POINT DE PRESSE CONJOINT

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

ET DU GÉNÉRAL PERVEZ MUSHARRAF PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DU PAKISTAN

À L'ISSUE DE LEUR ENTRETIEN

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PALAIS DE L'ÉLYSÉE - PARIS

MERCREDI 7 NOVEMBRE 2001

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, je voudrais d'abord dire toute l'importance que j'attache à la présence ici du Président MUSHARRAF et je voudrais lui souhaiter la plus cordiale des bienvenues.

Nous venons d'évoquer l'ensemble des problèmes qui concernent aujourd'hui l'Afghanistan. Le rôle de la coalition, le rôle de ses différents membres et naturellement le rôle très important que joue le Pakistan dans cette affaire. Et nous les avons évoqués sous trois angles, pour constater d'ailleurs que nos points de vue étaient très, très largement convergents.

Nous avons d'abord évoqué la situation militaire. Le Président a fait part de son souci de voir cette situation évoluer le plus rapidement possible. Ce qui est évidemment également notre souhait. Nous avons ensuite évoqué ce qui nous paraît très essentiel, c'est-à-dire une solution politique permettant de mettre en place le plus vite possible un régime de transition qui puisse prendre en main les affaires de l'Afghanistan et remplacer des Taleban qui ont, depuis qu'ils sont arrivés au pouvoir, créé une situation de misère pour la population, d'humiliation des femmes, de refus de prendre en considération les droits de l'Homme, bref, qui représentent un régime totalement archaïque et qui doit être remplacé, notamment en raison de l'aide qu'il a apporté au terrorisme international.

Sur ces différents points et sur la nécessité d'avoir une solution entérinée par l'ONU et qui permette de créer cette transition politique, nous sommes également tout à fait d'accord.

Enfin, nous avons évoqué la situation de détresse non seulement des réfugiés mais également de l'ensemble de la population afghane et la nécessité d'accélérer considérablement la mise en oeuvre de l'aide humanitaire. Sur le plan de l'aide humanitaire, nous avons également la même analyse et nous arrivons aux mêmes conclusions. Et le Président MUSHARRAF a bien voulu soutenir l'idée que j'avais proposée hier, à la fois aux États-Unis et surtout à l'ONU et à son Secrétaire général, de réunion de toute urgence des pays donateurs, des pays limitrophes et des grandes organisations, agences et ONG pour, sous l'autorité d'un responsable de haut niveau, conduire une accélération très importante de la mise en oeuvre de l'aide humanitaire, je le répète, à la fois pour les réfugiés et pour l'ensemble de la population afghane.

Notre accord est complet sur ces différents sujets. La deuxième partie de notre réunion, qui se passera d'ailleurs à l'occasion d'un dîner de travail, portera sur la nécessité internationale d'apporter une aide au Pakistan qui doit faire face, dans la situation actuelle, à des problèmes extrêmement difficiles de toute nature, politiques cela va de soi, mais également économiques et financiers. Ce deuxième point, nous aurons l'occasion de l'examiner lors de notre dîner de travail tout à l'heure.

Monsieur le Président ?

LE PRÉSIDENT MUSHARRAF - Merci, Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs, c'est un honneur et un privilège pour moi que d'être invité à Paris, d'être reçu par le Président et de pouvoir échanger certaines idées et d'échanger nos points de vue avec le Président.

Je voudrais commencer par exprimer ma reconnaissance et mon appréciation de l'attitude qu'ont adoptée le Président et les autorités françaises, une attitude compréhensive vis-à-vis du Pakistan qui doit gérer un certain nombre de problèmes, très particuliers, très graves, à cause de sa position particulière de pays de la ligne de front.

Étant donné notre relation bilatérale qui a touché à tous les domaines de par le passé, il m'a semblé tout à fait normal et logique d'avoir un échange de vues franc et honnête avec le Président. Nous avons parlé en profondeur et en détail de l'Afghanistan, qui est le sujet dont tout le monde parle de par le monde, le sujet qui occupe la coalition aujourd'hui.

Nous avons évoqué les trois stratégies parallèles qui doivent être mises en oeuvre en Afghanistan, la stratégie militaire, la stratégie politique et la stratégie de reconstruction. Nous avons évoqué en détail tous les avantages et tous les inconvénients de ces stratégies et je suis heureux de pouvoir dire que nous avons une vision tout à fait concordante de ces différentes stratégies.

Le Pakistan a fait le choix d'être un membre de la coalition. C'est un choix qui a été fait suite à une analyse que nous avons menée et parce que le Pakistan se considère également une victime du terrorisme. Cette décision, donc, est une décision réfléchie, une décision de joindre la coalition. Et je peux dire ici, à Paris, que nous avons l'intention d'être un membre plein et entier de cette coalition à l'occasion de sa lutte contre le terrorisme de par le monde et également dans la recherche d'un règlement, d'une solution pour l'Afghanistan.

Le Pakistan a déjà eu l'occasion d'être un pays de la ligne de front dans les années 80, lorsque des opérations étaient menées contre l'occupation soviétique. L'expérience du Pakistan, l'histoire du Pakistan, depuis lors, a été malheureuse. C'est pourquoi j'ai dit au Président que le Pakistan et la population pakistanaise dans son ensemble avaient un espoir, l'espoir de voir que l'avenir serait meilleur pour l'Afghanistan et, ayant cet espoir à l'esprit, nous allons rester un membre plein et entier de la coalition.

