Extraits de la conférence de presse du Président de la République, à l'issue du sommet de l'ASEM

Copenhague - 24 septembre 2002

Photo : Sommet Union européenne / Asie (ASEM IV) - conférence de presse du Président de la République.

LE PRESIDENT : (...) S'agissant des travaux de lundi, ils ont été dominés par des échanges de vues essentiellement sur l'Iraq et plus généralement sur la situation internationale depuis le 11 septembre.

Concernant l'Iraq, nous sommes tombés d'accord sur deux points : d'abord pour souligner que l'important était le désarmement durable de l'Iraq, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité. Et, deuxièmement, pour dire que cette affaire devait être traitée aux Nations Unies, dans le cadre des Nations Unies, c'est-à-dire dans un cadre multilatéral.

S'agissant de la France, bien entendu, et ce sentiment est partagé par l'ensemble de nos partenaires, nous voulons le retour sans délai et sans conditions des inspecteurs des Nations Unies, absents depuis quatre ans maintenant. Nous pensons que les inspections peuvent être efficaces et que nous avons à cet égard les résolutions nécessaires du Conseil de sécurité. L'important, maintenant, c'est que l'Iraq accepte de se conformer à l'ensemble des conditions mises par les résolutions et ceci, naturellement, sans aucune restriction.

Alors, faut-il ou non rappeler ces conditions dans une résolution supplémentaire du Conseil de sécurité ? Je ne suis pas sûr que ce soit indispensable mais, à partir du moment où il s'agit simplement d'un rappel des conditions mises au retour des inspecteurs et à la discipline que cela implique de la part des autorités iraquiennes, si on veut le répéter, il n'y a naturellement pas d'inconvénient.

J'ajouterai que le Secrétaire Général des Nations Unies, M. Kofi ANNAN, de notre point de vue, et j'ai observé que c'était le point de vue de tous nos partenaires, gère cette affaire avec beaucoup de sagesse, beaucoup d'intelligence, beaucoup de compétence et, bien entendu, pour ce qui nous concerne, nous lui apportons notre soutien le plus total. Et là encore, j'ai vu que c'était le sentiment partagé par nos partenaires.

La discussion d'hier soir a démontré néanmoins que quelques uns, tout à fait minoritaires, s'interrogeaient sur l'idée que le Conseil de sécurité, d'une façon ou d'une autre, devrait peut-être, dans une résolution, prévoir un recours éventuel à la force. Telle n'est pas l'opinion de la France et telle n'est pas l'opinion de la très très grande majorité de nos partenaires réunis ici, à Copenhague. Nous estimons qu'il faut laisser sa chance à la paix et avancer pas à pas. Cette affaire est grave. Elle doit être traitée avec beaucoup de gravité et de sérieux en envisageant la totalité de ses conséquences et, aussi, les perspectives à moyen terme de l'évolution dela situation.

Il va de soi, cependant, que si l'Iraq refusait de coopérer pleinement avec les Nations Unies, alors, il faudrait que le Conseil de sécurité, mais lui seul en a la compétence, en tire les conséquences le moment venu et dans les conditions qu'il estimera devoir retenir.

(...)

QUESTION - Tony BLAIR a présenté aujourd'hui des preuves qui selon lui accusent l'Iraq. Est-ce que ces preuves, vous en avez eu connaissance et est-ce que, selon vous, elles justifieraient éventuellement une intervention militaire ?

LE PRESIDENT - Nous n'avions pas connaissance, naturellement, des preuves qui viennent d'être rendues publiques par Tony BLAIR. Sur ces problèmes, nous avions naturellement des indices, à défaut de preuves. Et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous souhaitons avec beaucoup de fermeté que les inspecteurs reviennent et qu'ils aient la totalité des moyens nécessaires pour voir ce qui se passe en Iraq, s'il y a ou non des armes de destruction massive, quelle que soit leur nature, et le cas échéant, s'il y en a, qu'ils s'assurent de leur destruction, conformément à leur mission. Alors, voilà pour cela. Autrement, je n'ai rien d'autre à ajouter à ce que j'ai dit tout à l'heure sur la position de la France en ce qui concerne la nécessité pour la communauté internationale de s'en remettre à la seule instance ayant autorité, c'est à dire à l'ONU et au Conseil de Sécurité, et, je le répète, nous faisons toute confiance au Secrétaire général des Nations Unies dans ce domaine.

QUESTION - Pour rester sur le dossier iraquien, il existe aujourd'hui, au moins en Europe, je dirais, trois lignes de fracture dans les grands pays européens : la position allemande, plutôt pacifiste, la position française que vous avez rappelée à l'instant et la position britannique qui a reçu d'ailleurs hier le soutien de M. BERLUSCONI. Alors, vous avez eu un petit échange à ce sujet avec M. BERLUSCONI qui serait plutôt favorable à, je dirais, une guerre préventive. Est-ce que vous avez réussi à infléchir son attitude et comment, là aussi, essayer de reformer, de recréer une véritable position européenne ?

LE PRESIDENT - Premièrement, après mon intervention amicale, M. BERLUSCONI a repris la parole en indiquant que, probablement, n'avais-je pas très bien compris sa position et qu'il n'y avait en réalité pas de différence entre sa position et la mienne. C'est ce qu'il a dit publiquement.

Sur le premier point, la cohérence ou la cohésion européenne, je pense qu'il n'y aura pas de difficultés. Pour le moment, chacun exprime son point de vue avec sa sensibilité, avec ses intérêts. Je pense qu'au moment où les choses devront être décidées, il n'y aura pas de divergences de vues au sein de l'Union européenne, sous la seule réserve de la position définitive que prendra la Grande Bretagne.

Pour ce qui concerne votre évocation de la guerre préventive, c'est une philosophie à laquelle la France est totalement opposée car elle ne peut pas ne pas conduire aux pires excès.

(...)

QUESTION - Le Royaume Uni a publié son dossier sur l'Iraq ce matin, le ton est assez puissant, assez fort. Est-ce qu'il y a un danger que la guerre, maintenant, soit inéluctable et impossible à arrêter ? Ca serait super si vous pouviez répondre en anglais.

LE PRESIDENT - Non, non, mais j'ai bien compris votre question. Je l'ai comprise d'autant mieux qu'elle était en français, d'ailleurs.

Je ne crois pas du tout que la guerre soit inéluctable. J'ai répondu sur l'Iraq, j'ai dit quelles étaient les nuances qui peuvent exister entre nos amis Britanniques et nous mêmes ou les autres Européens. Je ne crois pas du tout que la guerre soit inéluctable. Je persiste à penser que la guerre est toujours la pire des solutions et qu'on doit tout faire pour trouver la meilleure des solutions, et que la seule solution, c'est que l'Iraq accepte sans réserves le retour et les pleins pouvoirs des inspecteurs.