DISCOURS DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
RECEPTION EN L'HONNEUR DU CORPS PREFECTORAL
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Palais de l'Elysée - Mardi 4 Février 1997
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Ministre de l'Intérieur,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de l'Association du Corps Préfectoral,
Mesdames et Messieurs les Préfets et Sous-Préfets,
Mesdames et Messieurs,
Je vous souhaite, bien sûr, la plus cordiale des bienvenues, et j'en suis heureux. Ce rendez-vous traditionnel est pour moi et les membres du Gouvernement, l'occasion de rencontrer toutes celles et tous ceux qui, dans nos régions, dans nos départements et leurs arrondissements, représentent l'Etat et traduisent en actions les grandes priorités de la nation, sur le terrain, aux côtés des élus, au service de nos compatriotes.
En vous recevant, l'année dernière, j'avais évoqué les défis que notre pays doit relever pour aborder l'avenir avec succès. Et je pense en particulier à la cohésion nationale, si précieuse aujourd'hui alors que la France doit se moderniser pour s'adapter à son temps et pour prendre toute sa part à la construction Européenne.
Je vous avais appelés à vous mobiliser et à vous porter aux avant-postes des grands combats que mène le gouvernement : l'emploi, bien sûr, et notamment celui des jeunes ; la réforme de l'Etat pour mieux répondre aux attentes des Français. Vous l'avez fait, mais ces efforts, qui ne peuvent porter leurs fruits que sur le long terme, demeurent toujours d'actualité et je dirais de plus en plus nécessaires.
L'emploi reste la première de nos priorités.
Il y a 18 mois, notre objectif était d'abord de réduire le chômage de longue durée. Nous avons pour cela créé le contrat initiative emploi. Grâce, je le sais, à l'implication personnelle de chacun d'entre vous, cette mesure a connu un grand succès. 450 000 contrats ont été conclus à ce jour. C'est bien la preuve qu'avec détermination on peut obtenir des résultats.
Nous savons qu'à croissance égale, notre économie crée plus d'emplois aujourd'hui que par le passé. Quand il fallait, dans les années 80, 2,3% de croissance pour maintenir l'emploi, il en faut aujourd'hui 1,5%. Cet enrichissement de la croissance en emplois résulte à la fois de l'allégement du coût du travail peu qualifié, d'une nouvelle organisation du temps de travail et du développement des emplois de service. C'est dans cet esprit que le Gouvernement a réformé notre système d'aides à l'emploi.
Mais, de toute évidence, ce n'est pas suffisant. Nous devons aller plus loin. Nous devons libérer les initiatives. Celles des entrepreneurs, celles des collectivités locales, celles des associations.
Nous devons favoriser par tous les moyens le développement des entreprises et d'abord des entreprises moyennes, petites ou artisanales qui créent l'essentiel des emplois. C'est le sens du plan PME. C'est le sens de la réforme fiscale. C'est le sens de la réforme du financement de notre protection sociale. C'est le sens de la nécessaire simplification des formalités qui est engagée. On n'encouragera jamais assez ceux qui travaillent, ceux qui créent la richesse, et donc l'emploi. Je vous demande de toujours garder à l'esprit cette exigence et de veiller à ce que l'ensemble des services de l'Etat en soient également pénétrés.
Nous avons en France de formidables réserves d'énergie, d'innovation, de projets dans tous les domaines. Nous devons tout faire pour leur permettre d'aboutir. C'est le devoir de l'Etat. La France est riche d'une forte tradition de service public. Mais l'administration ne doit pas être un frein au développement des activités dans notre pays, comme cela se trouve encore parfois. Nous devons en faire le fer de lance de la politique pour l'emploi. Et d'abord au plan local.
J'ai dit, cet automne, dans le Pas-de-Calais, combien la lutte contre le chômage dépend d'abord et avant tout d'initiatives locales et de projets à taille humaine. C'est là, avec les marchés extérieurs et l'exportation, que sont les gisements d'emplois nouveaux. Et c'est en étant au plus près des besoins des entreprises et des collectivités, en favorisant autant que faire se peut leurs démarches, en rejetant les interprétations tatillonnes des textes, que vous contribuerez le mieux au développement de l'emploi.
