ALLOCUTION PRONONCÉE PAR
MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
A L’OCCASION DE SA VISITE
A L’UNITÉ DE SÉCURITÉ CIVILE N° 7
DE BRIGNOLES (Var)
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Lundi 27 juillet 1998
Mon Colonel,
Mesdames, Messieurs,
Il y a des professions. Et puis il y a des métiers, qui sont en réalité des vocations. Tout simplement parce qu'au-delà des compétences techniques ou physiques qu'ils requièrent, ils supposent des qualités humaines et morales exceptionnelles. Parmi ces métiers singuliers, les soldats du feu, tous les soldats du feu, figurent dans les tout premiers rangs.
C'est pourquoi j'ai voulu vous rencontrer, au moment où vous êtes le plus mobilisés, et dans cette région particulièrement confrontée au danger du feu. Je veux vous dire, au nom de tous les Français, de tous nos compatriotes, mon estime et ma profonde gratitude pour le combat que vous menez chaque jour afin de préserver les personnes et les biens, et sauvegarder notre patrimoine naturel.
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Le patrimoine forestier est, bien sûr, l'un des fleurons de ce patrimoine naturel. Ce n'est pas à vous que je dois rappeler combien ce patrimoine est précieux. Il n'est pas seulement signe de vie. Il est aussi source de vie. Cela est particulièrement vrai pour la forêt méditerranéenne, si belle mais si fragile, et dont la protection exige tant de soins.
Vous venez de me présenter, dans un exercice remarquable, les principaux moyens d'intervention dont vous disposez dans la lutte contre le feu. J'ai pu mesurer ainsi votre technicité, votre savoir-faire, qui est d'abord capacité à s'adapter à toutes les situations, y compris aux situations plus critiques.
Votre compétence, évidente et incontestable, est aujourd'hui reconnue au-delà de nos frontières, où votre intervention est fréquemment sollicitée. Je pense, par exemple, pour ne parler que du plus récent, au concours si efficace que nos aviateurs ont apporté la semaine dernière encore, à la demande du Gouvernement autonome de Catalogne, pour maîtriser le terrible incendie qui a ravagé des milliers d'hectares de forêt en Espagne.
Mais cette compétence serait pure technicité si elle n'était pas portée par des qualités plus hautes. Pour accomplir votre mission, il faut d'abord de la rigueur et de la discipline, une coordination d'autant plus exigeante qu'elle s'appuie sur des intervenants multiples. Cette coordination, ici, est efficacement assurée, sous l'autorité du Préfet de zone, par l'Etat-Major de la Sécurité Civile de Valabre.
Il faut aussi de l'endurance, de la disponibilité, un sens de l'anticipation et une rapidité de réaction. Mais plus que des qualités, il faut des vertus : le courage, l'oubli de soi, le sens de l'engagement. Ce sont ces vertus citoyennes que je veux saluer tout particulièrement.
Nombreux sont ceux qui, à différents titres, participent au combat contre le feu, qui est un combat contre l'inconscience, contre l'absence de sens civique, pour devenir ensuite un combat contre la peur.
Ce sont, bien sûr, les 27 000 sapeurs-pompiers des départements méditerranéens, professionnels ou volontaires, qui ont, cette année encore, payé un lourd tribut au feu. Ce sont les militaires des unités de la Sécurité civile, les hommes du prestigieux Bataillon des marins-pompiers de Marseille ou les soldats venus ici en renfort saisonnier.
Ce sont les navigants, les pilotes de canadairs, de trackers ou d'hélicoptères, qui prennent tous les risques et qui pourraient incarner à eux seuls, par le caractère dangereux, spectaculaire, mais souvent décisif de leurs interventions, la grandeur et l'âpreté du combat pour la forêt méditerranéenne. Un combat qui appelle une pleine reconnaissance des pouvoirs publics ; et je me réjouis que, sur ce point, des solutions appropriées aient pu être trouvées au problème qui se posait
Mais ce combat jamais achevé se mène ailleurs qu'aux avant-postes, au contact des flammes et des cendres. Il s'accomplit, et de manière tout aussi nécessaire, sur le terrain de la prévention.
