CONFERENCE DE PRESSE DE
MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
A L’ISSUE DU SOMMET EUROPEEN SPECIAL
POUR LE LANCEMENT DE LA MONNAIE UNIQUE
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Bruxelles - Samedi 2 mai 1998
Mesdames, Messieurs,
Je ne vous dirai pas que cela a été facile, vous ne me croiriez pas, mais comme toujours lorsque les tensions sont fortes et les difficultés grandes, les résultats, lorsqu’ils sont positifs, ce qui est le cas, n’en sont que beaucoup plus appréciés.
Nous avons adopté la liste des pays, vous le savez, qui ont pris le premier wagon pour l’euro. Les onze pays qui seront, je n’en doute pas, rapidement suivis par les autres pays membres de l’Union, notamment, ceux qui remplissent les critères.
Lorsque l’on regarde les choses, on s’aperçoit tout de même, qu’il y a de cela moins d’un an, il y avait, notamment à l’étranger, un doute très grand à l’égard de la capacité des onze pays en question, à assumer cette importante réforme. Je me souviens de questions qui m’étaient posées, ici ou là, à l’étranger, à ce sujet. Eh bien ! C’est fait. Je n’en détaille pas les avantages, ni les modalités, vous les connaissez parfaitement, mais je souligne, quand même, que c’est un défi qui a été relevé, et bien relevé.
Alors, pourquoi sommes-nous là, si tard, ce soir ? Vous le savez également. C’est parce qu’il y avait un débat extrêmement délicat et difficile concernant la nomination du premier Président de la Banque centrale européenne. C’est, d’ailleurs, toujours frappant pour moi, de constater que les choses tout à fait essentielles, comme une réforme monétaire historique, se font, je dirais, tranquillement et que les questions, que nous pourrions considérer à côté, comme des questions de détails : la nomination d’une personnalité, posent toutes sortes de problèmes. Enfin, c’est la vie et c’est la nature humaine.
Vous savez qu’il y avait deux candidats. Le candidat hollandais, M. Duisenberg, et le candidat français, M. Trichet.
Très rapidement, M. Duisenberg a fait savoir à la Présidence britannique (au Premier ministre Tony Blair) -après que nous ayions, au cours d’une réunion des chefs d’Etat et de Gouvernement, décidé de lui proposer de le nommer pour huit ans, naturellement, puisque c’est cela la règle, c’est le Traité qui indique le mandat de huit ans-, qu’il ne souhaitait pas, pour des raisons personnelles, assumer son mandat jusqu’à son terme... On ne rit pas, il n’y a aucune raison ! Chacun a ses raisons personnelles d’agir, je ne doute pas un instant qu’il en aille de même pour vous ! Donc, il avait fait savoir à la Présidence que, pour des raisons personnelles, il n’entendait pas assumer son mandat jusqu’à son terme, mais qu’il serait heureux de porter l’euro sur les fonds baptismaux, c’est-à-dire d’assumer l’ensemble de la réforme jusqu’à ce que les billets et les pièces soient distribués, soient en cours et que les monnaies nationales aient été retirées, c’est-à-dire au regard de l’accord de Madrid, à l’occasion du premier semestre de 2002.
Une discussion s’est ouverte sur l’opportunité d’accepter cette proposition et sur les modalités. Il a tout de suite été entendu, dans l’hypothèse où la proposition de M. Duisenberg qui, je le répète, a été nommé pour huit ans, et qui par sa seule volonté, a exprimé le désir d’écourter son mandat, que le deuxième Président, qui serait nommé aussi pour huit ans, naturellement, serait un Français, en la personne de M. Trichet, l’actuel Gouverneur de la Banque de France. Alors, je passe les détails qui ont conduit finalement, notamment pour ne rien faire qui soit susceptible de froisser le Traité, et susceptible de justifier des recours dans certains pays dotés de Cour constitutionnelle, en particulier l’Allemagne. Il a donc été décidé d’entendre M. Duisenberg et sur la proposition de la France.