J'ai souhaité que l'année 1997 soit l'année de l'emploi des jeunes. Parce qu'il n'est pas de famille qui ne soit inquiète pour l'avenir de ses enfants. Parce qu'une fille ou un garçon qui trouve un travail, c'est toute une famille qui reprend confiance.
Cela passe par une mobilisation de tous. Du Gouvernement qui met en place les instruments nécessaires. Des partenaires sociaux naturellement. Des collectivités locales et des associations. Des entreprises enfin, petites ou grandes, qui forment déjà, pour leurs besoins, des jeunes en alternance, mais qui pourraient aussi élargir leur dispositif de formation à d'autres jeunes et les aider ensuite à trouver du travail. C'est aussi leur intérêt bien compris.
Formation en alternance pour les jeunes non qualifiés, expériences en entreprise pour les étudiants, contrats d'insertion pour les plus défavorisés : il n'y a pas évidemment une solution, il n'y a pas évidemment de solution miracle, il n'y a que des solutions nombreuses adaptées à chaque situation.
Préfets et Sous-préfets, vous avez un rôle essentiel à jouer dans cette croisade pour l'emploi des jeunes.
Avec les élus responsables, vous avez mis en place les programmes régionaux. Vous devez leur donner toute leur ampleur en prospectant systématiquement les entreprises et les collectivités locales pour offrir une qualification ou une première expérience professionnelle aux jeunes dans vos départements.
Le travail de terrain effectué, depuis mai 1995, par les Commissaires à l'emploi placés sous votre autorité, fait actuellement l'objet d'une évaluation. Nous saurons ainsi quelles initiatives, régionales, départementales ou communales, se sont révélées les plus efficaces pour la formation et pour l'insertion des jeunes en entreprise. Ce sont ces mesures que vous devrez alors encourager et privilégier.
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La réforme de l'Etat devra rapidement vous donner plus de souplesse et plus d'efficacité pour faire face aux grandes nécessités de l'heure.
Vous savez l'importance que j'attache à cette ambition de refondation de l'Etat. L'élan est aujourd'hui donné par le Premier Ministre et par le Gouvernement, il vous revient de le concrétiser et de l'amplifier.
Dans un monde qui change aussi vite que le nôtre, la compétitivité d'un pays dépend largement de la qualité de son administration. Mais au-delà, les citoyens comme les entreprises souhaitent un Etat qui facilite leur vie quotidienne et leurs projets, un Etat plus simple, plus proche, plus efficace, un Etat qui se recentre sur ses grandes missions. Nos concitoyens veulent, à juste titre, des administrations à la fois fortes et accessibles.
Pour y parvenir, tout en préservant, bien sûr, le principe de l'égal accès de tous au service public et les moyens d'une véritable politique d'aménagement du territoire, il faut s'attaquer à la fois à l'excessive concentration de l'appareil d'Etat et à la complexité qui caractérise trop souvent le fonctionnement de nos services publics. Ce sont là les objectifs principaux de la réforme de l'Etat engagée par le Gouvernement.
Deux des premières mesures déjà adoptées revêtent une signification particulière et obligeront l'administration à fonctionner autrement. On n'en a peut-être pas encore pris toute la conscience mais c'est une réforme importante :
- D'abord, la déconcentration des décisions administratives individuelles qui va transférer de nombreuses compétences des administrations parisiennes vers les préfectures et les services extérieurs, recentrant les ministères sur leurs missions de conception, de pilotage et de contrôle des politiques publiques. Elle constitue le contrepoids tant attendu de la décentralisation et prépare une nouvelle répartition des pouvoirs au sein de l'Etat ;
- Ensuite, une nouvelle règle de principe va inverser le rapport traditionnel entre le citoyen et l'administration : le silence de l'Administration durant quatre mois valait traditionnellement rejet. Désormais, c'est dans un délai de deux mois que l'administration devra trancher, son silence pouvant valoir accord, si naturellement le Parlement, très prochainement, approuve ces dispositions proposées par le Gouvernement.
