Extraits de la conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du Sommet de l'OTAN.

28 juin 2004

Au cours du déjeuner, nous avons évoqué les questions internationales, essentiellement l'Afghanistan et l'Iraq, avec l'adoption de la résolution 1546 qui est désormais en place, le transfert de souveraineté est actuellement acquis. Nous avons, à l'occasion de ce déjeuner, un peu avant en réalité, appris par le Président des Etats-Unis la dissolution de l'autorité provisoire de la coalition. Nous nous en sommes naturellement réjouis. Elle intervient deux jours avant la date initialement prévue, et le gouvernement intérimaire iraqien entrera donc en fonction, par anticipation de quarante-huit heures, pour assumer la souveraineté de l'Iraq, conformément à cette résolution 1546. Vous le savez, le retour à la souveraineté de l'Iraq est, à mes yeux, une condition nécessaire, hélas pas suffisante, mais nécessaire au rétablissant de la paix, de la stabilité, de la démocratie et du progrès, et du développement dans ce pays. La France a renouvelé ses v ux de succès au Gouvernement intérimaire iraqien, l'a assuré de son soutien dans la reconstruction économique et politique de l'Iraq. Elle souhaite que le peuple iraqien puisse, sans délai, et en en ayant parfaitement conscience, reprendre en main le destin de son pays.

S'agissant du rôle de l'OTAN en Iraq, vous connaissez ma position : je ne crois pas qu'il soit dans la vocation de l'OTAN d'intervenir en Iraq et de surcroît, je suis persuadé que si l'OTAN intervenait en Iraq, les conséquences négatives seraient sans aucun doute très supérieures, notamment sur les plans psychologique et politique aux conséquences positives. Ce n'est pas opportun, ce ne serait pas compris. Ma conviction est que la seule voie de sortie, je le répète, c'est de donner vraiment conscience au peuple iraqien qu'il a repris en main ses destinées.

Alors, une des conditions nécessaires à la restauration rapide de la souveraineté iraqienne, c'est évidemment la capacité pour les autorités iraqiennes à disposer de forces militaires et policières sans lesquelles il n'y a pas de souveraineté dans un Etat moderne. Il faut donc que les autorités iraqiennes aient la possibilité de disposer et de commander une force militaire et une force de police. C'est l'un des points sur lesquels la France avait beaucoup insisté à l'occasion de l'élaboration, à New York, de la résolution 1546. La déclaration que nous avons adoptée et que vous avez vue reflète le consensus des Etats membres de l'OTAN sur le principe d'une réponse positive aux demandes iraqiennes en matière de formation.

Je vous rappelle, à cet égard, que la France a marqué de longue date son accord pour apporter une aide de formation à la gendarmerie iraqienne, en dehors de l'Iraq. Nous avons également eu un débat sur les modalités que devait prendre cette aide et conclu que le seul moyen de l'adapter à la situation actuelle c'était de faire en sorte que ce soit les Nations qui disposent des moyens, qui assurent la formation dans le cadre d'un accord avec le gouvernement iraqien. Soit les Nations de la coalition, sur place ou ailleurs, soit les Nations hors de la coalition, sur place ou ailleurs. S'agissant de la France, j'ai indiqué que la France, le cas échéant, participerait à cette formation, mais naturellement en dehors de l'Iraq.

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QUESTION - Monsieur le Président, vous venez de nous confirmer que vous souhaitiez que ce soit les Nations, celles qui disposent des moyens pour le faire, qui assurent la formation, que ce soit en dehors ou à l'intérieur de l'Iraq. Si je lis le communiqué, je vois : "Nous avons décidé d'offrir l'assistance de l'OTAN au gouvernement de l'Iraq, nous encourageons aussi les Nations de l'Alliance à contribuer à l'entraînement des forces iraqiennes". Cela a l'air de signifier que l'OTAN en tant que telle offre la formation ?

LE PRESIDENT - Je ne pense pas que ce soit ce que révèle cette lecture, mais néanmoins vous avez raison sur un point : l'OTAN ne dispose pas de moyens, ce sont les Nations qui ont les moyens nécessaires. Donc, la question est superflue. En revanche, l'OTAN a quelques moyens spécifiques, je prends comme exemple le collège militaire de Rome, qui est une excellente institution de formation des officiers. Il est évident que nous sommes favorables à ce que le collège, institution de l'OTAN, et donc d'une certaine façon l'OTAN, puisse accueillir des officiers iraqiens à ROME pour les former. Donc cette lecture peut également se comprendre, vous avez raison, de la façon que vous avez évoquée.

Mais je voudrais simplement vous dire que ce soutien relève essentiellement des efforts bilatéraux, je dirais, par définition. Ce sont les efforts des Etats-Unis, ce sont les efforts des pays de la coalition qui interviennent déjà d'ailleurs dans ce domaine. Ou ceux d'autres pays qui, comme la France ont manifesté leur disponibilité à contribuer à ces efforts bilatéraux, mais en dehors de l'Iraq et en réponse à des demandes spécifiques et clairement affirmées par les autorités iraqiennes. C'est donc essentiellement pour nous à travers un soutien de l'OTAN aux Nations engagées dans les activités de formation que pourra se matérialiser le concept de soutien de l'OTAN au gouvernement iraqien. Mais il y a également des moyens généraux, comme celui du collège de défense de Rome, qui peuvent être mis en oeuvre.

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QUESTION - Monsieur le Président, la France a souhaité, pour l'Iraq, une rupture au moment du transfert. Est-ce que vous voyez la rupture actuellement ? La rupture par rapport à ce qui était avant ? Est-ce que l'Iraq s'oriente vers cette rupture, c'est-à-dire vers une souveraineté ou on en est vraiment loin ?

LE PRESIDENT - D'abord, vous connaissez ma conviction. C'est que la condition nécessaire et, hélas, pas suffisante à la sortie de crise en Iraq, c'est l'assurance pour l'ensemble du peuple iraqien qu'il détient véritablement les clés de son destin, lui-même. Alors, on fait un pas important dans cette direction, dans l'esprit de la résolution 1546. Je vous ai dit que c'était nécessaire, je ne peux pas vous assurer que ce sera suffisant.