Point de presse de M. Jacques CHIRAC Président de la République à l'issue de son entretien avec M. George Walker BUSH Président des Etats-Unis d'Amérique.
Maison Blanche- Washington (États-Unis)
Mardi 18 septembre 2001.
Mesdames, Messieurs, Nous venons d'avoir avec le Président, ses collaborateurs et les miens, un entretien, je dirais, pour moi en tous les cas, extrêmement intéressant et qui a porté sur l'ensemble des problèmes du monde d'aujourd'hui, bien sûr, et d'abord sur le drame que les États-Unis ont connu le 11 septembre. Mais également sur l'ensemble des problèmes de la planète. S'agissant de l'attaque terroriste dont les États-Unis ont été les victimes, j'ai tenu, naturellement, à confirmer au Président, et à travers lui au peuple américain, d'abord bien sûr la solidarité totale des Français, qui est la solidarité du coeur. Je lui disais qu'un récent sondage fait en France montrait que 96% des Français avaient exprimé leur solidarité. Ce qui est, à ma connaissance, sans précédent dans notre pays. C'est vous dire à quel point les Français ont ressenti de façon solidaire l'attaque dont les États-Unis ont été victimes. Je lui ai confirmé, naturellement, notre détermination à participer et à renforcer la lutte nécessaire contre un terrorisme qui s'en prend en réalité aux libertés, aux droits de l'Homme, à la dignité de la personne humaine, et qui doit être éradiqué. Et, enfin, je lui ai fait part de la disponibilité de la France pour coopérer, naturellement, avec les États-Unis, mais aussi celle de l'ensemble des pays du monde qui veulent lutter contre le terrorisme et pour la dignité humaine, dans toutes les actions susceptibles de permettre l'éradication de ce mal qui est un mal, aujourd'hui, absolu.
QUESTION - Monsieur le Président, avez-vous évoqué ce que pourraient être la riposte américaine et le rôle que pourrait jouer l'ONU ?
LE PRÉSIDENT - Nous avons évoqué ensemble, et également en tête-à-tête, avec le Président, les différentes hypothèses. Et tout ce que je peux dire aujourd'hui, c'est que je comprends mieux maintenant les intentions des États-Unis, ou les réflexions des États-Unis. Mais c'est un domaine sur lequel je ne ferai pas de commentaires.
QUESTION - Quand vous parlez de coopération avec les États-Unis, qu'est-ce que cela signifie, sur le plan militaire notamment ?
LE PRÉSIDENT - Nous avons parlé très longuement de la nécessité d'une coopération de l'ensemble des pays du monde pour renforcer nos moyens de lutte contre le terrorisme. Chacun comprend que cela comporte toute une série d'initiatives, dans le domaine judiciaire, dans celui du renseignement, dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de l'argent sale qui alimente les financements des terroristes, bref dans toute une série de domaines. Pour ce qui concerne la coopération militaire, naturellement, elle peut se concevoir, mais dans la mesure où nous nous serions préalablement concertés sur les objectifs et les modalités d'une action. Vous savez que la France conserve, comme tous les pays de l'OTAN, son droit souverain à apprécier les modalités et la nature de son intervention militaire éventuelle.
QUESTION - Est-ce que vous avez le sentiment, ce soir, que les États-Unis se préparent à une riposte mesurée et ciblée ?
LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas de commentaires à faire sur ce point. J'ai eu le sentiment que le Président des États-Unis avait une vue parfaitement claire de la situation, une grande détermination à conduire une action coordonnée, sur le plan international, de lutte contre le terrorisme. Et je ne puis qu'approuver ses objectifs et ce qu'il nous a dit ce soir.
QUESTION - Monsieur le Président, il y a probablement plus de cinq mille morts, pourquoi votre réticence à admettre que ce soit une guerre ?
LE PRÉSIDENT - Je n'ai jamais exprimé la moindre réticence. Je ne sais pas où vous avez trouvé cela...
QUESTION - Vous avez dit que vous ne vouliez pas utiliser le mot guerre ?
LE PRÉSIDENT - Je ne veux pas faire de querelle sémantique. Je suis parfaitement conscient de ce qui s'est passé, naturellement, et, comme le disait tout à l'heure George BUSH, parfaitement conscient qu'il s'agit d'un conflit, d'une guerre, appelez cela comme vous voulez, mais qu'il y a une action nouvelle, qui implique des moyens nouveaux pour lutter contre un mal nouveau et que nous devrons bien terrasser.
QUESTION - Monsieur le Président, se dirige-t-on vers une coopération plus étroite et plus intelligente entre services secrets occidentaux ?
LE PRÉSIDENT - Non seulement les services secrets, mais la police, la justice, l'ensemble des moyens techniques dont nous disposons, y compris l'Organisation internationale de l'avion civile ou l'Organisation internationale des télécommunications, la lutte contre l'argent sale, bref, tous ces moyens doivent être coordonnés, amplifiés, modernisés et avec l'ambition de les rendre beaucoup plus efficaces, car c'est à l'origine même du mal. C'est une guerre, pour reprendre votre mot, qui doit être menée sur tous les fronts.
QUESTION - Est-ce que vous êtes préoccupés par un amalgame entre lutte contre les terroristes et lutte contre le monde arabe et contre l'Islam ? Est-ce que la France peut jouer un rôle pour éviter cela ?
LE PRÉSIDENT - Cela, c'est un point très important et c'est tout à fait le sentiment que j'ai recueilli de la part du Président BUSH, qui l'a d'ailleurs évoqué tout à l'heure devant les représentants de la presse. Il est capital de ne faire aucun amalgame entre, d'une part des fondamentalistes terroristes et fanatiques et, d'autre part, le monde arabe ou musulman. Un tel amalgame serait à la fois injuste et inacceptable. Ce serait aussi tomber dans le piège que nous tendent les terroristes. Mais, de ce point de vue, j'ai observé que l'ensemble des chefs d'État ou de gouvernement avec lesquels j'ai eu l'occasion de m'entretenir, et ce soir le Président BUSH, avaient exactement la même approche et la même analyse.
Je vous remercie
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