Extraits de la conférence de presse de M.Jacques CHIRAC, Président de la République

29 avril 2004

QUESTION - Monsieur le Président, l'Europe à 25, vous le dites, va avoir un poids économique énorme, c'est aussi une Europe politique. Les Français jugent le poids de l'Europe à la politique étrangère or cette Europe a été fracturée par la guerre en Iraq l'an dernier. Aujourd'hui, un an après, les pays qui sont dans la région, les pays voisins attendent beaucoup de l'Europe, ils attendent une alternative à la politique de l'administration de BUSH. Que peut proposer l'Europe à 25, est-ce qu'elle peut avoir une véritable politique étrangère ?

LE PRESIDENT - Vous auriez presque pu ajouter qu'au moment de la guerre en Iraq, l'Europe s'était en quelque sorte fracturée et vous posez ainsi la question de savoir quelle allait être dans ce domaine, plus généralement dans le domaine du positionnement, la situation de l'Europe à 25 ? Je voudrais vous dire d'abord ma conviction que le débat sur le point de savoir si elle sera plus américaine, moins américaine, etc. est le type même du faux débat.

Il y a aujourd'hui, au niveau des peuples, de façon évidente, l'émergence d'une conscience européenne. Et cela ne pourra que se confirmer. L'Europe est engagée sur la voie de l'harmonie, c'est inévitable. Cela prendra le temps qu'il faut mais c'est inévitable. Ceci est une première réponse.

S'agissant plus précisément de l'Iraq, l'Europe, j'en suis sûr, approuvera les propositions de l'Envoyé spécial de l'ONU, M. BRAHIMI. Je suis persuadé qu'elle sera unanime pour le faire. Est-ce que ses propositions pourront se traduire par une décision internationale suffisamment claire et ferme pour qu'elle puisse être adoptée par le Conseil de sécurité et servir de base à la reconstruction politique, économique, sociale de l'Iraq, j'en suis moins sûr, pour dire la vérité. L'Europe, dans cette affaire, sera bien inspirée de se concerter pour essayer de parler d'une seule voix dans ce domaine. Je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait évident.

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QUESTION - Monsieur le Président, quelles sont les démarches de la nouvelle Europe à vingt-cinq pays contre l'islamophobie en Europe ? Et quel est le rôle pour l'Europe, surtout la France et l'Allemagne, pour reconstruire l'Iraq ? Est-ce qu'il y aura une démarche juridique après le 30 juin à propos des armes introuvables en Iraq ?

LE PRESIDENT L'islamophobie est inacceptable et doit être combattue, à ce titre, par tous les moyens intellectuels ou juridiques nécessaires. C'est heureusement la caractéristique de minorités et vous ne me trouverez naturellement jamais parmi ces minorités.

Pour ce qui concerne l'Iraq, vous connaissez la position de la France, elle est partagée par l'ensemble des pays européens. Nous estimons qu'il est urgent, aujourd'hui, de rendre leur souveraineté aux Iraquiens. Alors le problème, c'est : comment ? Je l'ai dit tout à l'heure, l'Envoyé spécial, M. Lakhdar BRAHIMI, un homme de grande compétence et de grande intelligence, a fait des propositions. Cela va peut être donner lieu, et même probablement donner lieu, à une discussion et à la proposition d'une résolution au Conseil de sécurité de l'ONU. Ma conviction est qu'il n'y a pas de sortie possible vers la reconstruction de l'Iraq s'il n'y a pas un vrai transfert de souveraineté sous le contrôle effectif des Nations Unies. Et donc, ce qui serait désastreux, c'est une solution de compromis fondée sur une ambiguïté et qui consisterait à dire : très bien, l'ONU se met là devant avec son chapeau, mais en réalité, les choses n'ont pas réellement changé et la coalition continue à assumer la réalité des pouvoirs. On aurait là une situation qui n'améliorerait pas ce que l'on voit aujourd'hui, c'est-à-dire un vif mécontentement exprimé par une grande majorité, en tous les cas par un grand nombre d'Iraquiens.