au grand jour grâce au doublement de l'espace qui leur est consacré. Mais surtout, la nouvelle présentation voulue par les conservateurs et les architectes bouleverse la muséographie.

Un parcours thématique, absolument fascinant, je crois que le mot n'est pas excessif, décrit la vie quotidienne dans l'Egypte antique à partir de thèmes comme l'agriculture, l'habitat, la religion, les temples, le monde des morts, les momies, les dieux, l'écriture. Tandis qu'un autre parcours, chronologique, jalonné par quelques-uns des plus beaux objets de la civilisation égyptienne, retrace quatre millénaires d'art et d'histoire. De la stèle du Roi-Serpent à la statue de la Reine Karomana, du célèbre Scribe accroupi au portrait d'Aménophis IV, du poignard de Gebel el-Arak au mastaba d'Akhethetep, en passant par d'autres magnifiques chefs-d'oeuvre enfin présentés, c'est un véritable éblouissement.

Particulièrement impressionnante, la haie de sarcophages dressés dans la galerie d'Angoulême, l'allée des sphinx, la reconstitution des tombes, les momies d'animaux dont une momie de crocodile qui n'avait jamais été exposée jusqu'à ce jour, la crypte d'Osiris où le visiteur, accueilli dans la pénombre, découvre l'imposant sarcophage de granit de Ramsès III. Autre temps fort de la visite : le papyrus du Livre des Morts qui peut maintenant déployer ses 24 mètres. Oui, à travers une conception résolument moderne de la muséographie, les visiteurs sont conviés à s'émerveiller, à s'émouvoir mais aussi à apprendre et peut-être surtout à comprendre.

Les mondes grec, étrusque et romain gagnent également en espace, en visibilité, en originalité, en efficacité pédagogique. Seront exposées désormais des collections bien plus importantes, présentées autrement et admirablement, comme on peut le voir notamment pour les vases grecs ou les tanagras.

A partir d'aujourd'hui, nous pourrons effectuer un voyage à travers toute la création artistique de la Grèce préclassique. Nous pourrons découvrir, dans une galerie spéciale, des stèles porteuses d'inscriptions, traduites et expliquées, révélatrices de la vie des institutions. Nous pourrons nous promener en imagination dans le Temple de Zeus à Olympie aussi facilement que dans les villas romaines et admirer pour la première fois le mobilier de ces villas ou encore la statue de l'Impératrice Sabine.

Enfin, l'ouverture de nouvelles salles et notamment la réorganisation de la Grande Galerie, dessinent un nouveau parcours dans l'Italie des XVIème et XVIIème siècles. Une nouvelle logique d'accrochage offre, sur l'art pictural de l'Italie du Cinquecento et de l'époque baroque, le panorama le plus complet, probablement aussi le plus riche jamais présenté hors des frontières italiennes.

Mais au-delà de ce grand oeuvre muséographique, qui, à force d'invention, de conceptions nouvelles, de mises en valeur de ses trésors, a fait du Louvre le plus beau musée du monde, l'un des plus modernes aussi par les technologies employées pour protéger et conserver les oeuvres, vous avez, cher Maître, relevé un autre défi avec vos équipes, celui de faire revivre l'Histoire dont le Louvre porte l'empreinte, et qui en fait un lieu unique.

Il s'agissait en effet de restituer l'atmosphère et l'originalité d'un bâtiment qui fut d'abord une forteresse puis la résidence des Rois de France. Ces murs ont servi de cadre à des événements historiques de premier plan, du mariage de la Reine Margot à celui de Napoléon Ier. Il s'agissait de faire en sorte que le palais se visite en même temps que le musée.

Après douze années de travaux ininterrompus, ce pari est en passe d'être totalement gagné. La restauration des façades et des toitures touche à sa fin tandis que l'aménagement des abords et des jardins, vous me le faisiez remarquer tout à l'heure, dans ce monument si lumineux, est en train de s'achever.

Les salles que nous inaugurons aujourd'hui se situent précisément dans les parties les plus anciennes du palais, celles qui portent la trace des artistes qui les ont à l'origine décorées. Elles ont été restaurées. Et le visiteur, au-delà des oeuvres présentées, peut en découvrir l'histoire politique et artistique.

Toutes ces réalisations, fondées sur un parti pris pédagogique, constituent une réussite, Monsieur le Président, tout à fait exemplaire. Elles vont étonner le monde et aussi le séduire.

*

Aujourd'hui, le Grand Louvre, rendu à sa vocation, et qui peut désormais déployer l'immensité de ses richesses, ouvre une nouvelle page de son histoire. Je sais, Monsieur le Président, combien vous vous êtes identifié à ce beau projet.

Depuis plus de trois ans, vous le portez avec la hauteur de vue, l'opiniâtreté et la passion que vous mettez depuis toujours au service de votre vocation, c'est-à-dire au service de l'art.

Dans cette grande entreprise, vous aviez à vos côtés les spécialistes, les conservateurs, les chercheurs, les restaurateurs du Louvre qui, sans aucun doute, sont parmi les meilleurs du monde. Ils ont accompli un travail, au sens propre, admirable.

Vous avez pu également compter sur le talent et le savoir-faire des onze équipes d'architectes qui ont conçu et conduit le réaménagement des nouvelles salles et la présentation de leurs oeuvres. Eux aussi ont accompli des prouesses. Ils ont repensé l'espace et la lumière, ils ont mis en scène les oeuvres et les civilisations du passé sans jamais renoncer à être des créateurs d'aujourd'hui.

Enfin, je tiens à remercier les nombreux mécènes, toujours généreux quand il s'agit du Louvre, particuliers ou entreprises, dont le partenariat fut essentiel dans cet immense projet. Le Musée doit beaucoup à son Association des Amis du Louvre, des amis qui répondent toujours présents avec enthousiasme, efficacité et fidélité.

Bien sûr, tout n'est pas achevé et rien ne le sera jamais dans un musée vivant. D'autres salles ouvriront dans deux ans. Parmi elles, cher Maître, la Salle des Sessions qui permettra de découvrir au Louvre, pour la première fois, les principaux chefs d'oeuvre des civilisations d'Insulinde, d'Amérique précolombienne, d'Afrique, d'Océanie et d'Arctique et chacun sait combien j'y suis attaché. Mais, pour sa plus grande partie, le projet du Grand Louvre est désormais réalisé.

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs, cher Maître pour vous qui en avez été les maîtres d'oeuvre, ce moment marque un achèvement. Il couronne plus de quinze années de recherches et d'efforts.

Mais c'est aussi le début d'une grande aventure, entre le Louvre et son public. Le Musée du Louvre était déjà, par la richesse de ses collections, par le nombre de ses visiteurs, par ses dimensions, par l'empreinte de son histoire, l'un des plus grand musée du monde. Il sera désormais le plus beau et le plus prestigieux musée du monde.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie.