Extrait du point de presse conjoint du Président de la République et de M. Ruud Lubbers, Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés

Palais de l'Elysée - 08 avril 2003

LE PRESIDENT : (...) Nous avons en particulier évoqué la contribution de la France au HCR. (...) Je lui ai dit que, s'agissant du problème particulier de l'Iraq, nous répondrions bien volontiers à sa demande en débloquant immédiatement 1 million d'euros (...).

Enfin, nous avons parlé de l'Iraq, chacun le comprendra bien. Je ne reviendrai pas, naturellement, sur les circonstances du déclenchement de ce conflit, la position de la France est connue. J'ai dit, dès le début des hostilités, que notre souhait était que celles-ci soient les plus brèves et les moins meurtrières possible. Mais avant même la fin des opérations militaires sur l'ensemble du territoire iraquien, il est temps de commencer dès maintenant à préparer les conditions d'un avenir meilleur pour les Iraquiens.

La priorité, aujourd'hui, c'est de venir en aide aux populations civiles qui ont été si lourdement affectées, éprouvées, par la dictature et par la guerre, qui ont besoin aujourd'hui de la solidarité internationale. L'adoption il y a quelques jours de la résolution 1472 par le Conseil de Sécurité, autorisant la reprise du dispositif pétrole contre nourriture, a constitué dans cet esprit une étape importante. Ce qu'il faut désormais, c'est que la communauté internationale dans son ensemble se mobilise et que l'aide arrive effectivement en Iraq auprès des populations, le plus rapidement possible. Et la France prendra naturellement toute sa part, comme le Commissariat aux Réfugiés, dans cet effort.

Au-delà de l'objectif commun de tous, qui doit être de créer au plus vite les conditions qui permettront aux Iraquiens de recouvrer leur pleine souveraineté et de reprendre en main leur destin, il y a cette nécessité d'être associés dans cet effort, que chacun s'associe dans cet effort.

Après une phase nécessaire de sécurisation, s'ouvrira naturellement le temps de la reconstruction dans lequel la sagesse commande que les Nations Unies jouent un rôle central. Elle seule dispose, en effet, de la légitimité nécessaire pour engager la reconstruction administrative, économique, politique de l'Iraq sur des bases solides qui soient incontestables et qui permettent d'assurer la stabilité future non seulement de ce pays, de l'Iraq, mais aussi de cette région traumatisée depuis longtemps. Ce point de vue, d'ailleurs, est très largement partagé dans le monde et en particulier, vous le savez, depuis le dernier sommet à Bruxelles, par l'Union européenne.

Je m'entretiendrai aussi de ces sujets, après M. LUBBERS, jeudi, avec le Secrétaire Général des Nations Unies, M. Kofi ANNAN, qui doit en principe passer ce jour-là à Paris et j'aurai l'occasion également d'évoquer ces problèmes vendredi à Saint-Petersbourg, où je suis invité avec le Chancelier SCHROEDER par le Président POUTINE pour faire un tour d'horizon de la situation et voir comment nous poursuivons cette concertation établie entre nous depuis déjà plusieurs mois. Nous aurons donc l'occasion d'évoquer les suites du conflit en Iraq et plus généralement dans cette région. (...)

QUESTION - Est-ce qu'il peut y avoir un commentaire en ce qui concerne les projets américains d'organisation politique de l'Iraq, de gouvernement provisoire ?

LE PRESIDENT - (...) Vous connaissez la position qui a été exprimée par le Conseil européen, qui est aussi celle de la France, pour ce qui concerne la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la reconstruction de l'Iraq, politique, économique, humaine, humanitaire. Je n'ai pas d'autres commentaires à faire, naturellement. Nous pensons que l'ONU doit y jouer un rôle tout à fait essentiel.

QUESTION - Vous avez dit, M. le Président, que la sagesse commandait que l'ONU soit associée, après la phase de sécurisation, à la gestion de l'Iraq. Avez-vous eu l'impression que cette sagesse, justement, était dans les propos que l'on a pu entendre ce matin à Belfast de la part du Président BUSH et de M. BLAIR ?

LE PRESIDENT - J'ai entendu que le Président BUSH considérait que le rôle de l'ONU était, je le cite, je ne crois pas me tromper, "vital". Je partage tout à fait ce sentiment. Il faudra voir ensuite comment les choses, naturellement, s'organisent. Je ne sais pas si le Haut Commissaire veut ajouter un commentaire sur ce point.

QUESTION - M. le Président, vous avez dit tout à l'heure qu'à la fin des combats, une phase de sécurisation était nécessaire. Mais est-ce que vous jugez qu'une administration américaine directe de l'Iraq serait illégale au regard du droit international ?

LE PRESIDENT - J'ai déjà répondu à cette question. Je considère que nous ne sommes plus à une époque où un ou deux pays pouvaient assumer le sort d'un autre pays et que, par conséquent, il appartenait à l'Organisation des Nations Unies d'assumer, et elle seule, la reconstruction politique, économique, humanitaire, administrative de l'Iraq.

QUESTION - Je voulais connaître votre réaction à tous les deux concernant la situation humanitaire, aujourd'hui, en Iraq, à savoir que les hôpitaux sont débordés et le fait que l'hôtel qui abrite toute la presse étrangère a été touché par des tirs, ce matin, et qu'il y a des journalistes blessés et morts.

LE PRESIDENT - Vous avez évoqué la mort de deux journalistes et le fait que plusieurs autres aient été blessés. Je voudrais d'abord dire ma consternation et combien je présente à leurs familles, à tous les leurs, mes très sincères et très fortes condoléances. Et, plus largement, je voudrais avoir une pensée pour tous les morts de cette guerre, qu'ils soient militaires ou civils. C'est, comme vient de le dire à juste titre M. LUBBERS, l'une des conséquences des guerres que de conduire à la mort ou à des blessures que l'on porte ensuite tout au long de sa vie. Et c'est la raison pour laquelle je pense que la guerre est toujours la dernière des solutions.

S'agissant de la situation humanitaire, nous ne la connaissons pas très bien, naturellement, surtout que, par définition, elle change en permanence. Mais nous imaginons sans peine qu'elle est mauvaise ou très mauvaise dans tous les domaines et notamment, naturellement, la situation humanitaire des civils, des Iraquiens. C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué tout à l'heure que mon souci aujourd'hui prioritaire, absolu, c'est de créer les conditions nécessaires pour soulager ces misères et apporter l'aide humanitaire qui s'impose. Ce qui suppose naturellement que les moyens soient mis en oeuvre, que ceux qui ont vocation à apporter ces moyens soient mobilisés, qu'il s'agisse de l'ONU, qu'il s'agisse de l'Union européenne, qu'il s'agisse des Etats, qu'il s'agisse naturellement des organisations non-gouvernementales, mobilisés de façon à apporter d'urgence ce qui est nécessaire, ce qui suppose naturellement qu'il y ait une sécurisation minimum et que, par conséquent, une des priorités recherchées par les belligérants aujourd'hui doit être de créer les conditions de sécurité permettant à l'aide humanitaire d'être apportée et distribuée.

Je vous remercie.