Nous avons donc, je le répète, sur notre proposition, eu un Conseil formel, plénier, c’est-à-dire en présence des chefs d’Etat et de Gouvernement et des ministres des Affaires étrangères et des Finances, pour entendre la déclaration qu’entendait nous faire M. Duisenberg. Déclaration, je le répète, formelle et figurant, mot à mot, dans les minutes du Conseil.
M. Duisenberg nous a donc expliqué, cette fois-ci, collectivement et il y a dix minutes, que, pour des raisons personnelles, il entendait mettre un terme à son mandat dès lors que les opérations matérielles de mise en place de l’euro seraient terminées, c’est-à-dire à une date comprise entre le 1er janvier 2002 et le 1er juillet 2002, conformément, je le répète, à l’Article 14 de l’accord de Madrid. Il a souligné, à juste titre, que c’était, là, sa décision et qu’il en revendiquait toute la responsabilité.
Alors, à partir de là, a été confirmé l’ensemble des décisions de la journée. D’abord, les onze pays membres qui s’engagent, ensemble et les premiers, dans la monnaie unique, ensuite, la nomination de M. Duisenberg (nous avons pris acte de sa déclaration, nous l’avons nommé pour huit ans) ; confirmation d’un Français comme deuxième Président, en l’occurrence M. Trichet ; des nominations comme vice-Président, vous savez qu’il y a un vice-Président, le Président est nommé pour huit ans, le vice-Président est nommé pour quatre ans ; nomination d’un Français comme vice-Président, M. Christian Noyer ; nomination de quatre autres personnalités au directoire : un Allemand, un Italien, un Espagnol et une Finlandaise.
Voilà, pour ce qui a été décidé aujourd’hui et je suis prêt à répondre aux questions que vous souhaiteriez me poser.
question
- J’aimerais connaître le degré de spontanéité du renoncement de M. Duisenberg à effectuer la totalité de son mandat. Deuxième question, n’avez-vous pas l’impression que vous avez donné une image, un peu triste, de ce départ de l’euro en vous livrant une bataille sans merci pour obtenir un raccourcissement de la durée du mandat de M. Duisenberg et obtenir la nomination d’un Français à sa suite ?
le president
- Vous voyez, cher Monsieur, cela vous paraît, peut-être, triste qu’on ait mené un combat pour avoir un Français comme vice-Président dès le départ et un Français comme Président trois ans et demi après. Cela, c’est votre conception des choses que je ne discute pas naturellement. Eh bien ! Moi, cela ne me paraît pas triste du tout, et pour ne rien vous cacher, j’en suis fort satisfait.
Quant au degré de spontanéité, je peux vous dire, très franchement, que lorsque j’ai vu que les choses avaient du mal à s’engager et que l’heure passait, j’ai eu, moi-même, un entretien avec M. Duisenberg qui ne m’a pas caché quelles étaient les raisons pour lesquelles, en toute hypothèse, il n’entendait pas faire la totalité de son mandat. Raisons qui m’ont paru parfaitement légitimes, c’est sa responsabilité, sa décision et j’ajoute que lorsqu’il s’est exprimé devant la séance plénière, il a notamment évoqué son âge et son désir de pouvoir, le moment venu, prendre la retraite qu’il souhaitait.
Alors, vous voyez, cela vous rend triste que la France ait pu acquérir un avantage. Eh bien ! Moi, cela me rend gai.
question
- Il m’avait semblé entendre, dans le passé, M. Duisenberg lui-même, dire qu’il tenait à un mandat de huit ans. D’autre part, si maintenant des raisons de santé, ou autre, l’empêchent d’exercer ce mandat pendant huit ans, est-ce qu’il n’aurait pas été plus simple de nommer directement un Président pour huit ans.
le president
- Il aurait probablement été, peut-être, plus simple de faire autrement. Il s’est trouvé que nous avons fait comme cela et que cela n’a déjà pas été si facile. D’abord, M. Duisenberg n’a jamais fait état de sa santé et pour avoir eu un long entretien avec lui, je peux vous dire qu’il m’a paru en excellente santé. Je ne crois pas que cela soit sa raison. Deuxièmement, je l’ai entendu aussi dire ce que vous avez rappelé. Mais je l’ai, également, entendu dire le contraire. Il y a, et c’est tout à fait légitime, dans des périodes de cette nature, surtout au niveau de banquiers centraux, un certain nombre de contraintes d’ordre psychologique qui peuvent mettre en cause, des réactions, notamment, sur les marchés, ce n’est pas à vous que je l’apprendrai.