Beaucoup d'énergie et de dévouement s'y rencontrent. Je pense aux agents de l'Office National des Forêts, de Météo-France ou du Ministère de l'Agriculture. Je pense aux bénévoles des comités communaux feux de forêt, qui nous viennent souvent des associations de chasseurs. Je pense aux sapeurs-forestiers, qui comptent beaucoup d'anciens harkis ou enfants de harkis, dont on ne soulignera jamais assez le rôle qu'ils ont joué, depuis plus de trente-cinq ans, dans l'entretien et la surveillance de nos forêts. Je pense aux associations et aux mouvements de jeunes, très engagés dans les actions de débroussaillage ou de reboisement.
Je pense, enfin, au patient travail de surveillance accompli par les gendarmes qui s'appliquent à faire respecter les importantes prescriptions de sécurité. Leurs patrouilles de proximité jouent un rôle irremplaçable dans la détection des foyers, l'information ou la dissuasion des imprudents. Elles interviennent enfin sur le plan judiciaire quand un feu naît de l'irresponsabilité ou, pis, de la malveillance.
A tous ces vigilants, je veux adresser mes chaleureuses félicitations.
Cette prévention, qui est le combat de chacun et de chaque instant, est l'une des vocations du Conservatoire de la Forêt Méditerranéenne, dont j'ai voulu la création il y a maintenant onze ans. Aider à la réalisation d'équipements performants et encourager la recherche, en partenariat financier avec les collectivités locales, pour toujours mieux préserver la forêt. Telles sont les missions de ce Conservatoire qui a démontré son efficacité puisque, depuis 1987, la surface moyenne touchée chaque année par les incendies a été divisée par deux.
Cette volonté d'organiser toujours mieux le combat contre le feu a été aussi celle des élus et, notamment, celle des quinze départements regroupés au sein de l'Entente Interdépartementale pour la Protection de la Forêt méditerranéenne. Une fois encore, la coordination et l'union ont payé.
L'Etat doit naturellement prendre toute sa part dans ce combat commun. Qu'il s'agisse de la formation, ou qu'il s'agisse des crédits affectés à la recherche pour mettre au point, par exemple, des modèles météorologiques encore plus performants, des techniques de plantation mieux adaptées ou des produits retardants toujours plus efficaces, n'oublions pas que ce sont les budgets décidés aujourd'hui qui permettront les succès de demain.
Enfin, l'Etat doit également prendre toutes ses responsabilités dans le domaine de la justice. Les pyromanes comptent parmi les délinquants les plus dangereux parce que leurs actes criminels mettent en péril l'avenir de notre environnement et la richesse de notre patrimoine, détruisent en quelques heures ce que des hommes et des femmes ont mis toute une vie à construire, une vie qu'ils perdent parfois au plus fort des incendies. Contre ces destructeurs de vie qui ne sont pas aujourd’hui sanctionnés, la justice doit s'exercer sans faiblesse. La sanction est le corollaire indispensable de la prévention.
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Voilà, Mesdames et Messieurs, le message que je voulais vous adresser aujourd'hui. C'est un message d'estime, de confiance et de solidarité. Les Français savent les risques que vous prenez et les sacrifices que vous consentez. Que vous soyez professionnels ou volontaires, ils savent que c'est avec la même passion et au nom des mêmes valeurs que vous allez jusqu'au bout de votre engagement. Vous qui risquez votre vie pour la sécurité des autres, vous avez pour devise deux mots simples : courage et dévouement. Ces deux qualités sont au coeur de la cohésion de la nation. Je vous remercie de les incarner si bien et je suis fier de vous, les Français sont fiers de vous. |