Message de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, adressé aux participants du deuxième Congrès mondial contre la peine de mort - (lu par Mme Nicole GUEDJ, secrétaire d'Etat aux droits des victimes, auprès du garde des sceaux, ministre de la justice)
Montréal - Canada, le 6 octobre 2004.
Mesdames et Messieurs,
Vous êtes rassemblés aujourd'hui à Montréal au nom d'une conviction et d'un engagement qui sont aussi la conviction et l'engagement de la France. La vie humaine est inviolable et sacrée. En aucun cas la mort ne peut être un acte de justice.
Vous livrez dans vos pays, au sein de vos parlements, dans vos associations, auprès de vos concitoyens et des peuples du monde un combat de chaque jour pour l'abolition universelle de la peine capitale. Ce combat est celui de la France.
Votre présence si nombreux ici, à l'occasion de la journée mondiale contre la peine de mort, votre mobilisation constante marquent le refus de la peur et de l'esprit de vengeance. Le choix de la justice et de l'humanisme.
Les partisans de la peine de mort cherchent à la légitimer par des considérations d'équité et d'efficacité. Il n'en est rien. Il n'existe pas de justice infaillible et chaque exécution peut tuer un innocent. La peine capitale ne répare pas le préjudice des victimes, pas plus qu'elle ne sert la sécurité de la société.
La peine de mort est aussi intrinsèquement injuste. Les arguments de la défense ou les voies de recours s'épuisent plus vite pour les pauvres ou les minorités que pour les riches.
L'abolition de la peine de mort est inscrite dans le progrès de la civilisation. Engagé par les Lumières, avec BECCARIA qui voyait dans cette peine la "fin du contrat social", le combat se poursuit depuis maintenant plus de deux siècles. Cette cause, qui fut celle de CONDORCET, de Victor HUGO, d'Aristide BRIAND ou d'Albert CAMUS, il nous revient de la porter aujourd'hui.
D'ores et déjà, la moitié des Etats membres des Nations Unies ont franchi le pas. La France, pour sa part, l'a fait en 1981, à l'initiative du Président François MITTERRAND, et a engagé les procédures nécessaires à la ratification du deuxième protocole au Pacte des droits civils et politiques. L'Union européenne a inscrit le principe de l'abolition dans sa Charte des droits fondamentaux. Une quarantaine d'autres pays ont renoncé à appliquer cette peine. La Cour Pénale Internationale, comme les autres tribunaux internationaux, l'exclut.
Mais nous voyons aussi le chemin qui reste à accomplir. Soixante-dix-huit pays maintiennent et appliquent encore ce châtiment. Plusieurs, après avoir observé un moratoire, ont repris les exécutions.
Sans attendre, j'appelle à nouveau aujourd'hui à l'instauration d'un moratoire général de toutes les exécutions capitales, première étape vers l'abolition universelle.
Il reste des Etats où l'on applique cette peine à des enfants, à des adolescents, à des personnes frappées de déficiences mentales. Demandons-leur d'y renoncer dès maintenant. Car de telles exécutions révoltent la conscience et, au-delà de tout débat, contredisent l'idée même de justice.
A l'heure où le monde semble saisi par le vertige de la violence, faisons preuve de confiance dans l'avenir. Choisissons résolument la voie de l'éducation et de la prévention. Démontrons par un nouveau progrès de la justice et du droit que nous entendons conduire fermement le combat contre les fléaux contemporains avec les armes de la liberté et de l'humanisme.
Tel est le sens de votre combat. Vous pouvez compter sur la détermination de la France pour y prendre toute sa part.
Je vous remercie.
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