M. Duisenberg a pris ses décisions comme il l’a entendu. Moi, ma volonté, c’était qu’il y ait le plus vite possible un Président français, qu’en attendant, il y ait, en tous les cas, un vice-Président français. Cet objectif a été atteint et j’en suis satisfait.
question
- M. le Président, que feriez-vous si M. Duisenberg changeait d’avis d’ici quatre ans ?
le president
- Nous verrons. Ceci étant, la déclaration qu’a faite M. Duisenberg devant le Conseil plénier, c’est-à-dire les ministres et les chefs d’Etat et de Gouvernement, et connaissant par ailleurs M. Duisenberg, qui est un homme de grande qualité, cela m’étonnerait qu’il ait parlé à la légère.
question
- M. le Président, cette décision semble conforme à la lettre du Traité mais pas nécessairement à son esprit. En particulier, le Parlement européen, ce matin, a multiplié des déclarations pour dire qu’il s’opposait à une scission du mandat et souhaitait un candidat pour huit ans ferme. Pensez-vous que M. Duisenberg ait la moindre chance d’être accepté par les parlementaires ? Et si ce n’est pas le cas, pensez-vous que cela n’a aucune importance ?
le president
- Cher Monsieur, le Parlement européen a eu parfaitement raison d’indiquer, clairement, alors que c’est vrai la question avait été posée, ici ou là, que l’on ne pouvait pas accepter une scission du mandat. C'est bien d'ailleurs la raison pour laquelle il n'y a pas eu de scission du mandat. Il y a eu un Président qui a été nommé pour huit ans, mais qui, sollicité, a fait connaître "son intention de", ce qui n'a rien à voir avec une scission du mandat. C'est la volonté de M. Duisenberg.
Par conséquent, le Parlement européen n'aura pas, je pense, de difficulté pour comprendre cela.
question -
Est-il vrai que le Chancelier Kohl a signé un document parce qu'il était d'accord et qu'ensuite il a fait marche arrière. Que s'est-il vraiment passé ?
le president -
Je ne sais pas du tout s'il y a eu un document. Ce dont je suis tout à fait sûr, c'est que le Chancelier n'a pas signé de document. Cela, j'en suis tout à fait sûr. Moi, je ne connais pas de document. Il y a eu des interprétations que j'ai entendues, ici ou là, selon lesquelles il y avait une difficulté franco-allemande. C'est très curieux, parce que ce n'est pas du tout le cas. Il y a eu une difficulté franco-hollandaise.
Le problème du Chancelier est apparu lorsque, exactement dans l'esprit de la question posée par votre prédécesseur, les déclarations et la procédure engagées risquaient de faire apparaître la décision comme une scission du mandat, ce qui aurait été contraire au Traité. C'est à ce moment-là que le Chancelier a eu un vrai problème.
Vous savez, qu'il y a déjà eu des recours devant la Cour constitutionnelle, en Allemagne. Ces recours ont été gagnés par le Gouvernement allemand. Mais le Gouvernement allemand et le Chancelier sont très, très, attentifs à ne rien faire qui, de près ou de loin, pourrait justifier un recours qui pourrait alors être gagné, ce qui aurait des conséquences tout à fait considérables.
C'est à partir de là, que le Chancelier a fait valoir qu'il ne pouvait pas être d'accord avec la procédure telle qu'elle était engagée. Ce n'était pas du tout une question de fond, c'était une question de procédure.