Comme le Président l'a dit, nous allons évoquer les conséquences pratiques, les conséquences internes de la situation à l'occasion de notre dîner, un dîner que j'attends avec beaucoup d'attention. Et je suis prêt à répondre à vos questions.

QUESTION - Monsieur le Président MUSHARRAF, êtes-vous d'accord pour accorder, donner votre feu vert à des opérations américaines, des offensives américaines depuis votre territoire ? Merci.

LE PRÉSIDENT MUSHARRAF - Il y a déjà une coopération entre le Pakistan et les forces de la coalition dans trois domaines. Premièrement, l'échange de renseignements. Deuxièmement, l'ouverture de l'espace aérien pakistanais et, troisièmement, un soutien logistique. Et dans le cadre de ce soutien logistique, des opérations et des missions de recherche et d'aide ont été déjà menées.

QUESTION - Monsieur le Président MUSHARRAF, est-ce que dans le domaine du renseignement vous pensez pouvoir faire un petit peu plus, puisque, très honnêtement, la question qu'on se pose, que l'on soit au Pakistan ou ici, c'est est-ce qu'il y a une coopération entière et totale de vos services de renseignements ? Vous avez changé la tête de ces services il y a un mois à peu près mais, dans les échelons inférieurs, est-ce que vous êtes sûr qu'on vous suit ? Et qu'est-ce que vous allez faire pour être sûr qu'on vous suive au doigt et à l'oeil ?

LE PRÉSIDENT MUSHARRAF - Si vous pensez qu'on peut faire plus que le maximum, eh bien je le ferai. Mais je peux déjà vous dire qu'il y a une coopération totale et un échange de renseignements total. Nous ne faisons pas de rétention d'information. Il y a, comme je le disais, une vraie coopération, pleine et entière, entre nos services de renseignements et les services de renseignements de la coalition et je peux vous dire que nous échangeons tous les renseignements que nous avons. En ce qui concerne le changement à la tête des services de sécurité, je peux vous dire que c'est une affaire de routine, un changement banal qui n'a aucune influence sur le fonctionnement de la structure puisque c'est une structure qui existe déjà. Et nous coopérons.

QUESTION - Vous dites à juste titre, Monsieur le Président CHIRAC, que le problème des réfugiés est très grand. Mais il me semble qu'il y a une petite contradiction, parce qu'en même temps la France est un des pays qui donne le moins pour les réfugiés et, en ce moment, les porte-parole du HCR disent qu'il n'y a pratiquement pas un franc qui est arrivé. Comment va-t-on résoudre ce problème ?

LE PRÉSIDENT - Je connais les réflexions amères de mon ami Ruud LUBBERS sur la contribution française à son organisation. Je voudrais simplement vous dire qu'il oublie de mentionner que la France donne énormément pour l'ensemble de l'action en faveur des réfugiés dans le monde, mais pas toujours par le biais du HCR. De la même façon, nous sommes un contributeur très important pour ce qui concerne l'Afghanistan et les décisions prises par l'Union européenne, nous en payons environ 20%, de fournir immédiatement 300 millions d'euros. Vous voyez donc que la France participe parmi les premières nations du monde en ce qui concerne l'aide pour les réfugiés ou pour les personnes déplacées et qu'elle n'a, de ce point de vue, aucun complexe.

QUESTION - Vous avez lancé un appel pour la tenue d'une conférence humanitaire sur l'Afghanistan. Dans l'état actuel des choses dans ce pays, étant donné l'instabilité de l'Afghanistan, ne croyez-vous pas que c'est un peu prématuré et que cette instabilité risque de faire peur aux donateurs éventuels ?

LE PRÉSIDENT - Chère Madame, qu'il y ait de l'instabilité en Afghanistan, cela ne m'a pas échappé. Mais il faut bien comprendre qu'il y a extrême urgence. Il y a nécessité d'apporter une aide à un peuple en grand danger et ce ne sont pas seulement les réfugiés, c'est l'ensemble du peuple afghan. Et, par conséquent, quelles que soient les difficultés, quels que soient les problèmes, quelle que soit l'instabilité, il est impératif, urgent, toutes affaires cessantes, de se mobiliser pour mettre en oeuvre de façon plus efficace, plus systématique, cette aide humanitaire.

C'est la raison pour laquelle j'ai proposé une réunion immédiate des pays donateurs. Car nous avons l'argent. Ce n'est pas un problème d'argent, il y a de l'argent qui n'est pas dépensé. Et s'il en faut davantage, il n'y aura aucun problème pour en trouver davantage. Cette conférence réunirait les pays donateurs, les pays limitrophes sans lesquels, naturellement, on ne peut rien faire, et de ce point de vue, le Président MUSHARRAF a émis, notamment en ce qui concerne la création de camps le long de la frontière, des idées extrêmement positives et généreuses, et puis ceux qui font le travail sur le terrain, c'est à dire les grandes agences et les grandes ONG. J'ai aussi proposé qu'il y ait véritablement un responsable de l'ensemble de cette action.

Dans quinze jours, une grande partie du pays sera recouverte de neige. Avant hier, une personne responsable, je crois numéro deux du PAM, a indiqué qu'ils étaient, pour la première fois, obligés d'envisager de louer des chasse-neige. C'est dire l'importance et l'urgence de la situation. Nous ne pouvons pas attendre. Il faut mobiliser toutes les énergies en accord avec les responsables locaux et engager immédiatement l'action ou accélérer immédiatement l'action.

Le Président MUSHARRAF et moi, nous vous remercions. Nous allons continuer à travailler.