Ces deux mesures, et bien d'autres en préparation, amorcent un véritable changement de logique au sein de l'Etat. Je sais qu'il y a des résistances, parfois fortes, mais j'ai invité le Gouvernement à les surmonter et, dans les dispositions d'application qu'il devra prendre, à voir large et à se montrer audacieux.
Cette réforme de l'Etat, vous devez la saisir comme une chance et exploiter au maximum les marges de manoeuvre supplémentaires qui vous sont ainsi données. Vous serez jugés sur votre capacité à en faire le meilleur usage possible au bénéfice de nos concitoyens et de leurs initiatives.
Vous allez par ailleurs, dès cette année, bénéficier d'une déconcentration financière supplémentaire. Dans six régions, dès maintenant, les préfets géreront et répartiront librement une enveloppe globale de crédits en faveur de l'emploi. Vous pourrez ainsi donner plus d'efficacité aux financements de l'Etat, conduire par exemple une politique de stages mieux adaptée à votre département ou accompagner plus finement les initiatives prises par les collectivités locales et par les associations. C'est une mesure importante que -je le sais - vous souhaitiez depuis longtemps. En la décidant, le Premier Ministre va faire évoluer en profondeur notre pratique administrative.
Mais plus de marges de manoeuvre, c'est aussi pour vous plus de responsabilités. J'attends des Préfets qu'ils s'engagent et prennent des initiatives à la mesure des moyens nouveaux qui vont être mis à leur disposition. Soyez donc disponibles, proches des préoccupations de vos administrés. Soyez des militants de la proximité.
Plus que jamais vous devez être à la fois médiateur et catalyseur d'énergies.
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Servir l'Etat, le représenter dans les départements et les régions est une tâche passionnante, mais évidemment exigeante. Dans des conditions parfois difficiles, vous vous en acquittez avec coeur, avec ce sens du devoir et cette haute idée de votre mission qui sont depuis toujours l'honneur de votre Corps.
Au-delà des grandes ambitions que je viens d'évoquer, vous devez faire face aux multiples soucis de la gestion quotidienne. Le Ministre de l'Intérieur s'efforce, et ce n'est pas facile en ces temps d'assainissement budgétaire, de vous en donner les moyens.
Il y a notamment votre responsabilité dans la lutte contre le terrorisme et l'application du plan Vigipirate : demeurez attentifs et mobilisés.
Et puis il y a les crises, les violences et les désordres qui troublent ponctuellement la sérénité de nos concitoyens, et parfois menacent leur tranquillité. L'usage de la force publique est alors de votre responsabilité. Légitime, mais heureusement exceptionnel dans sa mise en oeuvre, il représente sans doute la partie la plus délicate de votre tâche. Dans ces moments là, sachez que le Gouvernement et moi-même sommes à vos côtés, d'autant plus concernés qu'à travers vous, c'est la première mission de l'Etat, celle de garantir la paix publique, qui est en cause.
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Ces responsabilités, qui sont celles de votre métier prennent une dimension supplémentaire Outre-Mer. C'est pourquoi je tiens à adresser un salut particulier à ceux d'entre vous qui y servent.
Comme vous tous, ils y représentent la République, et la font de surcroît rayonner dans leur environnement, du Pacifique, de l'Atlantique ou de l'océan Indien. Comme vous tous, ils y servent l'Etat, mais dans le contexte spécifique des cultures, des traditions, des particularismes qui font la richesse de l'Outre-Mer, et qui font de la France un grand pays qui n'est pas tout à fait comme les autres.
Enfin, Mesdames, vous qui accompagnez vos époux dans l'exercice de leurs fonctions, je souhaite vous remercier de l'appui que vous leur apportez de manière exemplaire, je le sais, pleine de réserve, de sourire et de charme. Vous concourrez aussi à la représentation de l'Etat et je tenais à vous en rendre hommage.
Je vous remercie. |