C'est donc cela qui nous a fait perdre un peu de temps. Il a fallu trouver les moyens, la procédure qui permettraient d'être parfaitement et totalement conformes au Traité. C'est comme cela que j'ai pris l'initiative, d'abord de rencontrer M. Duisenberg pour savoir exactement ce qu'il souhaitait et ce qu'il voulait. C'est dans cet esprit, aussi, que j'ai, après l'avoir rencontré, proposé qu'il y ait une audition de M. Duisenberg par le Conseil plénier, de façon à ce qu'il n'y ait pas l'ombre d'un doute sur l'expression de la volonté de M. Duisenberg. A partir de là, il n'y a plus eu de problème avec le Chancelier.
Je voudrais corriger cette impression que j'ai observée, ici ou là, depuis quelques jours. Il n'y a pas eu dans cette affaire du tout de problème franco-allemand. Il y a eu un problème franco-hollandais.
question -
Je voulais savoir seulement si M. Trichet à l'intention de servir les huit ans qu'on lui donne ?
le president -
Je vais vous faire une suggestion, vous devriez le lui demander. Je n'ai aucun argument qui me permette d'imaginer qu'il veuille écourter son mandat, mais cela, c'est son problème.
question -
M. le Président, en quoi était-ce si important pour la France d'avoir, d'abord une vice-présidence et ensuite la présidence de la Banque centrale européenne. Est-ce que ce n'est pas un peu une approche nationaliste d'une institution qui a pour objet d'être justement une institution communautaire ?
le president -
Naturellement, c'est une institution communautaire. C'est vrai aussi de la Commission. Vous avez observé que, dans le cadre de la réforme des institutions, quand j'ai proposé qu'il n'y ait que sept ou huit commissaires, que les grands pays n'en ait qu'un comme les autres et que l'on siège à tour de rôle comme commissaire, j'ai été contredit par tout le monde, parce que chaque pays voulait avoir son commissaire. Mais si c'est une procédure européenne, il y a des intérêts qui doivent être défendus et que chaque pays entend défendre.
Vous savez, il fut un temps où on avait ouvert un grand débat sur l'Europe fédérale, confédérale ou je ne sais quoi. La vérité, c'est que nous sommes aujourd'hui, à l'évidence, le Chancelier Kohl a eu raison de le rappeler il y a peu de temps, dans un système qui est un système d'Europe des Nations. Cela n'empêche pas les solidarités de se renforcer sans cesse. Cela suppose que chaque Nation défende ses intérêts.
Alors, s'agissant de la Banque centrale européenne, on peut difficilement imaginer que la France qui, avec l'Allemagne, possède la monnaie la plus importante de l'Europe, dont les intérêts économiques, commerciaux, monétaires, financiers, sont les plus importants. On peut difficilement imaginer qu'elle n'ait pas souhaité être, dès le départ, dans le groupe de ceux qui mettent en place les choses. Effectivement, c'était important, non pas par nationalisme comme vous dites, mais par réalisme.
question -
Quand vous avez dit que vous n'avez pas de problème avec le Chancelier allemand, mais avec les relations franco-néerlandaises, comment voyez-vous l'effet de cette affaire sur ces relations dans le futur ?
le president -
Avant de vous répondre, je voudrais noter une réflexion que le ministre français de l'Economie et des Finances me fait, à juste titre, en me passant un petit papier, où il me dit, il a entièrement raison, je voulais le dire, mais je ne l'ai pas fait, "de toute façon, le Français n'est pas là pour défendre les intérêts français dans la BCE, mais pour gérer la monnaie" ce qui est tout à fait évident et ce que je tenais aussi à souligner.
