Extraits de la conférence de presse du Président de la République, à l'issue de la cérémonie de signature du Traité d'adhésion

Athènes - 16 avril 2003

Photo : 16.04.2003 - conférence de presse du Président de la République, à l'issue de la cérémonie de signature du Traité d'adhésion (Athènes)

LE PRESIDENT : (...) J'ai eu l'occasion d'évoquer tant avec la présidence grecque qu'avec le Président de la commission, Monsieur PRODI, une ou deux autres questions. Avec Monsieur PRODI, en particulier, nous avons évoqué la possibilité de mettre en oeuvre très rapidement, c'est-à-dire dans les jours qui viennent, sous l'impulsion de la Commission, un pont aérien avec l'Iraq pour, en accord avec les autorités d'occupation actuelles, faire en sorte que l'on puisse ramener dans les hôpitaux européens des malades, des blessés, notamment des enfants, qui ne peuvent pas être convenablement traités sur place. J'en ai longuement parlé également, en aparté, avec le Premier ministre britannique qui lui-même a déjà, pour ce qui concerne l'Angleterre, m'a t-il-dit, organisé des rapatriements de cette nature. Je crois que quatre enfants ont déjà été transférés à Londres dans cet esprit. C'est ce qu'il m'a dit et il est tout à fait favorable à la mise en oeuvre de cette initiative. Et donc, en accord complet avec la présidence européenne et tous ceux de nos partenaires avec qui j'ai pu en parler, nous avons apporté notre appui à la présidence de la Commission pour cette initiative.

Deuxièmement, je l'ai évoqué longuement aussi bien avec la présidence grecque, cela a été l'objet notamment de notre déjeuner, qu'avec la présidence de la Commission, qui partagent l'une et l'autre totalement mon sentiment sur ce point, mais je l'ai également longuement évoqué avec Tony BLAIR : je suis absolument consterné par ce qui s'est passé pour le musée de Bagdad et, semble-t-il, d'après les dernières informations, hier ou aujourd'hui, pour le musée de Mossoul. Il y a quelques grands musées dans le monde qui, par la richesse de leurs collections, sont de véritables symboles de l'universalité humaine, qui sont en réalité des témoins essentiels de l'histoire de l'humanité, essentiels.

Alors, tel était le cas du superbe musée de Kaboul avant qu'il ne soit à trois reprises, je crois, l'objet de pillages absolument scandaleux qui ont été un véritable désastre culturel. Ce musée qui témoignait de façon si extraordinaire du rapprochement, de la synthèse entre l'Occident hellénistique, l'Inde et la Chine. Tout a disparu, tout a été cassé, les barbares sont passés.

Tel est également le cas aujourd'hui, hélas, du musée de Bagdad et de la bibliothèque de Bagdad qui présentaient les plus prestigieux témoignages du passé de la Mésopotamie, qui est tout de même le berceau de l'histoire de l'humanité, de l'histoire de la civilisation humaine, pas de l'humanité mais de l'histoire de la civilisation humaine. Alors, pour tous ceux qui ont un minimum de respect pour la culture, pour l'histoire plurimillénaire de l'humanité, le pillage du musée de Bagdad, de la bibliothèque, aujourd'hui paraît-il du musée de Mossoul, si cela est confirmé, constitue un véritable crime contre l'humanité, un désastre pour l'humanité. C'est un pan entier de notre patrimoine qui s'effondre et disparaît. Alors, l'UNESCO avait prévenu, elle avait dit depuis longtemps ce qui devait être fait pour au moins sauvegarder ces monuments de notre histoire, de même d'ailleurs que les principaux sites archéologiques qui ont fait l'objet de pillages sur lesquels je n'ai pas besoin de m'étendre. Je crois que nous devons, et c'est ce que nous avons voulu faire aujourd'hui, je crois que nous devons exprimer notre indignation et notre condamnation et apporter notre soutien, notre soutien je ne sais pas très bien pour faire quoi mais en tous les cas notre soutien, à l'UNESCO et indiquer à l'UNESCO, qui se réunit demain dans ses instances compétentes sur ce sujet, notre totale coopération et naturellement notre indignation.

QUESTION - Monsieur le Président, les quatre pays européens membres du Conseil de sécurité ont présenté un projet de déclaration sur l'Iraq. J'aimerais savoir s'il y a eu un accord avec les vingt-cinq et quelle est l'importance de ce projet ?

LE PRESIDENT - Ce projet, qui n'a pas encore été finalisé, qui actuellement fait l'objet de discussions entre les ministres des Affaires étrangères qui ont d'abord discuté à quatre et puis ensuite avec les autres, naturellement, avec tout le monde, et avec la présidence, cela va de soi, est dans le droit fil de ce qui avait été décidé ou adopté à notre dernier sommet, celui de Bruxelles. Il indique à la fois nos préoccupations pour l'avenir de l'Iraq, les principes sur lesquels nous pensons que la reconstruction, après la période de sécurisation, la reconstruction politique, administrative, économique, sociale de l'Iraq doit être entreprise, les différents problèmes qui doivent être évoqués, depuis les problèmes humanitaires, ça c'est l'immédiat, dans la phase de sécurisation jusqu'aux problèmes de rétablissement des autorités nécessaires au fonctionnement du pays, tout ceci devant se faire dans le cadre et avec un rôle central, je dis ça, mais appelez-le comme vous voulez, de l'Organisation des Nations Unies, principes sur lesquels nous sommes tous d'accord. Et, par conséquent, cela nous conduira à un texte qui, je pense, sera adopté demain.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez téléphoné au Président George W. BUSH et vous avez rencontré tout à fait par hasard Tony BLAIR aujourd'hui. Est-ce-qu'on assiste à un rapprochement entre les deux camps ?

