Paris, le 29 avril 1998
Monsieur le Président,
Cher Ami,
Il y a cinquante ans, l'Histoire retenait son souffle. Au terme de vingt siècles d'errance, le peuple juif se donnait un Etat. Israël était né.
En ce jour anniversaire, je pense à la destinée unique du peuple juif. A ses épreuves dans l'exil, pour vivre et pour survivre. A son martyr. Aux survivants, rêvant à la Terre Promise. Au combat d'Israël pour exister comme Etat.
Je me souviens qu'Israël fut " le peuple des larmes ". Je pense aux millions d'hommes, de femmes et d'enfants victimes de la SHOAH. Je revois Yad Vashem, ses allées de souffrance et de silence. Je me rappelle l'émotion des jeunes Français et des jeunes Polonais qui m'accompagnaient il y a deux ans à Auschwitz, et qui découvraient ces lieux d'épouvante.
Dès les premières heures, la France soutenait Israël. Sa voix emportait la décision des Nations Unies. Chacun alors souhaitait que cette naissance se fasse dans la paix. Cette volonté de paix demeure présente aujourd'hui. Et avec elle, l'espoir. Des hommes d'Etat, des hommes de bonne volonté, malgré les crises, les guerres, l'incompréhension, ont su bâtir quand tout semblait impossible.
Je veux leur rendre hommage. En une vie, ils fondèrent un Etat, développèrent une Nation, la défendirent avec une énergie farouche, puis se tournant vers les adversaires d'hier, établirent avec eux les fondements de la paix.
Monsieur Ezer WEIZMAN Président de l'Etat d'Israël
Je pense avec respect aux pères fondateurs et aux dirigeants d'Israël, à David Ben GOURION, Golda MEIR, Ménahem BEGIN, Yitzhak RABIN, Shimon PERES. Je pense aussi à vous, mon cher Président. Aux côtés de Ménahem BEGIN, vous avez été l'un des premiers à surmonter les blessures de l'affrontement pour saisir à Camp David, il y a 20 ans, la première occasion de paix avec un pays arabe. C'est vous aussi qui tendiez la main à Yasser ARAFAT pour faire naître la confiance.
Avec vous, je rêve à ce jour où tous les habitants d'Israël vivront en sécurité. Dans cette sécurité durable que seules apportent la paix et la confiance. Je rêve à ce jour où tous les fils et filles d'Israël et de tous les peuples voisins pourront circuler librement, se rencontrer, se connaître. Où le voisin ne sera plus l'ennemi mais un partenaire, mieux, un ami.
Je garde confiance en la paix. C'est un long et difficile chemin, semé de difficultés et d'embûches. Pour le parcourir, il faut d'inlassables efforts de part et d'autre. Il y faut du courage et la foi. En Europe, nous avons progressé lentement, patiemment mais sûrement. Après s'être affrontés pendant des générations, les ennemis héréditaires d'hier ont réussi à rendre la guerre impensable sur notre continent.
En cet anniversaire, je me réjouis avec vous, et tout le peuple d'Israël du demi siècle écoulé qui a vu votre pays vivre, se développer, s'affirmer comme une grande nation démocratique, un grand pays, où s'accomplit chaque jour le miracle du génie humain. Un pays où le verger naît du désert, où l'industrie, la recherche, la science dessinent le troisième millénaire.
Mais un pays qui doit, à mon sens, encore atteindre l'essentiel : la confiance et la paix. Aujourd'hui, à travers vous, c'est aux jeunes d'Israël que je souhaite m'adresser pour leur recommander d'être, avec vos voisins et partenaires pour toujours, les héros de la paix. Vous pouvez compter sur l'amitié et le soutien de la France.
Je vous présente tous mes voeux et je souhaite longue vie au peuple d'Israël.
En vous redisant mon amitié personnelle, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'expression de ma très haute considération.
Bien cordialement vôtre,
Jacques CHIRAC |