Vous dites que j'ai dit qu'il y avait eu un problème franco-hollandais. Ce n'est pas un problème grave. Mais il y avait un candidat hollandais, normalement et légitimement soutenu par le Gouvernement des Pays-Bas, et un candidat français soutenu par le Gouvernement français. Par conséquent, il y avait forcément une opposition entre l'un et l'autre. Je ne vais pas dire qu'il y ait la guerre ou que c'est un drame, il y avait une opposition. Ce que je voulais dire, c'est qu'il n'y avait pas de problème franco-allemand dans cette affaire, il y avait un problème franco-hollandais. Il n'y aura, je vous rassure tout de suite, aucune suite dans l'avenir. L'affaire est maintenant réglée, cela ne pose plus de problème.
question -
M. le Président, êtes-vous soucieux des opinions publiques européennes non françaises, et particulièrement de l'opinion publique allemande dont on sait qu'elle voulait que, non seulement la lettre, mais l'esprit du Traité soient respectés et dont on sait également qu'elle pèsera lourd dans le succès ou dans l'échec de l'euro. Ne craignez-vous pas que par cette décision, la façon dont elle a été prise ici, le succès de l'euro lui-même soit peut-être menacé ?
le president -
Je ne le pense pas. D'abord, parce que le Traité a été respecté au pied de la lettre, ensuite parce que les hommes en cause sont des hommes unanimement respectés pour leurs compétences et leurs capacités à gérer la banque et, enfin, parce que l'euro est déjà anticipé. Vous savez, si nous n'avons pas connu de crise liée à la crise asiatique, c'est parce que les marchés avaient anticipé l'euro. C'est, d'ailleurs, ce qui nous a permis d'intervenir de façon importante sur les marchés asiatiques pour maîtriser la crise. L'euro est un élément capital de stabilité. Sur les marchés, il est déjà intégré, l'anticipation a eu lieu. Ce qui aurait été désastreux, c'eût été l'incapacité non pas de nommer tel ou tel à la Banque centrale, mais l'incapacité de prendre la décision sur le premier train de pays à monnaie unique.
question -
M. le Président, avez-vous eu l'occasion au cours de cette longue journée d'évoquer avec l'un ou l'autre de vos interlocuteurs de la Commission, l'avenir du Crédit lyonnais ?
le president -
Je n'ai pas eu aujourd'hui l'occasion d'évoquer ce problème, car ce n'était vraiment pas à l'ordre du jour. Vous savez que le Gouvernement français, notamment le ministre de l'Economie et des Finances, le suit avec la plus grande attention et toute la fermeté nécessaire, compte tenu du respect des Traités.
question -
M. le Président, comme vous n'avez pas répondu à la question de ma consoeur ici, pensez-vous que le résultat de ce Sommet facilitera la tâche de M. Kohl pour gagner les prochaines élections ?
le president -
Cher monsieur, je n'ai pas de commentaire à faire sur les affaires politiques intérieures de l'Allemagne, vous l'imaginez. S'il s'agit des conséquences de l'euro, les décisions d'aujourd'hui sur l'opinion publique allemande, tout ce que je peux dire, c'est que je pense que ces décisions devraient être positives. D'abord, parce que personne ne met sérieusement en doute le caractère positif de l'euro, que le Chancelier a eu depuis toujours et surtout dans la période récente un rôle capital pour faire progresser la monnaie unique, que celle-ci a déjà fait, je le rappelais à l'instant, la preuve, avant même d'exister, de son efficacité et de sa nécessité et qu'aujourd'hui, elle est officiellement sur les rails. Elle le doit pour une part importante au Chancelier qui a eu cette vision de l'Europe qui consistait à refuser tout Yalta. Nous avons suffisamment souffert des divisions en Europe. On pouvait évidemment envisager d'autres systèmes monétaires européens qui auraient consisté une fois de plus à diviser notre continent. Le Chancelier a une vision longue de l'Europe et refuse de faire un Yalta monétaire en Europe. Cela a été une grande chance pour les Européens en général, et pour les Allemands en particulier.
question -
M. le Président, vu le fait que ce matin il y avait quatorze pays qui ont soutenu M. Duisenberg, qualifieriez-vous la position que va avoir maintenant M. Trichet comme une victoire française ?