LE PRESIDENT - Attendez, je ne vois pas pourquoi vous dites que j'ai rencontré par hasard Tony BLAIR ! On a l'impression que j'ai été me promener dans la rue et que tout d'un coup on s'est croisés, n'est-ce-pas ? Je tiens à vous dire qu'avec Tony BLAIR, nous avons des relations téléphoniques permanentes. La première chose que j'ai faite en rentrant de Saint-Pétersbourg a été de l'appeler, dès que je suis arrivé dans mon bureau, pour lui dire comment cela s'était passé. C'était convenu. Cela n'a pas été par hasard. Et nous avons naturellement convenu de nous rencontrer à l'occasion de la réunion d'aujourd'hui. Nous l'avions prévu lors de notre dernier appel téléphonique, il y a deux ou trois jours, donc ce n'est pas du tout par hasard.

Nous avons évoqué avec Tony BLAIR l'ensemble des problèmes dont j'ai parlé tout à l'heure, qui sont ceux de l'Iraq, qui sont ceux du Moyen-Orient. Je lui ai parlé de cette affaire humanitaire, je lui ai également parlé de ce désastre que représentent le pillage et la destruction du musée et de la bibliothèque de Bagdad, sentiment qu'il partage tout à fait.

Hier, j'ai eu également le Président des Etats-Unis. Je lui ai fait savoir ce que nous avions dit, c'est-à-dire que nous avons parlé des même sujets, très exactement et dans les mêmes termes.

(...) QUESTION - Quand vous dites que l'Organisation des Nations Unies aura un rôle central, que voulez-vous dire exactement, précisément ?

LE PRESIDENT - Je veux dire deux choses et j'essaierai de le dire de façon brève pour ne pas me répéter indéfiniment. La première, c'est que, dans une crise de cette nature, l'Organisation des Nations Unies est le seul endroit où l'on trouve à la fois la compétence et la légitimité pour une sortie de crise. C'est une chose dont il faut tenir compte. Je prends un exemple : si l'on veut apporter une aide internationale à la sortie de crise et que l'on sollicite la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, l'Union européenne ou tout autre organisme, ils ne peuvent agir que sur la requête des Nations Unies, qui sont seules à exprimer la légitimité internationale. Donc, il le faut bien. Quand vous dites : les Nations Unies doivent un rôle central, vous pouvez chercher un autre qualificatif si cela vous convient, cela m'est tout à fait indifférent, c'est une réalité.

Deuxièmement, je comprends très bien les problèmes spécifiques, j'en ai parlé hier avec le Président BUSH et aujourd'hui avec Tony BLAIR, et j'en avais déjà parlé ces jours derniers, bien entendu, avec lui, les problèmes concrets qui se posent sur le terrain. D'abord, pendant la phase de sécurisation, où il va de soi, c'est d'ailleurs conforme au droit international, que la responsabilité est assumée par les belligérants et par eux seuls. Et cela, c'est tout à fait clair, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes intervenus afin de leur demander de faire le maximum pour que l'aide humanitaire puisse être envoyée et surtout distribuée, dans tous les domaines, depuis les hôpitaux jusqu'à l'ordre public en passant par l'eau, l'électricité, les moyens de vie.

Et puis, il y a encore toute une série de problèmes à régler. Il n'y a pas que l'humanitaire, il y a toute une série de problèmes à régler. Alors, je ne suis pas de ceux qui veulent, en s'appuyant sur les principes, dire qu'on va tout régler avec une baguette magique, on ne le fera pas. Ce que je dis, c'est qu'il faut, à partir de là, prendre les problèmes qui se posent dossier par dossier et apporter le règlement nécessaire pour les résoudre. Mais, je le répète, on ne le fera pas sans l'Organisation des Nations Unies, cela ne marchera pas.

QUESTION - Est-ce qu'il serait possible de nous donner un peu plus de détails sur le projet de pont aérien dont vous avez parlé ?

LE PRESIDENT - Je ne veux pas m'attribuer cette initiative, qui est une initiative de la Commission. J'en avais suggéré le principe au Président de la Commission, il l'a adopté et c'est la Commission qui en proposera les modalités. Il y a urgence. Et l'objectif, c'est de récupérer dans les meilleures conditions possibles des blessés, notamment des enfants, qui ne peuvent pas être soignés sur place et qui requièrent des traitements et des moyens qui n'existent que dans nos pays. Et, le problème, c'est de les amener ici.

QUESTION - Quand ?

LE PRESIDENT - Naturellement le plus vite possible, immédiatement.