le president -
Je n'ai jamais interprété les décisions communautaires comme des victoires. Si, je l'ai fait une fois. C'est quand j'ai réussi à obtenir l'intervention sur le marché de la viande, c'était très très ancien. J'étais ministre de l'Agriculture. Je suis revenu et j'ai dit que c'était une grande victoire française. M. Pompidou, qui était alors Premier ministre, m'a dit : " premièrement, c'est une victoire de l'agriculture européenne, deuxièmement, s'il y a une trace de victoire française, ce n'est pas à vous de le dire ". J'ai retenu cette observation. Donc, je ne dirai pas cela. Je dis simplement que mon objectif c'était que la France soit, dès le départ, associée à un niveau de responsabilité à cette grande aventure. Je trouvais légitime qu'elle le soit, compte tenu de son importance économique et financière. Voilà, je ne parle certainement pas de victoire.
question -
M. le Président, juste une toute petite précision sur la décision de la présidence de la BCE. Si par hasard M. Duisenberg décide de partir après quatre ans, cela veut-il dire qu'il n'y aura plus de Néerlandais au Conseil de la BCE, ou sera-t-il remplacé par quelqu'un d'un autre pays ?
le president -
Le Conseil a adopté une résolution sur la rotation à laquelle je vous suggère de vous reporter.
question -
M. le Président, vous nous avez parlé de l'anticipation sur l'euro qui avait été favorable. Est-ce qu'on peut penser que l'euro est en train de se concrétiser, est-ce que ce n'est pas maintenant que les difficultés commencent, à en juger notamment par la journée d'aujourd'hui ?
le president -
A quelles difficultés faites-vous allusion ? La journée d'aujourd'hui a mis un terme justement aux difficultés qui étaient apparues. Je ne vois pas pourquoi elles commenceraient.
question -
Parce que la période d'anticipation était vers l'avenir, là on rentre maintenant dans du concret qui pourrait être beaucoup plus complexe.
le president -
Je ne vois pas pourquoi. Je suis persuadé que la mise en oeuvre de l'euro, à partir de 1999, dans les conditions que vous savez, se fera tout à fait normalement. A partir de 2002, l'euro deviendra une monnaie sonnante et trébuchante. Je ne vois pas pourquoi il y aurait de difficulté, en dehors de toutes les difficultés matérielles que tous les Européens vont devoir assumer. Vous aurez remarqué que les sondages qui sont faits, en tous les cas en France, notamment récemment -je reconnais que le sondage n'est pas une valeur absolument sûre- mais enfin, les sondages qui sont faits montrent qu'une large majorité de Français sont prêts à assumer les difficultés et les inconvénients du changement de monnaie et jugent cela de façon positive.
Il appartiendra au Gouvernement, il appartiendra aux organisations professionnelles de tout faire, et j'entends bien y veiller, pour faciliter la vie des gens qui sera perturbée matériellement. Il faudra mettre à leur disposition les moyens qui leur permettront d'assumer ces difficultés. Il faudra surtout que l'Etat, les administrations nationales, régionales, locales, fassent un énorme effort pour alléger les difficultés des gens. Cela, c'est un vrai problème, mais je pense qu'on le surmontera.
question -
M. le Président, après une journée comme celle-ci, est-ce que la France va encore oser présenter un candidat pour la Présidence de la BERD ?
le president -
En ce qui concerne les candidatures, nous avons fait le nécessaire aujourd'hui. Nous verrons les choses en leur temps.
question -
M. le Président, quelle trace écrite reste-t-il de l'engagement de M. Duisenberg de se retirer dans quatre ans et quelle est la valeur juridique de cette trace écrite ?
le president -
La trace écrite, c'est l'enregistrement de sa déclaration au Conseil formel qui a été tenu tout à l'heure et qui figurera aux minutes. Ceci étant, cette trace écrite, je vous le dis tout de suite, je la juge tout à fait inutile. M. Duisenberg a fait une déclaration. Je ne doute pas un seul instant de sa bonne foi.
Je vous remercie. |